C’est en 2007 qu’a été créé l’Institut Libre de Formation des Maîtres. Comme son nom l’indique, cet institut à pour vocation de donner des bases solides aux professeurs des écoles. En 2018, c’est l’académie du professorat qui a vu le jour, sa particularité est d’être tournée vers les professeurs du secondaires. Cette dernière entité propose un « kit de survie du professeur », une formation condensée sur trois jours pour permettre aux professeurs du secondaire d’aborder la rentrée sereinement. Diane Roy, responsable de la communication et des publications, a bien voulu nous en dire plus.
Après l’Institut Libre de Formation des Maîtres, à destination des enseignants du primaire, l’Académie du Professorat a vu le jour en 2018, la formation des enseignants en collège et lycée est-elle insuffisante actuellement ?
Oui absolument, la formation initiale d’abord, et la formation continue ensuite ; tout le monde le souligne : Cour des Comptes, Sénat, Éducation nationale…1 Ce manque est également ressorti dans les restitutions du Grand Débat. Le mouvement des Stylos rouges, qui s’est déployé sur Twitter ces derniers mois, a montré combien les professeurs se sentent souvent seuls face à leurs classes, qu’ils soient d’ailleurs au début de leur carrière ou professeurs expérimentés.
Prenons d’abord la formation initiale : elle dure 2 ans en France : c’est bien peu pour un métier si complexe ! Dans d’autres pays, cette formation dure 3 voire 5 ans…. Par ailleurs, seule la dernière année est consacrée à la formation sur le terrain, et elle ne l’est qu’à mi-temps. Pour sa première rentrée, le jeune professeur a peu connu l’épreuve du terrain, n’ayant connu qu’un seul établissement, il n’a pas pu suffisamment s’entretenir avec ses pairs… Comment ne pas s’étonner que cette première rentrée ne soit pas vécue pour la plupart d’entre eux comme un « crash test » ? D’autant que nous le savons tous : un professeur qui a du mal à prendre en main sa classe dès le début de l’année devra déployer une énergie folle pour réinstaller un climat de travail les mois suivants. Cela se fait souvent au prix d’une immense fatigue, d’une perte de motivation, voire d’abandons de postes précoces.
La formation continue des professeurs n’est malheureusement pas mieux lotie. Ce n’est pas une tradition française que d’ouvrir sa classe, de discuter entre pairs de ses pratiques pédagogiques… Dans certains pays voisins, c’est pourtant obligatoire et très bien vécu ! C’est dommage, car on gagne toujours à partager son expérience, à expérimenter des solutions qui marchent ailleurs, à bénéficier de nouvelles approches pédagogiques, d’autant que les élèves d’aujourd’hui n’étant pas ceux d’hier, a fortiori les collégiens et les lycéens, il devrait être nécessaire de se former en continu pour aborder les nouvelles problématiques qui se posent aujourd’hui — par exemple la motivation de l’élève dans un monde d’écran, les travaux en groupe, etc. Cette démarche est d’ailleurs à la base des formations de l’Académie du professorat.
1. Rapports du Sénat (Rapport d’information n° 690 du 25 juillet 2018), de la Cour des Comptes (Gérer les enseignants autrement, une réforme qui reste à faire, octobre 2017), de l’IGEN et de l’IGAENR (La formation continue des enseignants du second degré, Rapport n° 2018_068 de septembre 2018), de la DEGESCO…
Vous sortez un « Kit de survie du professeur », au-delà de l’aspect « communication » du titre, est-il devenu si difficile d’être professeur ?
