Grâce aux efforts des ministres qui se sont succédé à l’Éducation nationale sous le quinquennat de François Hollande la catastrophe culturelle que d’aucuns constataient va devenir abyssale. Petit état des lieux, manuels scolaires « refondus » à l’appui, du collège « réformé ».
« Vous souhaitez rompre avec votre petit(e) ami(e). Après lui avoir écrit le SMS ci-dessous, vous décidez finalement d’opter pour une lettre afin de développer vos sentiments et les raisons qui vous poussent à prendre cette décision. » L’énoncé se poursuit avec la reproduction du SMS (message électronique) suivant : « Cc c mwa ! Sa va dps samedi ? G 1 truc a te dir jcroi kon devrè fer 1 brek… bz » (Traduisez ainsi : « Coucou, c’est moi ! Ça va depuis samedi ? J’ai un truc à te dire, je crois qu’on devrait faire un break… Bisous ».)
Voilà un exercice de rédaction proposé dans Lire aux éclats, un manuel de français de 4ème – des enfants de 13 ans – édité par Nathan. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres des applications concrètes de la grande « refondation de l’École de la République » annoncée par François Hollande en 2012, amorcée par la loi du 8 juillet 2013 de Vincent Peillon, poursuivie par Benoît Hamon et Najat Vallaud-Belkacem, ministres successifs de l’Éducation nationale.
Un lieu républicain ?
La circulaire de rentrée, publiée au Bulletin officiel de l’Éducation nationale du 14 avril 2016, explique : « Depuis sa création, l’École est un espace de transmission et de maîtrise du savoir et un lieu profondément républicain. Elle doit cependant devenir plus juste, véritablement démocratique, et incarner pleinement les valeurs d’égalité et de solidarité. Ici réside l’ambition de cette refondation : former chaque élève pour qu’il devienne un citoyen éclairé, instruit, éduqué, autonome, cultivé et porteur des valeurs de la République. » Derrière les discours pompeux, le bouleversement de l’école voulu par le gouvernement Hollande est l’imposition tyrannique d’une série de mesures aussi absurdes que coûteuses et complexes à mettre en œuvre : refonte totale des programmes scolaires et cycles d’apprentissage, déploiement de l’utilisation d’outils informatiques avec le programme « école connectée », modification des rythmes scolaires, création de 60 000 postes pour l’Éducation nationale, réforme de la formation des professeurs, nouvelles mesures en faveur des zones d’éducation prioritaire (ZEP)… Bref, pas un seul aspect de l’école qui ne soit touché par les grands idéaux du gouvernement.
Pour cette année 2016, c’est le collège qui a fait l’objet des attentions toutes spéciales de Najat Vallaud-Belkacem. L’enseignement est désormais organisé non plus par classes mais par cycles : le cycle des apprentissages premiers (petite, moyenne et grande section de maternelle), le cycle des apprentissages fondamentaux (CP, CE1 et CE2), le cycle de consolidation (CM1, CM2 et 6ème) et le cycle des approfondissements (5ème, 4ème et 3ème). Le nombre d’heures allouées à chaque discipline n’est donc plus pensé par année mais par cycle. Ce qui signifie qu’un élève qui change d’établissement en milieu de cycle aura de fortes chances de faire l’impasse sur une partie plus ou moins importante du programme. Par ailleurs, 20 % des heures jusqu’alors consacrées aux matières fondamentales seront consacrées à des heures de soutien et aux Enseignements Pratiques Interdisciplinaires (EPI)… Concrètement, il s’agit d’heures consacrées à des thèmes touchant à plusieurs disciplines et que les professeurs concernés doivent enseigner ensemble, et tant pis si cela demande une organisation démentielle.
Le gouvernement a établi huit thèmes d’étude pour ces EPI et les établissements devront en choisir six qu’ils proposeront aux élèves au cours du « cycle des approfondissements », à raison de deux EPI par an. Parmi ces huit thèmes, on trouve « Corps, santé, bien-être et sécurité » ou « Information, communication, citoyenneté », mais aussi « Langues et cultures de l’Antiquité », le favori de Najat Vallaud-Belkacem : les protestations ont été vives et nombreuses à l’annonce de la suppression de l’enseignement du latin au collège mais le ministre brandit à chaque fois son EPI pour expliquer que, si, bien sûr, les élèves pourront faire du latin… Mais ce sera à raison d’une demi-année au cours du collège, et mélangé avec de l’histoire et du français.
L’obsession de l’interdisciplinarité
Marc Le Bris, enseignant et auteur de Et vos enfants ne sauront pas lire… ni compter !, résume ainsi cette obsession de l’interdisciplinarité : « L’Inspection générale propose toujours la même méthode qui est universelle et infaillible, valable pour toutes les matières, tous les âges d’élèves, tous les niveaux de difficulté : les élèves en petits groupes, sont assis, ou mieux encore debout, face à une situation non scolaire qui doit leur poser des problèmes naturels de conception et de présentation, d’où ils tireront des maths, de la rédaction, de l’anglais… bref, une “situation-problème interdisciplinaire” dans laquelle ils construiront eux-mêmes leur savoir. »
Autre victime de la réforme du collège, l’enseignement des langues vivantes. Les classes bilingues sont supprimées mais la deuxième langue vivante sera enseignée dès la 5ème et non plus seulement en 4ème comme c’est le cas actuellement. Seuls auront accès à une classe bilingue les enfants qui ont commencé leur deuxième langue vivante au primaire, ce que peu d’établissements proposent…
Un refus de l’excellence
Suppression des classes bilingues, suppression du latin, programmes simplifiés, enseignements fumeux : la refonte de l’école est en fait le refus évident de l’excellence car, sous le prétexte louable et légitime de ne pas laisser les élèves en difficulté sur le bord de la route, on empêche les meilleurs d’aller aussi loin qu’ils le pourraient. Syndicats, professeurs, philosophes, penseurs, parents… Les protestations fusent de toutes parts mais les auteurs de la refondation de l’école sont contents d’eux-mêmes. Ils sont bien les seuls, avec la direction de l’Enseignement catholique, qui a affiché une complaisance étonnante à l’égard de la réforme. Pascal Balmand, secrétaire général de l’Enseignement catholique, écrit ainsi : « J’avoue avoir un peu de mal à percevoir ce en quoi elle scellerait l’abandon de toute exigence et même la “mort de l’école”. Je mesure, en revanche, la façon dont elle peut selon moi aider le collège à mieux répondre aux défis de l’échec scolaire et du décrochage, à développer les pédagogies coopératives et à renforcer le sens des apprentissages par le croisement des savoirs. »
66 nouveaux établissements hors contrats ont vu le jour en France en 2015, nul doute que l’élan se poursuivra dans les années qui viennent !