Traditionis Custodes : cinq questions plus une

Publié le 18 Juil 2021
Traditionis Custodes : cinq questions plus une L'Homme Nouveau

Le motu proprio de François publié ce vendredi 16 juillet 2021 sous le titre Traditionis Custodes, met fin à l’esprit et aux dispositions pratiques du motu proprio Summorum Pontificum de Benoît XVI.

Celui-ci soulignait l’existence d’un seul rite romain et de deux formes légitimes : la forme ordinaire, la plus récente, née dans le sillage du Concile Vatican II, et la forme dite extraordinaire, codifiée par saint Pie V (mais dont l’essentiel est plus ancien) et réformée une dernière fois en 1962, par Jean XXIII.

La forme extraordinaire : le bien commun de l’Église entière

Offrant à tout prêtre, la possibilité de célébrer cette forme extraordinaire et aux fidèles d’en profiter également, sans recours à des dispositions tatillonnes, Benoît XVI était allé, en fait, bien plus loin que le seul règlement d’une division à l’intérieur de l’Église. Il avait rendu à la liturgie ancienne, patrimoine immatériel de l’Église, son rang de bien commun de l’ensemble des catholiques et non seulement bien d’une partie d’entre eux. Prêtres comme fidèles pouvaient profiter ou non de cette richesse et de ce trésor. Nul n’était obligé.

Au bout de quatorze ans, François a décidé de mettre fin à cette situation et de revenir à une situation pour l’heure quasi équivalente à celle de 1984 (année de l’indult du pape Jean-Paul II réautorisant sous certaines conditions la célébration de la messe dite de saint Pie V).

Des questions

Les nouvelles dispositions posent plusieurs questions. On aurait tort de croire qu’elles ne touchent que la frange dite traditionaliste de l’Église. En élargissant la possibilité de célébrer la forme extraordinaire, Benoît XVI espérait une amélioration générale de la célébration de la liturgie, forme ordinaire comprise. Le pari, malgré des résistances, avait été en partie réussi, principalement auprès des nouvelles générations de prêtres. Ce qui était un bien commun redevient aujourd’hui, non le bien particulier de certains, mais un mal à abattre définitivement. Reste donc quelques questions (parmi d’autres) qui se posent :

1°) L’Église estime-t-elle que la foi véhiculée par la forme extraordinaire n’est pas la même que celle véhiculée par la forme ordinaire ? Si c’est le cas, et dans la mesure où la forme ordinaire ne date que de 1969, n’est-ce pas reconnaître implicitement que celle-ci rompt avec la tradition de l’Église et que partant, le concile dont elle est issue, est réellement une rupture, contrairement à ce qu’avait essayé de souligner le pape Benoît XVI dans son discours de décembre 2005 sur les deux herméneutiques (rupture et continuité) ?

2°) Les fidèles du rang doivent-ils comprendre que la fonction papale n’exprime dans son exercice disciplinaire que les opinions du moment du Souverain Pontife en place, lequel peut contredire son ou ses prédécesseurs, tout en s’attendant à son tour à être contredit éventuellement par ses successeurs ? L’Église, sans une continuité doctrinale et disciplinaire, ne risque-t-elle pas alors de devenir une simple association, porteuse de l’idéologie religieuse du moment ?

3°) Quel sens revêtent les termes de charité et de miséricorde quand on prend des décisions aussi violentes, sans même un mot d’égard à l’endroit des fidèles visés, dont beaucoup sont fervents (quoique tous pécheurs) et pourvoyeurs de vocations ?

4°) Comment comprendre que les fidèles, attachés à un rite utilisé pendant des siècles par l’Église et qui a participé à la formation des saints, doivent s’attendre à reprendre les chemins des catacombes, des garages, des salles profanes pour entendre la messe, alors même que tant d’églises des pays occidentaux sont vides et à l’abandon ?

5°) Quelle est la justice pratiquée dans l’Église à partir du moment où des fidèles qui tentent, malgré leurs péchés, d’être fidèle à l’enseignement de l’Église, sont durement touchés alors que l’Église d’Allemagne (par exemple) tombe pour une grande partie dans l’hérésie, que des prêtres nient certains éléments de la foi ou ne respectent pas les normes de la célébration de la forme ordinaire et ne sont pas sanctionnés ?

Ajoutons une dernière question d’un autre ordre :

Ce motu proprio ne signe-t-il pas l’enterrement de l’œuvre de Benoît XVI (et dans une certaine mesure de Jean-Paul II) alors que le pape Benoît est toujours vivant, et avec lui, la fin de la paix liturgique en raison d’une politique du rétroviseur qui voit l’avenir de l’Église avec les lunettes des années 1970 ?

Sur sujet, voir l’article d’Odon de Cacqueray : la guerre liturgique réouverte ?

Voir aussi la Lettre explicative de François, accompagnant son motu proprio.

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