L’un des titres les plus connus du glorieux Joseph reste sans conteste celui de Patron de la bonne mort, sujet choisi par le Pape pour la dernière Audience générale du 9 février, ce qui est très heureux, car les fins dernières ne sont plus guère objet de catéchèse, ni de prédication dans beaucoup d’endroits, d’où la peur de nos contemporains face à la mort.
La récente pandémie ne l’a montré que de trop. Or la question des fins dernières touche toute notre vie morale, c’est-à-dire toute la compréhension qu’en tant homme, nous avons de nous-mêmes. Car, nous le savons bien, aucun homme n’échappe à la mort et donc aussi à l’après mort. On dit à juste titre que « la mort est la seule justice ici-bas, car nous y passons tous ». Mais la mort nous conduit à l’horizon ultime de notre vie, là où notre pensée et notre cœur devraient nous porter spontanément. Saint Augustin dit à Dieu, au début de ses Confessions : « Vous nous avez créés pour vous et notre cœur est dans l’inquiétude, tant qu’il ne repose pas en vous ». Se détourner de cette perspective, c’est pour l’homme une véritable aliénation. Nous le constatons aujourd’hui à travers des progrès matériels qui ne peuvent apporter que des jouissances immédiates, sans procurer aucun remède pour la faim profonde de l’âme. Cette chute de tension spirituelle qui touche l’humanité affecte aussi nombre de chrétiens chez qui l’on constate un désintérêt vis à vis de ces questions fondamentales. On ne parle plus des fins dernières dans l’enseignement chrétien. Jean-Paul II le regrettait dans Entrez dans l’espérance.
La mort est la loi inéluctable de tout être vivant. Mais si tout vivant doit mourir, la mort concerne l’homme d’une manière particulière. Seul l’homme en effet sait ce qu’est la mort, car seul il sait ce que c’est que d’exister et donc aussi ce que c’est que de ne plus exister, c’est-à-dire de mourir. Il en a même une conscience vive, qui le jette souvent dans une véritable angoisse, car ce sort de mortel qui l’affecte dans son humanité même, lui paraît difficile voire impossible à accepter. La mort dévoile à l’homme sa misère, mais elle lui dévoile aussi sa grandeur, car elle le place en face d’un destin qu’il doit assumer. Il sait qu’il est responsable de ses actes et qu’il sera jugé par Dieu sur sa vie personnelle.
C’est pourquoi, pour franchir ce pas de la mort, nous avons besoin de patrons qui nous conduisent à bon port. L’Église en reconnaît deux particulièrement : saint Joseph et le Bon larron. Mais pourquoi saint Joseph ? Parce que tout simplement, comme l’a enseigné Benoît XV : « grâce à lui, nous allons directement à Marie et par Marie à l’origine de toute sainteté qui est Jésus. » C’est ce que fait Benoît XVI, qui avait précisément pour patron de baptême Joseph. Il a dit récemment qu’il se tenait devant la porte obscure de la mort.
Tôt ou tard, nous passerons tous par la porte de la mort. Si contemporains ont si peur d’elle, c’est simplement parce qu’on leur occulte la vraie lumière qui éclaire la mort : la Résurrection du Christ, prémisse de notre propre résurrection. Ce n’est que par cette foi en la Résurrection que nous pourrons regarder l’abîme de la mort, sans être pour autant envahis par la peur, car la mort sera pour le chrétien croyant l’entrée dans la vie. Mais ce n’est pas tout : la mort éclairée par la Résurrection nous aide aussi à regarder la vie d’un autre œil. Quand on meurt, on s’en va seul. Pour l’unique voyage qui compte, pas besoin de valises. L’essentiel est que nous passions par la bonne porte, celle du Ciel. Que saint Joseph et sa sainte épouse nous y conduisent tous. Que pas un ne manque au rendez-vous !