Depuis le premier dimanche de l’Avent, les « ordinariats anglicans » qui se sont constitués grâce à Benoît XVI ont également leur missel, intitulé : Divine worship : the Missal. Ce missel réunit dans un anglais superbe le meilleur de la tradition anglicane sans protestantisme et avec tout ce qui convient à une liturgie catholique.
C’est il y a six ans, le 4 novembre 2009, que Benoît XVI publiait la constitution Anglicanorum coetibus, sur la création d’« ordinariats personnels » pour accueillir les anglicans souhaitant devenir catholiques tout en gardant « au sein de l’Église catholique les traditions liturgiques, spirituelles et pastorales de la Communion anglicane, comme un don précieux qui nourrit la foi des membres de l’ordinariat et comme un trésor à partager ». Le premier ordinariat fut institué en Angleterre le 15 janvier 2011, sous le nom de Notre-Dame de Walsingham. Le deuxième fut l’ordinariat de la Chaire de Saint-Pierre, pour les États-Unis et le Canada, le 1er janvier 2012. Le troisième a été l’ordinariat Notre-Dame de la Croix du Sud, pour l’Australie, le 15 juin 2012 (et il y a une communauté au Japon depuis février 2015).
Une commission spécifique
Une commission pour les livres liturgiques, intitulée « Anglicanæ Traditiones », fut créée, présidée par Mgr Augustine Di Noia, secrétaire adjoint de la Congrégation pour la doctrine de la foi. En font partie notamment des représentants des différents ordinariats ainsi que d’autres personnalités comme le Père Uwe Michael Lang de l’Oratoire de Londres ou Mgr Salvatore Cordileone, l’archevêque de San Francisco.
Un premier aboutissement avait été la publication, le 27 mars 2014, du livre « Occasional Services », le rituel pour le baptême, le mariage, les funérailles.
Mais le gros morceau était le missel. L’état des lieux était complexe, et la volonté d’élaborer un missel conservant les traditions anglicanes presque paradoxale. En effet, la grande majorité des « anglo-catholiques » (donc ceux qui sont susceptibles d’entrer dans les ordinariats) ont adopté le missel de Paul VI dès les années 1970. Surtout en Angleterre, où seuls quelques rares pasteurs avaient gardé l’English Missal (le missel de saint Pie V traduit en anglais élisabéthain il y a un siècle) ou l’Anglican Missal, arrangement catholique du Book of Common Prayer (le livre de base de la liturgie anglicane, nettement protestant). Mais aux États-Unis, les épiscopaliens utilisaient plus volontiers la version américaine de l’Anglican Missal. Et en 1980 un groupe d’épiscopaliens devenus catholiques avait obtenu l’usage officiel d’un missel contenant des éléments du Book of Common Prayer et du missel de Paul VI : le Book of Divine Worship, lequel était devenu le missel de l’ordinariat de la Chaire de Saint-Pierre…
La commission Anglicanæ Traditiones a mis tout cela de côté et a examiné les différents livres anglicans depuis 1549, conservant ce qui est typique de la tradition anglicane sans être protestant, et ajoutant ce qui est indispensable à une liturgie catholique.
L’une des questions qui se sont posées fut de savoir si la langue serait l’anglais de la Renaissance utilisé jusque dans les années soixante, ou l’anglais moderne généralement utilisé depuis lors. La réponse a été que si l’on voulait perpétuer les traditions anglicanes il fallait garder l’ancien anglais, et que si des prêtres voulaient célébrer en anglais moderne ils devraient prendre le nouveau Missel romain.
Le résultat de ce travail est un rite de la messe qui conserve l’essentiel de la vraie forme particulière développée par les anglicans (par exemple, il y a au début de la messe une « collecte pour la pureté » et un « résumé de la loi », et le rite pénitentiel se trouve avant la Préface eucharistique), avec en son cœur la grande prière eucharistique catholique du rite latin : le canon romain, dans sa superbe traduction anglaise du XVIe siècle. (Le missel comporte aussi la prière eucharistique II du nouveau Missel romain, mais éventuellement pour les messes de semaine ou les messes avec enfants.)
Les différents temps liturgiques
Dans l’année liturgique il y a la Septuagésime, les Quatre-Temps, les Rogations, la vigile de la Toussaint, il n’y a pas de « temps ordinaire » mais un temps après l’Épiphanie et un temps « après la Trinité ». Cela vient, à travers l’ancienne tradition anglicane, du Missel de Sarum, qui était celui du sud de l’Angleterre avant la Réforme (donc également avant que saint Pie V codifie le Missel romain).
Bref, c’est une sorte de nouvelle « forme extraordinaire » du rite romain. En dehors du fait que le lectionnaire est celui de la forme ordinaire sur trois ans, ce qui, pour le coup, n’est pas conforme aux traditions anglicanes…