Lisez-vous l’anglais ? Si oui, procurez-vous Reflections from Rome, practical thoughts on faith and family (250 p ; 17,95 $ ; 2013, à commander sur BooksforCatholics.com, ou à Roman Catholic Books, PO box 2286. Fort Collins. CO 80522. USA), autrement dit Réflexions de Rome, pensées pratiques sur la foi et la famille, de Monsignor Richard S. Soseman.
Une paroisse virtuelle
De quoi s’agit-il ? Non, comme le titre pourrait, à tort, le laisser entendre, d’un recueil de potins indiscrets concernant les coulisses du Vatican, mais du moyen qu’un jeune prélat américain, en poste auprès de la Congrégation pour le Clergé à Rome, exilé loin de son Illinois natal, a trouvé afin de rester en contact avec sa nombreuse famille, ses amis, ses proches, ses anciens paroissiens.
Très vite, Monsignor Soseman qui, déjà, au cours de sa vie pastorale, avait utilisé efficacement Internet, s’est rendu compte que la Toile lui offrait un moyen d’élargir son audience aux dimensions du monde, au moins anglophone, et d’évangéliser une immense paroisse virtuelle.
Ce faisant, ce postulateur de la cause de béatification du Vénérable Mgr Fulton Sheen, archevêque auxiliaire de New York, mort en odeur de sainteté en 1979, n’a fait que suivre l’exemple de ce pionnier de la communication catholique, qui sut, sa vie durant, user de tous les médias disponibles afin de faire passer l’évangile et ramener les âmes au Christ et à l’Église.
L’idée n’est pas neuve, direz-vous, et les prêtres blogueurs de toutes nationalités sont nombreux à s’exprimer sur le Net, y gagnant parfois une immense notoriété.
Effectivement, Monsignor Soseman est très connu Outre-Atlantique, mais pas encore en Europe. C’est dommage car il propose de la foi une approche décomplexée, intelligente, profonde, traditionnelle en même temps que très accessible, et cela avec beaucoup d’humour.
Une génération bousculée
Monsignor Soseman a sensiblement le même âge que moi ; il appartient donc à la génération qui a pris de plein fouet la mise en application parfois extravagante des réformes conciliaires, tant liturgiques que catéchétiques. Un grand nombre d’entre nous n’a pas résisté au traitement et abandonné toute pratique religieuse. D’autres, séduits par un activisme de plus en plus politisé, ont voulu faire de leur paroisse ou leur aumônerie des succursales des partis de gauche ; quelques autres enfin ont redécouvert la Tradition, ce qui leur épargna de perdre la foi et la saine doctrine. Richard Soseman est de ceux-là.
Comme moi, il a connu ces initiatives aventureuses, qui partaient souvent d’un bon sentiment mais aboutissaient à vider nos cérémonies et nos messes de tout sens du sacré, à nous faire oublier la présence de Dieu et l’adoration. Il nous arrivait de réagir, à la vive stupeur de nos prêtres et nos catéchistes, quand nous avions, par quel sensum fidei héréditaire ?, l’impression que les choses allaient trop loin. Je me souviens d’un Mercredi des Cendres, nous avions seize ans, où notre aumônier avait décidé de ne pas les imposer, et comme nous protestions, nous les avait tout bonnement jetées à la figure avant de quitter la chapelle en nous sommant de nettoyer avant qu’il revienne dire la messe …
Pour Mgr Soseman, mélomane et musicien, la prise de conscience fut, à la veille de sa confirmation, la découverte du programme musical prévu pour la cérémonie, où les cantiques avaient été remplacés par des chansons qui n’avaient pas leur place dans une église …
À l’évidence, que ce fût dans l’Illinois ou le XVe arrondissement de Paris, quelque chose n’allait plus.
Pourtant, il y avait aussi, en ces années-là, de bonnes, de très bonnes choses auxquelles nous étions sensibles et qui contribuèrent à modeler notre vie religieuse en nous enseignant non une crainte exagérée de Dieu mais une grande confiance en Sa miséricorde et en Son amour.
L’équilibre catholique
Nous manquait simplement le juste équilibre entre excès de rigidité et excès de liberté. Cet équilibre, Monsignore Soseman l’a trouvé et c’est ce qui donne sa tonalité singulière à ces textes brefs, mis en ligne au jour le jour au rythme des saisons et du calendrier liturgique. Monsignor Soseman, cela se sent, lorsqu’il écrit, pense à des situations vécues, connues, à des personnes proches, à sa propre expérience. Il sait toujours de quoi il parle, n’hésite pas à se mettre en scène, à s’impliquer personnellement dans ce qu’il évoque, qu’il s’agisse, pour lui qui s’avoue très gourmand, du jeûne et des pénitences de Carême, ou des épreuves de l’existence dont, plusieurs fois victime d’accidents, il connaît la dureté.
Dernier né d’une fratrie de huit, il n’ignore rien non plus des joies et des peines de la vie de famille ; très enraciné dans sa région, il sait évoquer l’attachement à la terre natale, à ses paysages, aux fêtes et aux coutumes.
Du moindre incident, telle cette tempête hivernale qui fit tomber, dans le jardin de ses parents, l’un de ses arbres favoris sans que celui-ci causât le moindre dégât, il tire une méditation très belle sur la Providence.
Francophone et francophile
Francophone et francophile, passionné du Tour de France, il évoque son bonheur en découvrant, à Tarascon, le tombeau de Sainte Marthe, ou ses expériences déroutantes confronté à nos usages gastronomiques : ne lui proposez surtout pas des cailles rôties avec leur tête et leurs plumes, comme on lui en servit un jour à Limoges ! Ni d’ailleurs du poisson sous quelque forme que ce soit. Le dépaysement fonctionne d’ailleurs dans l’autre sens et, malgré une certaine familiarité, due aux films et aux programmes télévisés, avec la culture américaine, les mœurs culinaires de l’Illinois vous déconcerteront pareillement. Je vous recommande, pour ses grandes qualités diététiques, la version locale de la mijotée de haricots verts, à base « de soupe aux champignons en boîte, de lard, beaucoup de lard, encore du lard », et, accessoirement, des haricots verts …
Mais peu importe ce « choc des cultures » car, ce qui compte ici, au-delà des mœurs différentes, c’est bien l’universalité du catholicisme, que traduisait l’unique usage du latin et qui faisait qu’aucun fidèle n’était jamais dépaysé nulle part quand il allait à la messe. Monsignor Soseman sait que l’essentiel est là, et, quand il cite saint François de Sales, sainte Thérèse de Lisieux ou Charles de Foucauld, il rappelle combien, par delà le temps et l’espace, nous demeurons dans une étroite communion, celle des Saints.
Leçon de catéchisme, aussi bien à l’intention des catholiques qui n’ont pas reçu la formation adéquate que des indifférents, des non-baptisés ou des fidèles d’autres confessions, ces textes, dans leur simplicité apparente et leur très grande profondeur, constituent une profession de foi adaptée à notre époque et à ses façons d’être.
Une traduction française, qui les mettrait à la portée de tous, serait donc la bienvenue.