Entretien avec Richard de Seze
Propos recueillis par Clémence Gidoin
Basile de Koch et Richard de Seze sont les auteurs d’un Cahier de vacances catho. Pour « ne pas bronzer athée », ils proposent une cinquantaine d’exercices regroupés en six leçons qui reprennent les bases de la doctrine catholique et de la culture chrétienne : le cahier aborde tour à tour les thèmes de la vie, de l’amour, de la société, de l’art, de la science et de la nature à la lumière de la foi.
D’où est venue cette idée de créer un cahier de leçons et de quizz sur la religion catholique ?
Jean-Francois Colosimo, le directeur des éditions du Cerf, a appelé Basile de Koch et lui a proposé cet ouvrage. C’est Basile qui m’a proposé d’y participer. L’idée de cahier de vacances est celle de Jean-François Colosimo. Lorsqu’il était directeur des éditions du CNRS, il avait publié un cahier de vacances philosophique. Il trouvait la forme intéressante car elle permet de communiquer un certain nombre de messages, sous une forme plus aimable que celle d’un catéchisme en 500 pages. Il est destiné aux adolescents, aux jeunes adultes, de 17 à 77 ans.
Pensez-vous que les catholiques dans leur ensemble sont mal formés ?
Quand vous dites « dans leur ensemble », je trouve que c’est une catégorie très hétérogène. En France, la moitié des Français se disent catholiques, mais ils entendent souvent par là un catholicisme plus culturel qu’une adhésion consciente à une foi connue. Moins de 10 % sont pratiquants et savent ce qu’est l’Immaculée Conception. Nous pensons que les catholiques ont besoin d’être fermes dans leur foi, qu’ils soient chancelants, sympathisants, cultivés ou non. Ils ont besoin d’avoir une information culturelle, et qui leur rappelle certaines vérités de foi : la chrétienté et l’Église existent depuis le Christ ! Nous étions déjà intelligents au IVème siècle, déjà martyrisés au VIIIème siècle, en pleine controverse scientifique au XIIème siècle : il y a une continuité. Nous rappelons ce qu’est un dogme, qui sont les Docteurs de l’Église,… Nous voulons faire comprendre aux gens que la foi catholique ne se résume pas à l’image médiatique qu’ils en ont. L’Église catholique c’est Golias et Civitas, le Pape François et ceux qui ne disent rien, les cathédrales et les chrétiens d’Orient, un vocabulaire particulier et le chapelet,… Ce sont des petites choses qui constituent la « Catho pride ».
Pensez-vous que la foi doive toujours s’accompagner d’une connaissance technique des dogmes et des rites ?
Bien sûr, l’Église elle-même le dit. Plus on avance dans la connaissance technique des choses, plus on peut en profiter en oubliant cette même technique. On est toujours fasciné par une œuvre d’art : si en plus on connaît les ressources mobilisées par l’artiste pour créer l’œuvre, on en a une meilleure compréhension intellectuelle qui ne diminue en rien le sentiment d’être en intelligence avec l’œuvre. Il y a plusieurs lectures possibles, et l’aspect technique ne fait que les renforcer. Visiter une cathédrale en sachant que Dieu est là c’est bien, c’est encore mieux si l’on sait où est la nef !
Chaque mot évoque un peu de civilisation et prouve qu’il y a une réalité que des gens ont eu besoin de nommer : c’est très précieux. Des hommes ont été suffisamment conscients de telle ou telle réalité de foi pour avoir besoin de la nommer. Chaque connaissance nous replonge dans une histoire qui est la nôtre.
Ne trouvez pas tout de même que le label « cahier de vacances catho » n’est pas très marketing ?
Je ne trouve pas que « catho » soit « old school » ! En France, on a toujours cette impression, et cela fait partie d’une tradition républicaine de séparation de l’Église et de l’État et d’anticléricalisme, de considérer que les forces du progrès sont opposées à celle de la religion. Celle-ci est forcément connotée obsolète, rétrograde, réactionnaire, désuète. Cette vision française n’est pas celle du reste du monde. Moi je vois la faveur incroyable dont François, Benoît XVI ou Jean-Paul II ont joui, avec des textes fondateurs comme Laudato si qui est en résonance immédiate avec l’intégralité de ce que la planète pense du culte du progrès. Il n’y a rien dans le catholicisme qui ne soit pas d’actualité : il a toujours été en prise avec les sociétés vers lesquelles il est allé. Il est tout aussi actuel en France qu’au Sénégal ou chez les Lapons, c’est indéniable.
Pourquoi avoir voulu être drôle ?
L’esprit permet de rejoindre l’Esprit, comme dit Basile de Koch ! Abraham et Sarah rient, par exemple, lorsqu’ils apprennent qu’ils seront parents. Tout au long de l’Écriture sainte il y a des moments où des gens se réjouissent ensemble dans la plaisanterie : l’humour de Dieu est omniprésent. La parabole de Jésus sur le chameau et le moucheron témoigne bien de cet esprit un peu acide et corrosif du Seigneur lorsqu’il apostrophe les foules. Un Dieu qui crée à la fois l’hippopotame et le papillon a un sens assez net de l’humour. Rire, c’est une façon d’être au monde avec assez de légèreté. Le devoir du catholique n’est pas d’être au monde de façon pesante et triste. Pour nous, l’humour est une voie modeste mais tout à fait certaine d’accéder à Dieu, ainsi que nous l’ont montré Thomas More ou Chesterton.
Le Cahier de vacances catho, Cerf, 80 p., 10 €