À l’occasion de la sortie de son dernier ouvrage Avec les fées, nous sommes allés à la rencontre de Sylvain Tesson lors d’une conférence à Angers le mardi 16 janvier, pour découvrir l’aventurier au cœur d’une polémique pour son parrainage du Printemps des poètes.
Découverte de l’aventurier
L’heure tourne, il est temps de s’asseoir, la conférence ne va pas tarder à commencer. Le silence se fait, puis dans le fond de la salle des pas se font entendre. Le silence qui règne, balaye de son salut l’homme qui s’avance. La tête baissée, le sourire fermé, nos yeux ont du mal à distinguer son visage. D’un air presque pressé, il se place derrière le pupitre qui recevra ses paroles. Sans perdre de temps, il enlève le long manteau qui le calfeutre et relève la tête pour regarder son public.
Son visage poli par les âges se découvre. Ses cheveux bruns coupés court sont marqués par le sceau du voyage, des aventures, du froid des montagnes, de la solitude des steppes, de la vague et de la poussière. Ses yeux à peine perceptibles, d’un gris foudroyant, font surgir de son être l’énergie folle et débordante qui l’anime de jour en jour, le conduit de voyages en périples, et de périples en aventures. Ce sont ces mêmes yeux qui sont éclairés de la beauté du monde, des paysages et des animaux qu’ils ont pu contempler. C’est la houle de la mer qui lui donne le souffle de vie, c’est la neige et la glace qui lui donne l’énergie d’avancer et d’écrire.
Les sourcils froncés, les yeux perçant et le visage relevé réunissent à eux seuls : l’audace, l’intrépidité, la vaillance, la hardiesse, l’assurance et le courage de l’homme qui joue avec les limites comme il le dit lui-même : « j’aime les frontières, l’entre deux, je suis un funambule, j’apprécie, les sommets, les pics, les cicatrices, les crêtes, le littoral et les arêtes. » Son visage meurtri par les cicatrices est un appel, une invitation à tenter l’aventure, partir en voyage, découvrir et contempler le monde : il nous en montre aussi bien ses joies… que ses dangers.
L’inspiration du poète
Le silence est d’or, levant les yeux au ciel pour une dernière fois implorant les dieux et les muses de l’inspirer, il prend une longue respiration et commence à parler. Sa langue trie, sélectionne les mots, les assemble pour faire des phrases, et de ses phrases il en fait une poésie. Il nous décrit avec quelle attention, il trouve l’inspiration, quelle puissance l’anime pour partir à nouveau à la découverte du monde. C’est une idée, un concept qui forge la première partie de la recette. Pour l’étudier, il faut la mettre en mouvement : voyager.
De cette odyssée, de cette exploration, il peut en écrire ses pensées, ses réflexions. Pour son dernier ouvrage Avec les fées, il explore le concept du merveilleux, la mise en mouvement, la recherche d’un lieu propice à l’étude de cette idée est toute trouvée. « L’arc celtique » comme il l’appelle qui s’étend de la Galice en Espagne, jusqu’aux îles Shetland au nord de l’Écosse en passant par la Bretagne et l’Irlande. « Qu’est ce que le merveilleux ? » réfléchit-il : ce qui réjouit l’âme, l’admiration et la contemplation de la beauté. Assis au pied d’un menhir, il réfléchit, il admire, il écrit.
Dans sa jeunesse, Sylvain Tesson a grandi en île de France, il est à la fois le rat des villes et le rat des champs. Il a été élevé dans la culture chrétienne, et notamment été scout. Il a malheureusement perdu la foi, et semble s’en attrister, « on m’a fermé l’interrupteur ». Sa première aventure, il l’a faite aux côtés d’Alexandre Poussin : le tour du monde à bicyclette. Et c’est lors de ce voyage qu’il prend le goût de l’écriture prenant l’habitude de rédiger tous les soirs un compte rendu de sa journée.
La contemplation du monde
Parlons maintenant de son œuvre. L’ouverture de chacun de ses livres est une porte vers le voyage. Chaque livre, chaque page est un hymne à la splendeur du monde. Que ce soit dans les forêts de Sibérie, à la recherche de la panthère des neiges ou des fées, Sylvain Tesson nous emmène avec lui pour vivre une expérience unique. La fluidité de la lecture est un ruisseau de poésie, de réflexion, et d’émotion qui fait vibrer le lecteur avec l’auteur. La poésie du texte est toujours mêlée à l’érudition, les phrases s’accompagnent toujours de la pensée des anciens qui réchauffe le cœur des lecteurs. Explorer pour savoir, contempler, apprendre et vivre.
Une réflexion sur le monde et la place de la nature humaine
Son inspiration c’est la contemplation de la nature, rejetant ce qu’il appelle « le progrès ». Il évoque par là le concept de progrès, porté en idéal, avec une valeur dogmatique qui domine le monde. Ce progrès met en péril le monde, l’homme devient un parasite.
Or dans cette vision partagée du monde, je viens lui demander quelle peut bien être la place de l’homme dans le monde. Doit-il être consommateur du monde ou admirateur ? Bien que le progrès semble inévitable, il peut être bon, m’assure Sylvain Tesson, c’est le rôle de l’homme que de trouver cet équilibre entre la protection de la nature et l’utilisation de ses ressources pour faire progresser l’humanité.
Sur ses conseils, il indique que ce sont les Grecs anciens qui ont compris cette mesure, cet équilibre qu’il faut avoir dans la relation de l’homme avec la nature. Xénophon dans son traité De economia donne des conseils pour organiser sa maisonnée. De la même manière, c’est dans cette même optique que l’homme doit agir de même avec la nature. C’est certainement dans cette harmonie que réside la bonne écologie.
Sylvain Tesson est un personnage fascinant par le pari qu’il a pris de devenir aventurier et écrivain. Il permet de retranscrire avec beauté la splendeur dont le monde est régi. Le lire est un moyen de s’émerveiller avec lui devant la beauté du monde au travers d’une aventure exceptionnelle. Il est un incontournable de la littérature de voyage.
C’est pourquoi ce n’est pas aux idées, qu’il paraît prôner qu’il faut le juger, l’écarter de la sphère des poètes comme le fait le journal Libération le 18 janvier : « Nous refusons que Sylvain Tesson parraine le printemps des poètes » parce qu’il représente soit disant « l’extrême droite ». Ce n’est pas à cela que l’on juge la valeur d’un poète, mais bien au talent, à son style, sa maîtrise de notre langue : le français.
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