C’est doublement plus difficile : d’une part parce que les attentes vis-à-vis de l’école ont changé. Avant, les élèves devaient s’adapter à l’école, et non l’inverse. Les familles attendent aujourd’hui que l’école s’adapte aux élèves, tienne compte de ses besoins individuels. Le professeur doit donc gérer des profils d’élèves beaucoup plus divers qu’auparavant. On détecte beaucoup mieux que par le passé les troubles de l’apprentissage par exemple, et on demande à l’enseignant d’en tenir compte, mais comment faire quand on a dans la même classe des élèves avec des troubles dys (dyslexie, dysorthographie, dyscalculie… Pour rappel, 40 % d’une classe d’âge a aujourd’hui des difficultés sur la lecture, l’écriture et le calcul à l’entrée en 6e), des élèves dits « à haut potentiel », des élèves peut être mal orientés… c’est une réalité très difficile à gérer pour le professeur.
Ensuite, je l’ai dit plus haut, les élèves aussi ont évolué : la question de l’autorité, de la motivation, de l’attention se pose de façon cruciale chez les adolescents. Ils vivent dans un monde saturés d’écrans qui privilégie zapping et vitesse : dès lors, comment faire de la place à la réflexion, à la concentration ?
Dans ce contexte, imaginez la solitude des professeurs tous juste diplômés à l’aube de leur première rentrée : c’est une véritable gageure. D’autant qu’ils sont souvent affectés dans un rectorat loin de leur lieu de formation, et se retrouvent donc sans aucun réseau d’entraide. C’est là que nous intervenons : 3 jours pour (re) donner confiance avant de se lancer dans cette magnifique aventure qu’est le métier d’enseignant. Il faut « chouchouter » ces enseignants, ce sont les trésors de nos écoles, ne l’oublions pas !
Comment se dérouleront les trois jours de formation ?
Ces trois jours sont intensifs et concrets. 6 heures d’enseignements pas jour, qui alternent entre théorie et exercices pratiques. Nos deux formateurs sont des passionnés, qui exercent tous les jours en collège et lycée, et sont donc au plus près du quotidien des enseignants. Ils apportent des choses qui n’existent pas ailleurs : par exemple toute la théâtralité liée au métier de professeur — l’importance de la voix, de la posture. Ou encore « la pédagogie consciente », inspirée de la pédagogie d’Élisabeth Nuyts, qui a des résultats extraordinaires et qui ne fait pas partie de la formation systématique dispensée aux enseignants. On aborde également la question du positionnement du professeur dans son environnement : vis-à-vis du CPE, de son équipe, de son établissement… là encore, cela n’existe pas ailleurs. Ce que nous souhaitons, c’est poser les bases d’une « éducation intégrale » du professeur en quelque sorte.
Trois jours, est-ce suffisant pour donner de bonnes bases à un professeur ?
Ce sont 3 jours volontairement intenses, qui donnent tout de suite des clés et des outils concrets pour bien commencer son année. Il ne s’agit pas de (re) former un professeur intégralement, mais de lui donner les outils nécessaires pour lui donner confiance, lui faire gagner du temps, de l’énergie, lui permettre de reconnaître rapidement les enjeux de sa classe et ne pas se laisser surprendre, etc. Pour approfondir tel ou tel outil, l’Académie du professorat dispense des formations continues toute l’année en pédagogie, connaissance de l’élève et gestion de classe, compatibles avec un agenda professionnel…
Un professeur qui a déjà commencé à enseigner pourra-t-il suivre votre formation ?
Oui, bien sûr ! Nous avons beaucoup évoqué la question des professeurs débutants, mais cette formation s’adresse aussi à ceux qui ont de l’expérience et qui veulent retrouver un nouveau souffle pour la prochaine rentrée. Leurs formations sont souvent loin, et les modules que nous proposons comme celui de la pédagogie consciente n’existaient probablement pas à l’époque. Les professeurs expérimentés qui sont venus cette année suivre nos formations continues sont ressortis enchantés et nous ont fait part de leur entrain retrouvé, cela nous encourage ! Par ailleurs, ils apportent une vraie valeur ajoutée dans les échanges lors des formations, les échanges entre pairs sont une vraie clé de progression et devraient être partout systématisés…
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