Une « Catho Academy »

Publié le 01 Juil 2015
Une « Catho Academy » L'Homme Nouveau

Entretien avec Philippe Ariño.
Propos recueillis par Agathe du Boullay

Entretien avec Philippe Ariño, nouveau directeur et co-fondateur du cours Wojtyla. Servir l’Église par l’art, telle est l’idée de cette école qui, plus qu’une formation artistique, propose aussi une formation humaine.

Le Cours Wojtyla fait sa rentrée le premier octobre prochain. D’où est née cette idée de créer une École des arts du spectacle ?

Cette École est née de l’amitié entre des artistes catholiques qui déplorent que Dieu ne soit pas servi par l’art contemporain. Il n’est utilisé que comme prétexte thématique, pour faire de la sensibilisation vaguement catéchétique et de la culture religieuse. Au vu des urgences et des questionnements actuels, nous voulions au contraire mettre l’Église au centre de la création artistique, et proposer une structure où les artistes puissent se donner entièrement. Un artiste est aussi philosophe, politique, sociologue, sexologue, juriste,… Il ne se limite pas à la sphère esthétique. Il est complet et doit parler aux hommes de notre temps. C’est un homme perpétuellement nouveau. Fini l’artiste « chrétien » dans sa tour d’ivoire !

Que faites-vous concrètement dans cette école ? Quelles sont les conditions d’entrée ? Les élèves obtiennent-ils un diplôme ?

Nous allons préparer une comédie musicale. Tous les cours qui vont être donnés seront orientés vers la création de ce projet. Nous ferons aussi des conférences, des master classes.
La sélection d’entrée se fait sur des auditions qui auront lieu les 27 juin et 19 septembre 2015. Pour ce qui est du diplôme, à la fin de chaque semestre, un bulletin est remis à chaque élève. Il porte des appréciations sur les différentes matières et sur le comportement de l’élève. Pour chaque élève, le passage en 2ème ou 3ème année se fait au vu des notes dans les conditions fixées par l’équipe des professeurs. La scolarité complète du Cours Wojtyla s’articule sur 3 années consécutives maximum :  la première année est l’initiation (le débutant découvre le monde de l’art et s’essaie aux différents rôles artistiques) ;  la deuxième année est la consolidation et le perfectionnement (l’élève intermédiaire participe à l’élaboration d’un spectacle) ; la troisième année est la confirmation (le confirmé peut prétendre à la création d’un spectacle en entier). À la sortie de ces trois années de formation, chaque élève recevra un diplôme qui lui permettra de faire valoir les apports de sa scolarité et qui lui donnera certainement accès à des métiers artistiques. Tout se fait par réseaux, rencontres, parrainages et réputation. Même si dans ce domaine il est impossible d’avoir une garantie sur les débouchés, quoi qu’il en soit, les résultats, la progression du savoir-faire et les productions concrètes de l’École attesteront pour chaque élève qui aura suivi la formation complète des trois ans d’un niveau et d’un enrichissement personnel et collectif indéniables, et exploitables professionnellement parlant. 

Quels seront les professeurs ? D’où viennent-ils ?

Marguerite Chauvin sera le professeur de danse. Elle a une formation en comédie musicale et en tant que chorégraphe, qu’elle a reçue chez les frères de Saint-Jean. Elle joue actuellement dans la Tactique du diable, tout comme Vincent Laissy qui sera le professeur de musique et qui a été au conservatoire. Franck Nankam quant à lui est chanteur et sera notre professeur de maintien et de communication. Pour ma part, je serai le professeur de décryptage d’actualité ainsi que le directeur de l’école.

Qu’apporte le fait qu’une école d’art soit catholique ?

Cela l’universalise. La coloration catholique est inclusive et non exclusive : elle permet une réelle ouverture encadrée. Ce n’est que parce qu’une maison a sa couleur et son identité clairement affichées qu’elle accueille vraiment. La catholicité assumée de l’école offre un cadre qui, loin d’enfermer, permet aux gens d’être reçus dans une maison qui a des murs solides, donc qui abrite et soigne la qualité des rapports humains, du travail artistique. Elle responsabilise, pose un décor d’exigence, de vérité, d’humour, d’originalité. En plus, nous sommes parrainés par le Père Philippe Desgens, aumônier des artistes de Paris, qui nous disait qu’il n’existait pas en France d’autre école d’art se voulant ouvertement catholique comme la nôtre. Il y a bien des initiatives qui s’affichent discrètement « chrétiennes ». En revanche des initiatives qui veulent défendre le message de l’Église en tant qu’institution, et proposent un chemin artistique comme don de soi à la société, cela restait à inventer. Il y a bien eu des essais pour créer une structure pour des artistes catholiques (l’UCTM : Union Catholique du Théâtre et de la Musique, par exemple) mais cela n’a jamais duré. Aujourd’hui, beaucoup d’artistes talentueux et soucieux de leur foi aimeraient la mettre au premier plan dans leur vie professionnelle. Nous avons perçu ce grand manque et nous avons voulu y remédier à travers le Cours Wojtyla, en permettant à ceux qui veulent se professionnaliser de faire de l’art une mission d’Église, et pas simplement de cantonner leur foi second au plan.

