Vincent Lambert est devenu l’icône de la bataille de l’euthanasie. Cet homme de 38 ans en état pauci-relationnel a été condamné à mourir de faim et de soif par le Conseil d’État le 24 juin dernier. Sa vie est actuellement entre les mains de la Cour européenne des Droits de l’homme qui s’est saisie du dossier. Derrière l’émotion médiatique, il est important de bien avoir en tête le déroulement des faits. Chronologie d’une histoire tragique bientôt transformée en feuilleton médiatique.
29 septembre 2008 : Vincent Lambert est victime d’un accident de la route et sombre dans un coma profond qui évoluera progressivement en état de conscience minimale dit « pauci-relationnel ». Aujourd’hui, six de ses frères et sœurs, son épouse Rachel et son médecin le docteur Éric Kariger réclament l’arrêt des soins. À l’inverse, ses parents, un demi-frère et une sœur s’y opposent fermement.
Juin 2011 : Le Coma Science Group du CHU de Liège fait un bilan de santé de Vincent Lambert et conclut à un état de «conscience minimale consolidé» sans espoir d’amélioration.
En 2013, l’équipe médicale du CHU de Reims, où est hospitalisé Vincent Lambert depuis cinq ans, indique avoir noté des oppositions aux soins, faisant suspecter un refus de vivre.
8 avril 2013 : Les praticiens, menés par le Dr Éric Kariger, décident l’arrêt de l’alimentation artificielle et le maintien d’une hydratation faible sur Vincent.
9 mai 2013 : Les parents de Vincent Lambert déposent une requête devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne afin que la sonde d’alimentation soit rétablie. Ils reprochent au CHU de ne pas les avoir informés de la démarche et donc de ne pas avoir pris en compte leur avis.
11 mai 2013 : Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ordonne le rétablissement de l’alimentation artificielle de Vincent Lambert.
Septembre 2013 : Une nouvelle procédure d’arrêt des traitements est lancée. Quatre experts sont désignés pour prendre la décision.
11 janvier 2014 : Le CHU de Reims arrête les traitements de nutrition et d’hydratation artificielles de Vincent Lambert.
16 janvier 2014 : Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne suspend la décision des médecins du CHU de Reims et ordonne de maintenir l’alimentation et l’hydratation de Vincent Lambert estimant que « la poursuite du traitement n’était ni inutile, ni disproportionnée et n’avait pas pour objectif le seul maintien artificiel de la vie » et il a donc « suspendu la décision d’interrompre le traitement ».
28 janvier 2014 : Rachel, la femme de Vincent Lambert, décide de faire appel auprès du Conseil d’État contre le « maintien en vie artificiel » de son mari.
6 février 2014 : Le Conseil d’État repousse la décision, estimant l’affaire Vincent Lambert trop complexe pour être tranchée par un seul juge, et statuera donc en formation collégiale et après une nouvelle expertise médicale. Le Conseil juge néanmoins que la loi Leonetti de 2005 « s’applique à des patients qui, comme Vincent Lambert, ne sont pas en fin de vie » et « que l’alimentation et l’hydratation artificielles constituent, au sens de cette loi, un traitement qui peut être interrompu en cas d’obstination ».
13 février 2014 : Le Conseil d’État décide de faire appel à un collège de trois experts (Prs Marie-Germaine Bousser, Lionel Naccache, et Jacques Luauté) pour faire un bilan de l’état de santé de Vincent Lambert et juger du caractère irréversible ou non de ses lésions, de sa capacité ou non à entrer en relation avec son entourage, d’éventuels signes pouvant traduire son désir de poursuivre ou non les traitements.
14 février 2014 : L’Académie nationale de médecine (ANM), le Comité consultatif national d’éthique (CCNE), le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) sont saisis par le Conseil d’État pour donner un éclairage sur les questions de l’obstination déraisonnable et du maintien artificiel de la vie.
7 au 11 avril 2014 : Les experts nommés par le Conseil d’État procèdent aux examens pour établir le bilan de santé de Vincent Lambert.
6 mai 2014 : Les trois experts rendent un premier rapport sur la santé de Vincent Lambert dont les lésions sont jugées irréversibles et dont l’état de conscience se serait dégradé depuis 2011. Le patient est jugé incapable de communiquer.
15 mai 2014 : L’ANM rend un avis ambigu sur la fin de vie qui prend parti contre l’euthanasie et le suicide assisté mais émet l’hypothèse de la possibilité de la sédation terminale qu’elle ne récuse pas pour peu qu’elle soit faite dans de bonnes conditions d’accompagnement et d’informations.
20 juin 2014 : Le rapporteur du Conseil d’État Rémi Keller préconise « l’arrêt du maintien en vie de Vincent Lambert ».
23 juin 2013 : À la veille de la décision du Conseil d’État, la plus haute instance juridique française, les parents de Vincent Lambert entament une procédure auprès de la Cour européenne des Droits de l’homme (CEDH). Ils requièrent une mesure provisoire de la part de la CEDH au cas où le Conseil d’État demande la mort de leur fils.
24 juin 2014 :
– À 16 h, le Conseil d’État, réuni en formation solennelle, décide de l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation de Vincent Lambert au nom de ce qu’ils interprètent comme une volonté de mourir exprimée par Vincent Lambert, de l’irréversibilité de ses lésions et de son incapacité à communiquer.
– À 22 h, la CEDH fait suspendre la décision du Conseil d’État « pour la durée de la procédure devant la Cour », en vertu de l’article 39 de son règlement, qui prévoit qu’elle peut imposer aux États des mesures urgentes et provisoires, « à titre exceptionnel, lorsque les requérants seraient exposés – en l’absence de telles mesures – à un risque réel de dommages graves et irréversibles ».
Nul ne sait encore combien de temps durera l’examen du dossier de Vincent Lambert.