L’impôt peut-il être juste dès lors que le système politique et fiscal à l’échelle mondiale tolère des paradis fiscaux pour les sociétés et les très gros revenus ?
Nous avons demandé leur avis à deux spécialistes de la question, Pierre de Lauzin1 et Geneviève Gavignaud-Fontaine2
Paradis fiscaux et justice fiscale
Pierre de Lauzun
L’impôt peut-il être dit juste, dès lors que le système politique et fiscal à l’échelle mondiale tolère des paradis fiscaux, abondamment utilisés par les sociétés et les très gros revenus ? La question doit être posée, car on assiste à de vrais scandales. En même temps la réponse n’est pas toujours simple.
Qu’entend-on par paradis fiscaux ? Des pays dont l’activité principale est d’utiliser une législation extrêmement accommodante, fiscale et réglementaire, pour qu’on localise chez eux des opérations qui n’y ont pas de base économique. On vise au minimum quelques îles plus ou moins exotiques genre îles Caïmans ou Nauru. Mais aussi quelques États moins symboliques, y compris en Europe. Ils permettent d’échapper à l’impôt de deux façons : en dissimulant une fraude ; ou en rendant possible ce qu’on appelle une optimisation fiscale.
Une infraction cachée aux yeux de l’État
Le cas de la fraude est le plus simple. Le contribuable est alors en claire infraction et le paradis fiscal empêche l’autorité légitime de le voir. Dans ce cas c’est l’opacité réglementaire qui est en cause, le fait que le pays refuse de donner les informations nécessaires au pays d’origine. La parade est d’exiger des échanges d’informations. Jusqu’à récemment il n’y avait rien de bien efficace. Pourquoi ? D’abord à cause de la difficulté à établir une liste de pays identifiés comme paradis fiscaux (on dit : « non-coopératifs ») : ces listes se sont réduites au fil des ans comme peau de chagrin, sans que la communication d’information entre pays soit plus efficace. Cela dit, des décisions ont été prises récemment pour rendre systématique cette communication, sans que le secret dit bancaire soit opposable. C’est un progrès relatif, quoique cela oblige à des contrôles continuels. Mais l’essentiel n’est pas là.
Le cas le plus fréquent est celui où le contribuable est…