Vous dîtes que vos élèves ne doivent pas « avoir un Jésus-loisir », qu’entendez-vous par là ? Cela signifie-t-il que vous n’acceptez que les personnes catholiques au sein de l’école ?

Si vraiment nous sommes catholiques, nous accueillons tout le monde et nous devons rester nous-mêmes pour mieux accueillir chacun tel qu’il est. Nous voulons proposer à tous les artistes qui sont obligés de brader leur foi une école où ils peuvent l’exprimer. C’est une initiative qui va libérer beaucoup « d’artistes-cathos-frustrés ». Ces artistes vont dans des écoles très centrées actuellement sur l’art comme finalité en lui-même, l’art comme loisir. Elles sont surtout tournées vers le bien-être, « l’art pour l’art », et le savoir-faire, la performance, la technique, sans faire attention au sens. Le Cours Wojtyla proposent évidemment la technique par la professionnalisation, le plaisir et la création du beau, mais ce ne sont que des moyens pour annoncer la vérité.

Vous mettez en parallèle l’art et la politique ; plus qu’une formation artistique, ne pensez-vous pas que les catholiques ont d’abord besoin d’une formation intellectuelle ?

J’étais au début du mois de juin à Saint-Cloud à une conférence de Xavier Lemoine (maire de Montfermeil et dirigeant du PCD) qui parlait justement de l’importance de la formation humaine par la culture. De fait, actuellement, notre monde est enfermé dans une conception techniciste et sentimentaliste de l’art, dans laquelle la création artistique est appréhendée en tant que loisir et objet de consommation mais qui ne nourrit ni la tête, ni le cœur. Notre école veut proposer avant tout une nourriture spirituelle et intellectuelle. C’est-à-dire que nous ne souhaitons pas faire de l’art pour l’art, ni « du catho » en utilisant Dieu comme label pour attirer le public catholique. Nous voulons « être catho ». Le Père Desgens disait que notre projet n’est pas seulement évangélique mais aussi prophétique : l’artiste est celui qui s’engage, se donne pleinement comme un prophète.

Quelle sera la portée intellectuelle de votre projet ?

Nous parlerons de ce que l’on nous propose actuellement, tous bords confondus : nous analyserons les discours des hommes politiques (FN, PS, UMP, PC…). Par les thématiques que nous allons aborder, nous serons des « empêcheurs de tourner en rond », de manière à ce que même les catholiques, plutôt que de se placer en observateurs critiques de ce qui les entourent, se regardent et se parodient eux-mêmes. Voici la vraie liberté : l’autodérision, l’autocritique. Ce regard sur l’Église, sur nous-même c’est aussi la grande nouveauté du Cours Wojtyla. Dans la comédie musicale que nous mettrons en scène, nous allons nous parodier, parodier « La Manif pour tous », Écologie humaine, le Printemps Français, etc. C’est libérateur parce qu’il nous faut d’abord nous poser la question de la vérité sur nous-même. De fait dans cette école, la posture est humble. Nous avons déjà des artistes catholiques qui viennent nous voir et qui se reconnaissent dans ce que nous souhaitons mettre en place : ils ne veulent pas défendre leur foi n’importe comment. Nos élèves seront vraiment libres de dire ce qu’ils ont sur le cœur, et d’aborder les thématiques les plus tabous et les plus cruciales de notre monde : l’homosexualité, l’Islam, la virginité, l’avortement, le diable, etc.

Pourquoi avoir donné à cette école le nom de Wojtyla ?

Parce que nous voulions montrer que nous nous situons sous le patronat de l’Église et d’un de ses saints, qui était homme de théâtre. De plus, à l’image de Jean-Paul II nous ne désirons pas qu’il y ait de tabous, nous voulons prendre position. Notre école donnera une vraie formation humaine, anthropologique, sociologique et théologique. Nous essayerons de ne pas être tièdes. Par exemple, sur l’homosexualité, je proposerai des décryptages sur la propagande bisexuelle actuelle. Il y aura dans notre établissement une vraie liberté de discours. Toutes les thématiques seront traitées avec intelligence, humour, vérité et audace. Enfin, actuellement, un artiste est souvent plus écouté qu’un homme politique et nous aurions tort de ne pas annoncer le Christ par le biais de l’art.

Adresse :
Cours Wojtyla
66, rue Nicolo
75116 Paris.

Prix : Entre 1 800 et 5 000 € par an
Tranche d’âge : Adolescents et adulte

http://courswojtyla.com/

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