La secrétaire d’État est là, le préfet aussi, les députés bien entendu. Les élus locaux évidemment mais, quand il y a du lourd comme ça, quand ça déboule des ministères, le petit maire, tout le monde s’en fout. On inaugure une usine : couper le ruban, discours évidemment et « restau » aux frais de la Région. « La réindustrialisation de nos régions s’impose. » Le déjeuner se fera sur ce thème… à gauche comme à droite : réindustrialisons ! Vraiment ? Recommencer 200 ans de chaos humain, de misère, d’exode rural, de destruction des métiers, des savoir-faire. Continuer l’élimination systémique du monde artisanal. Celui des hommes libres confiants dans la maîtrise de leur métier, propriétaires de leurs ateliers et patrons de quelques apprentis. Continuer à prolétariser des hommes lobotomisés par trente ans de carrière à se dégénérer sur le même geste, plus capables d’exercer la moindre responsabilité tant les normes et les « process » se sont substitués à leur liberté. Réindustrialiser ? Vraiment ? Et voir encore et encore sortir hagardes, des femmes prétendues libérées et réellement hébétées par un boulot que des robots font déjà à leur place. Réindustrialiser et voir nos villes devenir fantômes comme Détroit, parce que le capitalisme a trouvé ailleurs une main-d’œuvre moins chère. Multiplier les Gandrange et laisser une région exsangue aux maisons noires des crassiers des aciéries, parce qu’un Mital préfère l’Inde à la Lorraine. Réindustrialiser ? Non, fini ! Nous préférons deux cents patrons de forges plutôt qu’un grand groupe, nos six cent mille agriculteurs à cent fermes usines. Ce libéralisme bousille hommes, familles, régions, pays, continents. Faisons-le cesser…
Réartisanalisons nos provinces.