> Éditorial de Maitena Urbistondoy
Alors que nous achevons bientôt notre année de préparation du centenaire de l’encyclique Quas Primas, ce dimanche 26 octobre, le Missel de 1962 célèbre la fête du Christ-Roi (voir le dossier du n° 1821, pages 26-27).
Cette royauté sociale que Pie XI réaffirme il y a un siècle n’a rien d’un concept théologique planant au-dessus de nos esprits ni d’un vœu pieux sans incidence sur nos vies. Refuser les droits du Christ sur la société, c’est nier qu’il existe un ordre supérieur à la volonté humaine. C’est toute la différence entre une justice fondée sur la vérité et une justice réduite à ce que les hommes décident d’appeler « juste ».
Le 19 septembre, sur le plateau de BFMTV, Blandine de Carlan témoignait, un an après la mort de sa fille Philippine, assassinée à 19 ans. « Ce qui m’aide, c’est que je la sais auprès du Père », confiait-elle. Mais derrière la foi, la douleur reste vive : celle d’une mère confrontée à une justice lente, à des silences, à une forme d’indifférence institutionnelle. « Nous voulons connaître son calvaire, pour être avec elle », expliquait-elle.
Deux jours plus tard, de l’autre côté de l’Atlantique, les mots d’Erika Kirk ont fait le tour du monde. Devant 65 000 personnes réunies en Arizona pour l’hommage à son mari Charlie, militant assassiné dix jours plus tôt, la jeune femme a dit publiquement : « Je lui pardonne, parce que c’est ce que le Christ a fait et ce que Charlie aurait fait. » Son choix, d’une radicalité désarmante, a été salué jusque dans les médias non croyants.
Justice et miséricorde
La différence entre ces deux femmes n’a rien à voir avec le courage ou la ferveur. Elle révèle une vérité essentielle : la justice est la condition nécessaire à la miséricorde. Là où la justice n’est pas rendue, le pardon devient presque impossible ; là où la justice s’accomplit, la miséricorde peut se déployer pleinement. La Croix elle-même en est la preuve : avant d’être un acte d’amour, elle est un acte de justice et de réparation, rendu nécessaire pour que la miséricorde soit offerte à l’humanité.
Roi de nature, le Christ l’est aussi par conquête : il a conquis son royaume au prix de son sang versé pour nous. Le Christ n’a pas aboli la justice : il l’a satisfaite. Il fallait un acte de réparation pour que l’homme soit sauvé de la mort. Le Fils a accepté d’endurer ce que nous méritions, afin que la justice soit rétablie dans l’amour.
C’est ce principe qui inspire encore aujourd’hui certains gestes de l’Église. Le 4 octobre dernier, Mgr Athanasius Schneider, évêque auxiliaire d’Astana (Kazakhstan), a invité trois évêques à participer à un acte public de réparation lors de la Catholic Identity Conference en Pennsylvanie, aux États-Unis. Avec Mgr Robert Mutsaerts (émérite de Bois-le-Duc, Pays-Bas), Mgr Joseph Strickland (émérite de Tyler, États-Unis) et Mgr Marian Eleganti (émérite de Coire, Suisse), il a offert cette réparation pour la profanation survenue un mois plus tôt au Vatican : un pèlerinage LGBT était entré, avec des insignes explicites, dans la basilique Saint-Pierre, à l’occasion du Jubilé.
Cet acte n’avait rien d’un geste de défi : il exprimait la conviction que la justice de Dieu, loin d’être une vengeance, est d’abord vérité. La miséricorde n’est pas un contournement de la justice, mais sa plénitude dans l’amour.
Le pardon passe par la vérité
Quelle attitude, alors, pour faire vivre ce règne du Christ ? L’Évangile nous donne un exemple de la manière dont nous devons le servir : celui du Bon Larron. Condamné à mort, il reconnaît sa faute : « Pour nous, c’est justice ; nous recevons ce que nos actes ont mérité. » Puis il proclame la royauté du Christ : « Souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. »
Jésus ne le délivre pas de son supplice ; il lui promet le Paradis. En confessant la justice, le Larron reçoit la miséricorde. Ce dialogue, au pied de la Croix, nous éclaire sur l’un des aspects de ce règne : le pardon passe par la vérité.
Il nous donne aussi l’antidote d’une tentation trop récurrente : celle de nous confondre avec la cause que nous défendons. Servir le Christ, ce n’est pas prétendre être meilleurs que les autres, ni vouloir sauver la face, mais accepter d’être ajustés à la vérité.
Le règne du Christ ne s’impose pas par la force : il se manifeste à travers des consciences droites et des cœurs conquis. Accepter de se laisser conquérir par lui, c’est apprendre à reconnaître ce qui est juste, jusque dans ce qui nous dérange.
Renoncer à soi pour que le Christ règne : voilà le sens du combat spirituel, mais aussi politique. Saint Bernard l’a écrit :
« Rien ne brûle en enfer que la volonté propre. Enlevez la volonté propre, et il n’y a plus d’enfer. »
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