Une manifestation contre la GPA le 8 juin à Lyon : entretien avec Aude Mirkovic

Publié le 05 Juin 2015
Une manifestation contre la GPA le 8 juin à Lyon : entretien avec Aude Mirkovic L'Homme Nouveau

Entretien avec Aude Mirkovic, maître de conférences en Droit privé à l’université d’Évry.
Propos recueillis par Jehan-Sosthènes Boutte du Jonchay.

Plusieurs associations, dont « La Manif pour tous », « Alliance VITA », les Associations familiales catholiques et les « Juristes pour l’Enfance » manifesteront le lundi 8 juin à Lyon contre la légalisation de la gestation pour autrui (GPA). Cette manifestation est effectuée alors que la Cour de cassation examinera le lundi 19 juin, la question de la transcription des actes de naissance des enfants nées de mères porteuses à l’étranger.

Vous organisez une manifestation le 8 juin contre la GPA. Pourquoi ?

Parce que nous constatons qu’il y a un double langage en France. D’un côté, le président de la République et les ministres feignent de dénoncer la GPA, mais de l’autre, des sociétés exerçant ce type de commerce démarchent en France en toute impunité. En outre, les GPA faites à l’étranger sont validées et cautionnées. Bientôt, on dénoncera le fait que seuls ceux qui peuvent payer une GPA à l’étranger peuvent en bénéficier et, pour remédier à cette sélection par l’argent, on légalisera la GPA pour tous en France.

Pourquoi manifester à Lyon et combien de personnes attendez-vous ?

Un groupe de personnes a décidé de se lancer à Lyon. Mais la même initiative peut se lancer partout, et une manifestation est annoncée à Paris le 18 juin devant la Cour de cassation par « La Manif pour tous ». Il y a à Lyon une sorte de tradition du lancement d’initiatives. Mais nous n’entendons pas nous limiter à Lyon, et le combat est bien entendu national et même international. Quant aux personnes qui viendront, nous n’avons aucune idée de leur nombre.

Avez-vous reçu le soutien de personnalités politiques ou intellectuelles ?

Toute la classe politique a été invitée à manifester. Nous avons invité personnellement tous les députés et sénateurs du Rhône, et nous avons proposé à tous les partis de s’exprimer et de s’engager contre la GPA. En effet, nous estimons que la GPA est une question qui dépasse les partis. Pour l’instant, les Républicains, Debout la France et le Front National ont répondu présents. En particulier, Valérie Boyer (député du parti des Républicains des Bouches-du-Rhône) viendra présenter et faire connaître sa proposition de loi à visant sanctionner les Français qui recourent à une mère porteuse, y compris à l’étranger. Cette proposition est actuellement devant la commission des lois de l’Assemblée nationale. Nous voulons encourager les députés à la signer et à la voter.

Qu’attendez-vous de cette manifestation ?

Nous voulons tout d’abord faire connaître le vrai visage de la GPA : derrière les bonnes intentions et le désir d’enfant, la GPA instaure une nouvelle traite des êtres humains, d’autant plus perverse qu’elle est enrobée de câlins et d’affection. La GPA consiste à commander, fabriquer, facturer, livrer et payer un enfant, en planifiant au passage et par avance son abandon. Nous voulons ensuite montrer que le peuple français ne veut pas de cette pratique. Nous attendons de cette manifestation qu’elle interpelle les juges afin qu’ils cessent de cautionner la GPA par leurs décisions de justice. Enfin, nous souhaitons renverser la confusion ambiante selon laquelle l’intérêt de l’enfant exigerait que la justice ferme les yeux sur la GPA. En effet, la Cour de cassation doit se prononcer prochainement sur la question technique de la transcription sur les registres français d’état civil des actes de naissance étrangers des enfants nés de la GPA à l’étranger. Certains lobbies veulent faire croire que l’absence de transcription serait contraire à l’intérêt de l’enfant, et certains juges les suivent. Or, il n’en est rien. Les enfants de la GPA ne sont ni des fantômes ni des victimes. Ou, plutôt, ce sont bien des victimes de la GPA, mais non de la justice française ! Les enfants ont un état civil, une filiation établie à l’étranger qui est tout à fait reconnue en France, qui leur confère la nationalité française, et leur permet d’hériter. De nombreux Français d’origine étrangère vivent avec leur état civil étranger qu’ils n’ont jamais fait transcrire, tout simplement parce qu’ils ne l’ont pas jugé nécessaire. Au contraire, l’absence de transcription est le moyen pour la justice française d’exprimer son refus de cautionner les violations, graves, des droits des enfants entraînées par la GPA. Transcrire les actes comme si de rien n’était reviendrait à nier ce qu’ils ont subi, et caractériserait un déni de justice. En outre, il est évident que, si le recours à la GPA à l’étranger est entériné, achevé par la transcription, cela revient, de fait, à encourager cette pratique alors que la loi française vise à protéger les enfants afin qu’ils ne la subissent pas.

