Le 22 mai, le centre Européen pour le droit et la Justice (ECLJ) a rassemblé plusieurs femmes qui ont beaucoup souffert de leur avortement. Elles sont venues témoigner auprès des parlementaires pour qu’ils proposent de nouvelles lois, permettant d’aider les femmes enceintes en détresse et proposant des alternatives à l’avortement systématique.
En mars dernier, le droit à l’avortement a été inscrit dans la Constitution. Mercredi 22 mai, un collectif de femmes ayant déjà avorté est venu rencontrer les parlementaires. Elles ont été rassemblées par le Centre européen pour le droit et la Justice (ECLJ). Elles ont toutes en commun de n’avoir pas vécu leur avortement comme une simple opération médicale. Elles témoignent de leur souffrance, afin que les parlementaires proposent de nouvelles lois, permettant d’aider les femmes plutôt que des les inciter à avorter.
Nicolas Bauer, responsable de l’ECLJ nous a permis de rencontrer cinq d’entre elles, dans un café du 7e arrondissement de Paris. Assises les unes à côté des autres, elles s’apprêtent à nous raconter leur tragique histoire. À l’extérieur de ce café parisien, il pleut des cordes. À l’intérieur, les témoignages s’enchaînent. Ces femmes courageuses prennent la parole pour dire, à huis clos, ce que la société ne leur permet pas de dire. « J’ai avorté, et j’en ai terriblement souffert. »
La dure réalité derrière l’avortement
Leurs émotions sont dures à contenir, l’une d’entre elle ne peut s’empêcher de faire une pause, les larmes aux yeux, lorsqu’elle évoque sa sortie de l’hôpital, pourtant 24 ans plus tôt. Elles ont chacune leur propre histoire, ne viennent pas du même milieu, n’ont pas le même âge, pas la même famille… Pourtant, un point commun les réunit : elles n’ont pas vécu leur avortement comme une simple opération médicale. Bien au contraire, elles en ont toutes subi de lourdes conséquences physiques et psychiques.
Elles ne parlent pas en suivant les paroles d’un mouvement politique, elles racontent la dure réalité qu’elles ont endurée et que de nombreuses femmes derrière elles subissent. Elles veulent qu’on les écoute, pour éviter que d’autre aient à l’avenir à avorter. Toutes disent ne pas s’être senties libres dans leur choix de garder l’enfant. Si cela n’avait tenu qu’à elles, indépendamment de leurs conditions matérielles et de leur compagnon, elles l’auraient gardé. Mais non, elles ont toute subi une pression de la part de leur conjoint, du planning familial, ou des hôpitaux qui les ont incitées à avorter. Il n’y avait aucune alternative vraiment proposée.
Nous les écoutons chacune, afin de comprendre pourquoi leur décision n’était pas celle d’un choix libre et consenti. L’une d’entre elle, qui souhaite garder son anonymat nous confie : « Je pensais en me rendant au planning familial, qu’on allait me proposer plusieurs solutions à ma grossesse, mais non, on m’a dit de réfléchir encore deux semaines, puis de prendre deux pilules. » Les deux pilules sont des médicaments qui permettent d’avorter chez soi. La première pilule, la mifépristone, est utilisée comme abortif, et interrompt chimiquement la grossesse. La seconde, le misoprostol, provoque des contractions et l’expulsion. Voilà la seule aide que le planning familial a suggérée à cette femme enceinte en détresse.
Émilie, assise à côté acquiesce : « Au planning quand une personne vient et qu’elle hésite, ils font quand même les papiers au cas où, comme si la décision était déjà prise. Alors que certains viennent vraiment juste se renseigner. » Plus tard, c’est au tour de Valérie de raconter son avortement. Elle se remémore le moment où, à l’hôpital, elle se dirigea vers le bloc opératoire. Valérie, inconsciemment, avait espoir jusqu’au dernier moment qu’on lui propose une autre solution, miraculeuse, une « grâce », que celle d’avorter. « J’étais dans le couloir de la mort et j’attendais une grâce et la grâce n’est pas venue car le docteur n’a pas changé d’avis. »
Comme Valérie et Emilie, de nombreuses femmes se sentent contraintes d’avorter. Or, la loi ne les protège plus depuis que le délit d’incitation à l’avortement a été aboli en 2001. En effet, de 1975 à 2001, la loi Veil interdisait l’incitation à l’avortement. Depuis 1993, un délit dont l’objectif est inverse a été institué puis élargi par les gouvernements successifs : le délit d’entrave à l’avortement. Par conséquent, alors qu’il est interdit de tenter d’empêcher une femme d’avorter, il est permis de tenter d’empêcher une femme de poursuivre sa grossesse.
