« Montre-moi tes héros et je te dirai qui tu es. » Chaque année, Le Journal de Mickey révèle le palmarès des personnalités préférées des 7-14 ans. Le résultat du sondage paru tout récemment est, une fois de plus, significatif : on y trouve entre autres la chanteuse Angèle, le footballeur Karim Benzema ou encore l’acteur Omar Sy. Bien sûr, il n’est pas question ici de contester les compétences de ces derniers dans leur domaine propre.
Mais comment ne pas préférer l’éternelle jeunesse d’un Surcouf ou d’un Charette ? Le zèle ardent d’une Geneviève de Galard ou d’une mère Teresa ? Les âmes brûlantes des don Bosco, Jeanne d’Arc et François d’Assise ? Se laisser bercer, dès le plus jeune âge, par de tels exemples d’héroïsme, de chaleur et de lumière imprègne irrésistiblement les appétits intimes et nourrit en profondeur la soif d’absolu.
Du Cid à Cyrano, du Petit Prince au prince Éric, du clan des Bordesoule aux casaques des Mousquetaires : qu’il est réjouissant pour l’esprit de contempler des vertus en acte, de s’émerveiller devant le sens de l’honneur, le panache des sentiments, la simplicité de l’enfance, le courage des convictions, la noblesse de l’amitié, l’engagement vécu jusqu’au bout. Forger des personnalités se réalise au creuset de principes éternels.
Des saintes femmes, fidèles au Christ au pied de la Croix et au-delà du matin du sépulcre, jusqu’aux mères de famille, fameuses citadelles de l’Invisible évoquées par saint Jean-Paul II, de saint Jean, le jeune disciple bien-aimé, jusqu’à l’adolescent Carlo Acutis, apôtre de l’Eucharistie : qu’il est réjouissant pour le cœur de parcourir la vie des saints, de remonter la trame de telles existences authentiques.
L’incarnation de leur vie a valeur de témoignage. Depuis leur éternité bienheureuse, ils nous enseignent une vérité toute pure et toute simple (que l’atmosphère postchrétienne s’attache résolument à faire perdre de vue) : oui, c’est beau d’aimer et de servir Jésus.
Aimer et servir le Christ constitue justement la pierre angulaire de la vie chrétienne. Sur cette question, les enjeux apostoliques sont multiples et les défis de différents ordres. Sortir de la nuit en est un. Nuit de l’apostasie et de la confusion. Nuit des longs couteaux du désamour et du désengagement. Sortir de la nuit est une nécessité pour tout baptisé.
La filiation divine, reçue dans l’eau et dans l’esprit (Jn 3, 5), nous a fait devenir des enfants de la lumière (I Th 5, 5). Il nous appartient de le rester. Comment du reste prétendre être agile dans les ténèbres, sans risquer de collectionner bosses, bleus et contusions ? Comment marcher dans la nuit sans menacer de s’égarer surtout ?
Le thème de l’obscurité traverse aussi le poignant Dialogue des carmélites de Georges Bernanos. Les meilleurs traités spirituels, nous le savons, ont été écrits non par des clercs mais par des laïcs. À l’héroïne de la pièce, Blanche de la Force, jeune femme habitée par une crainte maladive, son frère, chevalier, manifeste sa prévenance à la tombée de la nuit :
« Je sais que le crépuscule vous rend toujours mélancolique. Vous me disiez quand vous étiez petite : “Je meurs chaque nuit pour ressusciter chaque matin.” » Et Blanche de répondre : « C’est qu’il n’y a jamais eu qu’un seul matin, Monsieur le Chevalier : celui de Pâques. Mais chaque nuit où l’on entre est celle de la Très Sainte Agonie… »
Nous pourrions, nous aussi, comme Blanche de la Force, être obnubilés par les nuages noirs qui nous entourent. Mais s’il n’y eut qu’un seul matin de Pâques, la Foi nous dit aussi que le saint tombeau fut gorgé de soleil à satiété. Comme les corbeilles à l’issue du miracle de la multiplication des pains – il en restait douze ! –, le sépulcre ouvert depuis la nuit pascale diffuse à jamais ses rayons de grâce.
Le temps pascal nous enjoint d’y plonger. De puiser dans le trésor de la résurrection du Christ des brassées lumineuses pour éclairer notre univers angoissé. Cette sortie de la nuit, celle du péché et du mensonge, relève d’un combat spirituel auquel tout homme est appelé. On ne sort victorieux des ténèbres que par une recherche résolue de l’aube.
La période pascale ne demande qu’à nous habiller de sa lumière. Elle nous presse d’imiter les héros et les saints, exemples vivants de la victoire de la grâce. Nous contribuerons à sortir notre monde de la nuit en leur emboîtant le pas, en offrant des regards lumineux, en ayant à notre tour des gueules de ressuscités. Les temps présents nous y obligent. Qu’avons-nous de mieux à offrir à nos contemporains sinon notre conviction calme et sereine ? Si le Christ a vaincu la mort, sa toute-puissance peut aujourd’hui, encore et toujours, convaincre le monde.
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