TV-Réalité pour la course à la présidence

Publié le 06 Déc 2016
TV-Réalité pour la course à la présidence L'Homme Nouveau

Avec la nouvelle émission de Karine Le Marchand, intitulée « Une ambition intime », les candidats à la présidentielle de 2017 élargissent leurs confessions aux dimensions du petit écran. Une publicité facile pour une politique au rabais.

Musique d’ambiance, bougies, couleurs chaudes, petites gourmandises. Karine Le Marchand reçoit ses invités de choix dans la nouvelle émission dont elle est l’animatrice sur M6 et qu’elle a nommée « Une ambition intime ». Entrant au milieu de photographies de famille et de souvenirs personnels, l’invité découvre ému, surpris, ces objets du quotidien, ces petits symboles que la jeune femme a soigneusement assemblé pour reconstituer l’univers favori de chacun de ses hôtes.

Du vélo bleu de Nicolas Sarkozy au jardin de Marine Le Pen, en passant par les sourcils de François Fillon, toute la vie privée des politiques apparaît au grand jour dans un climat qui se veut de la plus grande intimité. Un charmant tête à tête, mais avec la France entière.

Ce sont des invités pour le moins spéciaux, puisqu’ils ont un point en commun, mais un point qui divise : ils sont tous candidats à la présidentielle de 2017. Le 9 octobre, Nicolas Sarkozy, Bruno Lemaire, Arnaud Montebourg et Marine Le Pen se sont prêtés au jeu, puis ce 6 novembre, c’était au tour d’Alain Juppé, de François Bayrou, François Fillon, Jean-Luc Mélanchon de monter sur la scène.

Oui, un jeu et une scène. L’originalité de l’émission provient de son caractère dit apolitique : une rencontre avec des personnalités politiques, loin des débats d’idées, avec des personnes authentiques, mais absolument sans politique. Mais inviter des personnalités politiques qui n’ont en ce moment qu’une idée en tête, leur propre campagne pour la présidentielle, est-ce vraiment croire que la politique ne se fera pas petite souris, qui soufflera, tentatrice, de belles paroles aux concernés ? Ne serait-ce pas naïf de s’attendre à l’authenticité promise ?

Sans se leurrer, cette émission est éminemment politique, et sa subversivité ou sa lâcheté, c’est précisément de camoufler son intention. L’émission proposée au plus grand public se construit donc sur un mensonge, difficilement plus criant, que les bougies, les larmes, les rires, les témoignages déguisent tant bien que mal.

L’électeur, désintéressé par la vie politique, n’est plus croyant, il ne croit plus ni à la portée de son vote, ni aux personnes qu’il élit. Les chiffres d’audience des débats politiques sont déjà extrêmement pauvres, mais ils continuent de baisser, alors que les élections se rapprochent. Les sondages prouvent pourtant dans tous les secteurs de la société un désir de changement, une lassitude latente : ce n’est donc pas dans le prochain gouvernement ni dans la politique que l’électorat place son espoir.

Le recours au pathos

Pour les hommes politiques, quelle meilleure stratégie que de brasser toujours le même potage qui donne aux enfants la grimace, et de moins en moins digeste car considérablement refroidi ? Plutôt que d’entendre pourquoi l’électorat s’abstient, de comprendre que les personnages comme les discours ne satisfont plus, et d’agir en conséquence, c’est parti pour un nouvel art de faire campagne. Le pathos prenant le dessus sur l’intellect, c’est ainsi qu’on les aura. Tristement, la stratégie a génialement fonctionné, comme le prouvent les chiffres records enregistrés par cette première émission : 3,13 millions de vues.

De nouvelles manières pour sensibiliser les personnes à la politique, pourquoi pas ?, mais écarter le débat d’idées en se focalisant sur la vie privée, là réside le véritable danger : combien de personnes iront voter en 2017 avec comme seul aperçu des candidats ce récit apparemment sincère, mais qui est en réalité on ne peut plus soigné, arrangé, contrôlé ? Plus encore qu’un danger, c’est un drame, car le fait que des hommes politiques acceptent de séduire par leur vie privée pour obtenir plus de voix prouve de façon alarmante que leur combat est strictement individuel, et qu’ils ne cherchent plus à défendre véritablement des idées collectives.

Enfin, il est profondément insultant pour l’électorat de voir ses hommes politiques s’abaisser à de tels subterfuges : on peut mesurer l’estime qu’ils portent aux votants en considérant la manière dont ils leur parlent, à travers une émission sans fond, où l’affect déborde et écrase l’intellect. Le peuple est malade d’une boulimie de sensationnel, et la classe dirigeante en a conscience. ­Qu’elle utilise ce mal à ses fins personnel­les au lieu de chercher à le combattre, en rehaussant et ravivant l’intelligence politique, c’est tout simplement injurieux.

Ce contenu pourrait vous intéresser

A la uneSociétéLettre Reconstruire

L’Église face au socialisme (II)

Lettre Reconstruire n°35 (avril 2024) | Dans la série de ses études synthétiques sur les idéologies modernes, Carlos Sacheri aborde le socialisme et le jugement de l’Église sur cette réaction aux injustices sociales nées du libéralisme économique. Il présente ici les points communs à toutes les idéologies socialistes.

+

socialisme
SociétéLectures

L’inégalité, un outil de civilisation ?

Entretien | Juriste et historien, Jean-Louis Harouel s’attaque dans un livre récemment paru au mythe de l’égalité. Il postule que cette « passion laide » contemporaine, destructrice de la famille, entre autres, ne sert en rien les intérêts d’une population, en montrant que seule l’inégalité, créatrice de richesses, encourage la production et par là-même augmente le niveau de vie et conditionne le progrès moral et scientifique. Entretien avec Jean-Louis Harouel sur son livre Les Mensonges de l’égalité. Ce mal qui ronge la France et l’Occident.

+

égalité mythe
SociétéEglise de France

Pandémie : un avant-goût de la restriction des libertés fondamentales ?

Entretien | Le colloque « Pandémie, Droit et Cultes » s’est tenu à Paris en mars 2022. Ses actes rappellent qu’entre 2020 et 2022, les prérogatives de l’État ont été augmentées de manière extraordinaire au détriment des libertés essentielles, dans un renversement complet de la hiérarchie des biens. Une situation dangereuse qui pourrait bien se reproduire sous des prétextes variés. Entretien avec Guillaume Drago, co-organisateur du colloque et professeur de droit public à l’université de Paris-Panthéon-Assas.

+

pandémie liberté de culte
SociétéBioéthique

Fraternité et euthanasie : un débat sciemment faussé

Faisant droit aux revendications anciennes et répétées de certaines associations, le président Macron vient d’annoncer une loi sur l’euthanasie. Mais en usant d’un registre lexical détourné qui évoque l'« aide à mourir », l’autonomie de l’individu, les « conditions strictes » et la « fraternité »... Toutes expressions trahissent le sophisme, l’influence des officines francs-maçonnes, la solution miraculeuse aux déficits et surtout la crainte d’un vrai débat.

+

fraternité euthanasie