Dans votre appel à manifester, vous dénoncez une certaine forme de capitalisme. Que proposez-vous ?

Des sanctions contre les clients et les marchands de la GPA. En effet, les sociétés étrangères qui proposent des GPA exploitent le désir d’avoir des enfants des uns et la misère, économique ou psychologique, des autres. La légalisation de la GPA réclamée par certains est bien entendu aussi une question économique : si on veut qu’elle soit légalisée en France, c’est parce qu’il y a de l’argent à la clé. Le but est de rapatrier en France les profits juteux des cliniques indiennes et ukrainiennes.

Que pensez-vous de l’attitude de la Cour européenne des Droits de l’homme ?

Elle a condamné la France et l’Italie qui refusaient de valider les GPA réalisées à l’étranger par leurs ressortissants, sous prétexte de protéger la vie privée des enfants. Mais cette attitude est irresponsable : sous le prétexte cynique de protéger la vie privée de l’enfant, la Cour oblige à fermer les yeux sur ce qui lui a été infligé dans le cadre de la GPA. La Cour européenne des Droits de l’homme protège peut-être les droits des adultes, mais non ceux des enfants. Le Gouvernement français aurait dû faire appel de la décision européenne. Il ne l’a pas fait car cela l’arrange que la Cour européenne fasse progresser la GPA en privant la France de son débat. Heureusement, l’Italie, condamnée elle aussi, a fait appel et son appel vient d’être jugé recevable. Affaire à suivre donc.

Pourquoi qualifiez-vous les femmes qui « louent leurs ventres » d’esclaves ?

L’expérience montre que ce sont des femmes dans le besoin qui acceptent de porter un enfant en s’engageant à l’abandonner à autrui, sauf dans le cas très particulier des gestations intrafamilliales, qui posent cependant d’autres soucis éthiques. Par conséquent, ces femmes verront leur capacité à porter la vie exploitée au nom du désir d’enfants. On réplique que ces femmes sont consentantes ; mais le consentement ne suffit pas à rendre un acte éthique et légitime. L’esclavage consenti est le plus perfide, car la victime ne se plaint pas. Ce n’est pas parce qu’il y aurait consentement (souvent dû au fait que ces femmes n’ont pas le choix) que l’on doit légaliser la GPA.

Le désir d’enfants des couples souhaitant recourir à la GPA est-il légitime ?

Bien sûr, aucun désir n’est illégitime, et celui-ci moins que tout autre en tant que tel. Ce qui est légitime ou illégitime c’est ce que l’on en fait. Nous sommes des êtres de raison, nous devons nous interroger sur nos désirs et les passer au crible de la raison. Or, dans le cas de la GPA, le bien visé, à savoir le bonheur d’avoir un enfant, ne peut pas être atteint à n’importe quel prix. Si la réalisation de mon désir exige de maltraiter autrui, alors il vaut mieux renoncer à ce désir. C’est difficile de renoncer à un désir très fort, c’est la raison pour laquelle il faut des lois qui posent des limites, au minimum le respect des droits d’autrui.

Mariage pour tous, GPA, procréation médicalement assistée (PMA)… même combat ?

Oui, car la loi Taubira contient en germe la revendication de la GPA et de la PMA pour tous. Cependant, si elle suscite ces revendications, elle ne les a pas légalisées. Les juges qui les valident agissent au mépris de la loi, y compris de la loi Taubira. Il faudra cependant abroger cette loi car, en plus du fait d’avoir dénaturé le mariage, elle génère ces revendications en affirmant contre la réalité que deux hommes ou deux femmes peuvent être parents. Il est donc temps de réagir et de montrer que nous les refusons, de même que nous refusons le « mariage pour tous ».

Les élections présidentielles de 2017 peuvent-elles changer la donne ?

Oui, bien sûr. Je ne crois pas à quelque déterminisme que ce soit. Cette échéance est porteuse d’espoir. Le peuple français doit saisir cet espoir en faisant pression sur les candidats pour qu’ils se préoccupent de ces enjeux et s’engagent clairement. Mais, ne nous leurrons pas, il faut surtout renouveler la classe politique. On a beau avoir raison, et avoir la raison avec nous, nous sommes ici dans un rapport de force. Il est donc urgent que des gens convaincus s’engagent en politique. Certains l’ont déjà fait, il en faut beaucoup plus.

Aude Mirkovic est également auteur de PMA, GPA, la controverse juridique, Téqui, 90 p., 7,90 €.

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