C’est une vieille erreur de supposer que la sainteté serait réservée à une élite, et d’abord à ceux et celles qui se sont consacrés à Dieu. En vérité, le sacerdoce et la vie religieuse sont des chemins de sainteté parmi d’autres, peut-être plus sûrs et mieux balisés, mais en aucun cas les uniques accès au Ciel. L’Église, si elle les a plus rarement, jusqu’à une date récente, portés sur les autels, a toujours incité les simples fidèles à mieux vivre en présence de Dieu. La devotio moderna du Moyen Age finissant, les divers tiers-ordres, l’école carmélitaine ou l’enseignement salésien, pour n’en citer que quelques exemples, ont tous voulu rappeler que l’on pouvait tendre à la perfection chrétienne en tout état de vie.
En cela, connaître et méditer l’exemple des saints afin de s’en inspirer a toujours constitué une bonne école.
L’abbé Patrick Troadec le sait bien qui propose, en quatre tomes correspondant aux quatre saisons, de Prier un printemps, un été, un automne, un hiver avec les saints au jour le jour (Via Romana. Quatre volumes d’environ 200 p. 9€ pièce.)
Ce sont de petits livres que l’on peut emporter partout avec soi, qui se glissent dans un sac à main ou une poche, faits pour rester sans cesse à portée de la main, pensés et conçus pour favoriser l’apprentissage de la vie spirituelle de la manière la plus simple et la plus aisée.
Au fil des saisons, l’un des saints ou bienheureux du jour, des plus célèbres aux moins connus, fait l’objet d’une notice biographique donnant lieu à une méditation sur ses vertus et la meilleure manière de s’en inspirer. Une citation des saintes Écritures appropriée la précède qu’il sera bon de garder en mémoire. Suivent les attributs iconographiques et patronages, une prière empruntée à la liturgie, une ou plusieurs pensées en rapport avec la vie du saint, un choix de résolutions à mettre en application tout au long de la journée, invitant à la prière, au souci d’autrui, à la correction de ses défauts ou à la pénitence. Chaque volume se clôt sur un choix de prières et une bibliographie.
C’est remarquablement fait, très pédagogique, et il est certain qu’en s’appliquant à suivre ces conseils, l’on progresse dans la vie spirituelle. Reste hélas un défaut rédhibitoire : lire chaque jour ces deux pages denses risque de représenter un effort intellectuel quasiment insurmontable pour nombre de nos contemporains adeptes du moindre effort …
Xavier Lecœur le sait et, en publiant, dans la même perspective Prier avec le saint du jour (Salvator. 230 p ; 9,90 €.), il a fait un choix radicalement différent : abréger.
À l’heure où tout le monde court, zappe, tweete en un minimum de mots son opinion sur tout et n’importe quoi, la mode est d’offrir, sur le Net, à des catholiques aussi pressés, voire plus que les autres, une méditation ultra courte censée nourrir toute la journée leur vie spirituelle plus ou moins anémiée.
L’auteur a donc sélectionné 365 pensées d’un saint, bienheureux, vénérable, accompagnées d’un très bref commentaire sur sa fête ou une courte citation de l’évangile. L’on peut difficilement faire plus bref et moins intellectuellement fatigant.
Restent deux difficultés : sorties de leur contexte, sans aucune référence pour les y resituer, les citations laissent souvent perplexe.
Plus ennuyeux encore, l’on s’interroge trop souvent sur l’identité, les faits et gestes, la vie de l’obscure figure de sainteté mise en avant. Ayant fait le choix d’écarter les saints les plus populaires au profit de nouveaux venus au martyrologe, pas encore sortis de leur anonymat, Xavier Lecœur n’a pu, dans son souci de brièveté, donner, les concernant, le moindre renseignement, de sorte que cette litanie ne dit rien à personne, même aux spécialistes de l’histoire de l’Église : qui sont le bienheureux Basile Moreau, saint Miguel Febres Cordero, le bienheureux Torello de Poppi, saint Richard Pampuri, la bienheureuse Elena Aiello, le bienheureux Stanley Rothers, la bienheureuse Marie-Thérèse Tauscher, le vénérable José Vandor, sainte Rose Philippine Duchesne, la bienheureuse Marie-Madeleine Starace, et des dizaines d’autres ?
Il faudrait entreprendre de longues recherches, même sur Internet, pour le découvrir, et l’on a bien compris qu’une telle démarche n’était pas en adéquation avec le parti pris de faire court de notre époque « speedée » …
Dommage. Il y a gros à parier que les exemples qu’ils pouvaient nous transmettre eussent été salutaires …