Attentat après attentat, nous avons pris l’habitude de pleurer sur le sort des victimes. Depuis vendredi, et sans aucunement laisser de côté les trois autres morts, l’action d’un officier a généré dans la population une réaction différente. L’étonnement que provoque l’admiration et la piété naturelle à l’égard de celui qui s’est sacrifié pour le service de la France l’emportent sur la compassion. Dans l’hommage unanime, les mêmes mots sont repris, sans qu’il soit besoin de chercher longtemps le qualificatif adapté : le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame est un héros français.
La victime innocente subit les événements. Le héros ne subit pas. Rien n’obligeait Arnaud Beltrame à remplacer un otage. Aucun protocole militaire, aucune option stratégique ne l’obligeait à agir ainsi. Son frère a parfaitement résumé son acte : Il est allé au-delà. C’est pourquoi, nous ne pleurons pas une victime, nous célébrons un héros victorieux.
Sa vie n’a pas été prise par le terroriste. Il l’a lui-même donnée pour sauver son prochain. Son sacrifice a littéralement transformé cet acte de guerre contre notre pays en défaite retentissante pour l’Etat islamique. Au lieu de devenir l’instrument passif de la terreur entre les mains d’un assassin djihadiste, le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame a totalement inversé les rôles, réduisant l’assaillant maléfique en instrument de la gloire immortelle que le sacrifice ultime au service du bien confère à l’officier de gendarmerie. Celui qui tue injustement son prochain qu’il ne connait pas est renvoyé dans les ténèbres, éclipsé par la lumière éclatante qui auréole celui qui donne sa vie pour une femme otage qu’il ne connait pas. On ne parle que de lui ! La bravoure de l’officier annihile et renverse l’effet recherché par les djihadistes. Ils espéraient provoquer la peur, Arnaud Beltrame a réveillé la fierté française. Dans tout le pays, les réactions sont éloquentes. On ne compte plus les villes et les villages souhaitant rebaptiser une rue, un square, un lieu public en son nom. La piété est une vertu naturelle. Nous la voyons aujourd’hui se déployer en France de manière quasi-instinctive, à tous les échelons de la société. Ce qu’a fait Arnaud Beltrame vaut dix mille discours sur l’amour de la patrie et les vertus héroïques.
« Qui ne saura pas bien mourir vivra mal » disait Sénèque1. Arnaud Beltrame était prêt. Il a réalisé jusqu’au don ultime ce vers quoi il aspirait de tout son être. Tous les témoignages entendus depuis samedi convergent, qu’il s’agisse des membres de sa famille, de l’ancien maire d’Avranches, de ses frères d’armes, du père Jean-Baptiste ou de ses amis : l’officier de gendarmerie est mort comme il a vécu. Nous avons lu les propos de sa mère : « Ça ne m’étonne pas de lui, je savais que c’était forcément lui. Il a toujours été comme ça. C’est quelqu’un, depuis qu’il est né, qui fait tout pour la patrie. Il me dirait : « Je fais mon travail, Maman, c’est tout ».»2. Nous avons lu ceux de Marielle, qu’il devait épouser religieusement en juin : « Pour lui, être gendarme, ça veut dire protéger. Mais on ne peut comprendre son sacrifice si on le sépare de sa foi personnelle. C’est le geste d’un gendarme et le geste d’un chrétien. Pour lui les deux sont liés, on ne peut pas séparer l’un de l’autre ». L’habituel discours sur le fanatisme religieux, cause de tous les maux quelle que soit la religion, est brisé dans l’œuf.
Ce héros est victorieux car il nous donne aussi les armes du combat ; l’amour de la patrie, la Foi chrétienne, les vertus héroïques au lieu du droit au blasphème et du modèle d’homo-festivus. Nul doute que ce sacrifice ne sera pas vain. Le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame a servi de son vivant. Il sert et servira encore par l’exemple du don absolu et du sang versé. « Une cité ne saurait manquer de remparts, quand ceux-ci sont faits de héros, non de briques » disait Lycurgue4. A nous d’emboiter le pas et d’emprunter résolument cette bonne direction.
» Les obsèques de mon mari, dit encore Marielle, auront lieu en pleine Semaine sainte, après sa mort un vendredi, juste à la veille des Rameaux, ce qui n’est pas anodin à mes yeux. C’est avec beaucoup d’Espérance que j’attends de fêter la résurrection de Pâques avec lui « . Le devoir de piété et l’Espérance chrétienne nous invite à nous joindre à eux.
1. De tranquilitate animi, XI-4
3. http://www.lavie.fr/actualite/france/arnaud-beltrame-mon-mari-26-03-2018-88964_4.php
4. Plutarque, Vies parallèles, « Lycurgue-Numa », Quarto Gallimard, 2001, p. 148.