« J’ai parfaitement conscience que l’utilisation de ce mot, “eugénisme”, peut paraître excessive pour certaines personnes. Mais dans un pays – le nôtre – où j’ai l’impression que nous vivons sous la contrainte permanente d’une novlangue qui nous empêche de nommer les choses, il faut bien redonner aux mots leur véritable sens : quel autre nom sinon celui d’eugénisme peut-on donner à une politique qui provoque la suppression de 96 % des fœtus trisomiques dépistés ? Quels que soient les termes utilisés pour nommer ce processus – “infanticides” pour certains, “interruptions médicales de grossesse” pour d’autres –, on ne peut nier qu’une population humaine distincte, caractérisée par l’existence d’une particularité chromosomique, est expressément l’objet en France d’une politique de sélection et d’élimination pré-natales », s’insurge le journaliste Bruno Deniel-Laurent, auteur de Éloge des phénomènes – Trisomie : un eugénisme d’État publié aux éditions Max Milo ce 21 mars à l’occasion de la Journée mondiale de la trisomie 21.
(L’intégralité de l’entretien est disponible ici).
Une pathologie méconnue
Quelque 65 000 personnes en France sont atteintes de trisomie 21. C’est l’une des premières causes de déficience mentale et pourtant cette pathologie reste aussi méconnue qu’incomprise dans l’opinion publique. Cette troisième édition de la Journée internationale de la trisomie 21 s’inscrit dans un contexte particulièrement inquiétant, que l’on pourrait résumer en un chiffre : 96 % des personnes dépistées trisomiques sont avortées. Avec en outre de récentes découvertes en termes de dépistage prénatal (dont nous avions déjà parlé ici), la course effrénée à l’éradication des personnes porteuses de ce handicap s’accélère.
Et pourtant, aussi étonnant que cela puisse paraître dans une société de la performance et de la rentabilité, la campagne de sensibilisation lancée par plusieurs organismes européens de défense des personnes trisomiques (pour la France le « Collectif des Amis d’Éléonore » et la Fondation Lejeune ; pour l’Italie l’association « CoorDown » ; pour l’Espagne « Fundacion Sindrome de Down » ; pour l’Angleterre « Down Syndrome Education International & Down Syndrome Development Trust » ; pour l’Allemagne « Arbeitskreis Down-Syndrom » ; pour la Croatie « DSC Pula » ; pour l’Irlande « Down Syndrome » ; aux États-Unis « Jérôme Lejeune Fundation » et « Down Syndrome International » ; en Nouvelle Zélande « Saving Downs » ; en Russie « Down Side Up ») a reçu un accueil favorable.
Des personnes heureuses !
Une vidéo a ainsi été tournée avec plusieurs enfants et adultes trisomiques pour répondre à l’idée si largement répandue que les personnes handicapées ne peuvent être heureuses ; une idée pétrie de fausse compassion qui justifierait aux yeux de l’opinion publique l’avortement – parfois à un stade très avancé de la grossesse – des bébés porteurs de trisomie.
La vidéo « Chère future maman » est la réponse à la lettre adressée par une femme enceinte à l’association « CoorDown », qui défend les personnes trisomiques, en février dernier. Cette femme venait d’apprendre que le bébé qu’elle attendait était porteur du fameux chromosome surnuméraire… « Ton enfant pourra te faire des câlins », « il pourra aider papa à bricoler », « il pourra travailler » : avec le sourire et la tendresse dont seules les personnes trisomiques ont le secret, des jeunes et des moins jeunes répondent à cette mère inquiète. (Vidéo à voir ici). Plus d’un million de vues en deux jours : un exploit pour toutes les associations mobilisées autour de ce projet. Le signe aussi qu’un fossé de plus en plus profond se creuse entre les idéologues qui ont mis en place une politique eugéniste et le commun des mortels que le bon sens peut rattraper au détour d’un sourire !