Alors même que les recherches sur les cellules souches de sang de cordon ombilical ont fait leurs preuves, le sénateur radical de gauche Jacques Mézard a déposé au Sénat le 1er juin une proposition de loi pour autoriser sous certaines conditions la recherche sur l’embryon. Depuis 1994, date des premières lois de bioéthique, les barrières ont sauté petit à petit pour passer d’une interdiction absolue de la recherche sur l’embryon à une interdiction tempérée par quelques exceptions et, si le projet de loi devait être accepté, à une autorisation en bonne et due forme, pudiquement nommée « régime d’autorisation encadrée ».
Depuis qu’en 2004 le législateur avait autorisé pour cinq ans une dérogation à cette interdiction « sous réserve de progrès thérapeutiques majeurs », le ver était dans le fruit. Dès lors, cinquante-huit protocoles de recherche sur l’embryon ont été autorisés par l’Agence de biomédecine.
Cette interdiction qui n’en était pas vraiment une, maintenue par la révision de 2011, ne satisfait personne : ni les opposants aux recherches sur l’embryon, conscients que ces dérogations ont permis déjà la destruction de trop nombreux embryons, ni même les partisans de cette nouvelle transgression, freinés dans leur élan par plusieurs contraintes, celle par exemple de devoir apporter la preuve qu’il est impossible de parvenir au résultat escompté par le biais d’une autre recherche ne portant pas sur des embryons humains ou des cellules souches embryonnaires.
Le projet de loi est ainsi résumé dans le texte lui-même, accessible depuis le site du Sénat :
« Le I substitue un régime d’autorisation encadrée à un régime d’interdiction assorti de dérogations. Les recherches ne pourront être autorisées que si la pertinence scientifique de la recherche est établie, si la recherche s’inscrit dans une finalité médicale, s’il est impossible, en l’état des connaissances scientifiques, de mener une recherche similaire sans recourir à des cellules souches embryonnaires ou à des embryons et enfin si le projet et les conditions de mise en œuvre du protocole respectent les principes éthiques relatifs à la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires.
Le II concerne les modalités de consentement aux recherches du couple dont les embryons sont issus. Il supprime l’information des parents sur la nature des recherches envisagées.
Le III modifie les modalités d’intervention de l’Agence de la biomédecine et des ministres chargés de la santé et de la recherche dans l’autorisation de recherche sur l’embryon ou les cellules souches embryonnaires. Il permet aux ministres, dans un délai d’un mois et conjointement, de demander un nouvel examen du dossier ayant servi de fondement à la décision, lorsqu’il y a un doute sur le respect des principes éthiques ou sur la pertinence scientifique d’un protocole autorisé, ou encore dans l’intérêt de la santé publique ou de la recherche scientifique, lorsque le protocole a été refusé. L’Agence de la biomédecine procédera à un nouvel examen dans un délai de trente jours. En cas de confirmation de la décision, la validation ou le refus du protocole seront réputés acquis.
Le IV réaffirme que les embryons sur lesquels une recherche a été conduite ne peuvent être transférés à des fins de gestation.
Le V supprime notamment le caractère exceptionnel des études sur les embryons. »
Les « principes éthiques » invoqués par le sénateur voudraient rassurer les citoyens inquiets du devenir de leurs petits d’homme. Ainsi ne pourraient être soumis à la recherche que des embryons qui ne font pas ou plus l’objet d’un projet parental. Les défenseurs de ce type de recherche se vantent même de ce que cela permettrait d’utiliser les quelques milliers d’embryons surnuméraires abandonnés dans les placards des hôpitaux.
Une façon commode et rentable de régler le problème de ces touts petits humains en attente de gestation dont on ne savait plus que faire.