Une douleur physique et psychologique
Aujourd’hui, le gouvernement présente l’avortement sur son site internet officiel comme une opération médicale banale, sans conséquences graves. Au contraire, celles réunies mercredi, et d’autres, ne se reconnaissent pas dans cette définition. Elles ne l’ont absolument pas vécu comme tel, et dénoncent l’injustice de ces propos puisque physiquement, leur avortement fut pour toutes très douloureux. Or elles ne se doutaient pas que cela ferait si mal. Mais ce qui a été le plus dur encore, c’est la souffrance interne, celle dont on n’a pas le droit de parler, et qui dure des années.
La dernière femme qui prend la parole a avorté chez elle, par voie médicamenteuse, à la septième semaine de sa grossesse. « C’est tombé sur le carrelage, et j’ai vu deux petits bras et deux petits yeux au sol. J’ai recueilli ce petit, ce premier enfant. Ensuite, J’ai passé 9 mois à pleurer, à ne pas sortir de chez moi, j’ai arrêté mes études, alors que c’était justement pour éviter cela que j’avais avorté. J’ai ensuite fait une tentative de suicide. »
Ses paroles rejoignent celles d’une autre qui affirmait quelque minutes plus tôt : « Je pensais que ce serait une grande libération, un soulagement puisque c’était mon choix, mais je me suis sentie tout sauf libre dans cette salle de bain. Ce fut une immense souffrance, très longue, qui a demandé des années. Le pire était que c’était une souffrance cachée et c’est cela que je reproche à la société : qu’elle ne puisse pas être exprimée. »
Quand le corps veut oublier
L’avortement peut être tellement éprouvant, qu’il peut être considéré en psychologie comme un traumatisme. La preuve en est que, bien souvent, le psychisme humain en fait un déni car le souvenir de l’avortement est trop douloureux. Autrement dit, il arrive que parfois, les femmes ayant avorté, l’oublie pour s’en préserver inconsciemment.
C’est le cas d’Émilie qui raconte s’être rappelé de ses deux avortements dix ans plus tard, à l’occasion d’un événement bouleversant. Elle a pu ensuite récupérer ses dossiers de suivis médicaux et a alors découvert qu’elle avait en réalité avorté trois fois. L’oubli est le signe que notre organisme réagit pour se protéger d’un conflit intérieur, d’une agression externe ou d’émotions trop fortes. Alors, à ce stade, pouvons-nous toujours présenter l’avortement comme un acte médical banal ?
Ces femmes ont toutes mis des années à se reconstruire. Plusieurs d’entre elles se sont converties au christianisme et sont désormais engagées dans des associations pour soutenir les femmes enceintes en difficulté. Si elles témoignent aujourd’hui, c’est pour que l’État fasse en sorte qu’ aucune autre femme n’ait à vivre ce qu’elles ont vécu, et que toutes puissent librement donner naissance à leur enfant.
En réponse à cela, Nicolas Bauer, avec L’ECLJ, propose de créer une obligation d’information sur les alternatives à l’avortement et sur les possibilités qui s’offrent aux femmes souhaitant poursuivre leur grossesse. Il existe par exemple aux États-Unis l’« adoption ouverte ». Elle a pour vocation de confier les enfants non désirés à des familles choisies par les parents biologiques.
À la suite d’une première rencontre fin février avec des femmes témoignant de leur avortement, cinq sénatrices envisagent d’initier une mission d’information parlementaire sur les dérives du Planning familial. Il est aussi question d’agir sur la prise en charge par la sécurité sociale de la grossesse et de faire de la prévention auprès des jeunes à l’école.
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