Syrie, le piège à Chrétiens

Publié le 07 Sep 2013
Au quotidien n° 247 : état de droit et refondation politique L'Homme Nouveau

Depuis des décennies, le Proche-Orient est devenu un véritable piège pour toutes les populations chrétiennes installées là depuis les origines du christianisme. Depuis des décennies, la France a abandonné pratiquement sa mission de protection de ces populations, au profit non seulement de seuls intérêts économiques ou bassement politiques, mais aussi en jouant avec le feu d’une religion conquérante comme l’islam.

Alors que notre pays est aujourd’hui profondément divisé, replié sur lui-même et en proie aux doutes sur son avenir, sans véritable projet commun, François Hollande a décidé de jouer les gros bras et les va-t-en guerre. Ce n’est pas seulement une posture, c’est aussi une volonté, dont il faudrait dire à quels intérêts exactement elle répond. Ceux de la France – mais lesquels précisément ? ou ceux d’une France débitrice du Qatar et de l’Arabie Saoudite ? Certes, on évoque le droit international et le respect des populations qui seraient menacées par l’utilisation d’armes chimiques. Étrangement, on attend toujours le rapport des experts de l’Onu à ce sujet, même si on parle déjà de frappes préventives. C’est un peu comme si, au mépris du droit le plus élémentaire, on estimait déjà coupable et condamné le prévenu qui entre dans le box pour être jugé. Le droit international ? Depuis plusieurs années, la position de la France a toujours été de s’en remettre à l’Onu pour légitimer une guerre. Il semble que cette doctrine ait changé aujourd’hui alors même qu’elle était défendue par ceux qui occupent le pouvoir dans notre pays. Le problème est que l’on ne nous dit pas pourquoi.

On peut avoir des opinions différentes sur la nécessité ou non d’intervenir en Syrie. Le régime d’Assad n’a rien et n’a jamais eu de quoi emporter nos suffrages et susciter notre sympathie. Le Liban, et notamment les chrétiens du pays des Cèdres, s’en souviennent cruellement. Mais alors, jamais, il n’a été question de frappes préventives, peut-être parce qu’il aurait été nécessaire de toucher aussi d’autres protagonistes de la région. Toujours est-il que dans ce qui relève traditionnellement du rôle même du politique, à savoir le jugement prudentiel qui permet d’évaluer au mieux les décisions à prendre dans une situation fluctuante, les arguments opposés ne manquent pas. Mais, par pitié ! Pas au nom des grands principes, bafoués chaque jour en France ! Pas en nous refaisant le montage (cf. Vladimir Volkoff) de la dernière guerre en Irak ! Et, surtout pas en sacrifiant une fois de plus les chrétiens de Syrie, du Liban et des alentours qui seront les vraies victimes du piège qui se referme sur eux aujourd’hui. Que le régime d’Assad soit frappé et il se retournera contre eux, associés de facto à l’Occident. Que les rebelles l’emportent et ils seront là encore les victimes désignées.

C’est aujourd’hui que le Saint-Père a appelé à une journée de prière et de jeûne. Certains se sont étonnés – même parmi les catholiques – de cette invitation qu’ils voyaient comme un alignement sur l’axe Moscou-Téhéran-Pékin qui n’a certes rien de très catholique. Pour eux, l’Histoire plaidait pour un autre alignement, celui que Pie XII aurait fait naître pendant la Seconde Guerre mondiale, dans ses rapports privilégiés avec Roosevelt. L’Histoire est certes une maîtresse d’expérience, mais elle exige un certain doigté pour être utilisée. Le monde de 2013 n’est pas celui de 1943, pas plus que ce dernier n’était le même que celui de 1918 quand les Alliés refusaient que le Saint-Siège prenne place à la table des négociations. Il apparaît évident que non seulement l’appel à la prière et au jeûne n’a jamais constitué un alignement sur une politique, mais qu’il est bien dans la tradition des actions des papes du XXe siècle, confrontés plus souvent qu’à leur tour à des conflits aux larges répercussions.

À cela s’ajoute le fait que le pape François a surpris en montrant un retour ou une réactivation de la diplomatie pontificale sur la scène internationale. Sa lettre au président Poutine au moment du G20 le montre d’autant mieux qu’elle a été rendue publique. L’invitation de Mgr Mamberti (photo) aux ambassadeurs accrédités près le Saint-Siège en est une autre. Rome n’entend pas rester sans voix dans la crise syrienne. Et elle est soutenue en cela par la majorité des autres confessions chrétiennes. Le Pape François, que certains ont réduit à être une sorte d’icône moderne et sympathique en rupture avec son prédécesseur, se révèle peut-être un plus fin politique que nous l’avons cru. D’une politique spirituelle, catholique, romaine, mais politique quand même. Dans un article publié sur son blog et consacré à la géopolitique du catholicisme, le géopoliticien Aymeric Chauprade avait pourtant bien prévenu : « Les Jésuites ont largement contribué à l’expansion géopolitique du catholicisme romain ! »

Le déclin du courage en Occident a été stigmatisé jadis et à juste titre par Soljénitsyne. Il n’a malheureusement pas cessé. Il se double désormais du déclin de la lucidité et de l’intelligence. Ces trois vertus sont à retrouver de toute urgence pour sauver les chrétiens d’Orient. Rome montre la voie

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