Retour sur les chemins de croix au chevet de Notre-Dame de Paris

Publié le 07 Mai 2019
Retour sur les chemins de croix au chevet de Notre-Dame de Paris L'Homme Nouveau

C’est historique, et pour cause : suite à son embrasement, cette année, deux chemins de croix se sont succédés autour de Notre-Dame. Le vendredi saint, à 12 h 30, démarre celui des Fraternités Monastiques de Jérusalem et de la paroisse Saint Louis en l’Île. A 15 h, c’est au tour de Mgr Michel Aupetit de faire le chemin de croix du pont Saint Louis au pont de la Tournelle, sur l’Île de la Cité, avec Notre-Dame de Paris en arrière-plan. Retour sur cette journée très particulière.

Au pont Saint Louis, Mgr Michel Aupetit prend la parole devant un millier de personnes où se mêlent fidèles, touristes et journalistes du monde entier : « “Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu” (Is 40,1). Ces paroles du prophète Isaïe résonnent fortement en ce jour de deuil où nous accompagnons la Passion et la mort de notre Seigneur Jésus-Christ en préparant nos cœurs à la joie de sa Résurrection. Notre-Dame de Paris, notre chère cathédrale, témoin de tant d’événements majeurs de notre pays, a été détruite par un incendie effrayant après avoir résisté si longtemps aux péripéties de son histoire. La France pleure et avec elle tous ses amis du monde entier. Elle est touchée au cœur car ses pierres sont le témoignage d’une espérance invincible qui, par le talent, le courage, le génie et la foi des bâtisseurs, a élevé cette dentelle lumineuse de pierres, de bois et de verre. Cette foi demeure la nôtre, encore et toujours. » Puis, sous un soleil de plomb, les stations s’égrènent.

De l’autre côté, dans l’église de Saint Gervais, le premier chemin de croix vient de se terminer. À vol d’oiseau, 300 m séparent les deux édifices. Frère Grégoire et Sœur Cécile sont les prieurs de la branche masculine et féminine de la communauté. Ils ont été témoins de l’incendie de Notre-Dame. Quand Notre-Dame brûle, vers 18 h 50, Sœur Cécile est en adoration devant le Saint Sacrement, dans la chapelle souterraine de la communauté : « je suis restée en adoration devant le Saint Sacrement, après que l’on m’ait prévenue. J’ai prié intensément, et, dans ma prière, j’ai appelé à l’aide un jésuite canadien du XVIIe siècle qui avait le don d’arrêter le feu, le père de La Brosse. Je lui ai dit : “au secours, descends de ton ciel et viens nous aider !” Puis, je me suis rendue, avec d’autre sœurs, en bas de la rue du Pont Louis-Philippe. Et, là, pour moi qui ai vécu des incendies au Canada (NDLR Sœur Cécile est franco-canadienne), j’ai trouvé cela trop irréel, le feu était énorme. Et, je me suis dit : “c’est un cauchemar”. Après cette première sidération, j’ai été touchée par les gens qui pleuraient. Il y avait une foule incroyable. » De son côté, frère Grégoire a vécu une même sidération. « Ce qui m’a impressionné, c’est la vitesse de propagation du feu. La flèche s’est embrasée rapidement, puis elle est tombée. Cela a été difficile, personnellement, à vivre. Car, vous voyez un trésor patrimonial, religieux partir en fumée. Je suis très attaché à Notre-Dame. Un évènement nous y lie pour toujours : celui des obsèques de notre fondateur, le Père Pierre-Marie Delfieux, célébrées à Notre-Dame de Paris, il y a 7 ans. »

Par ses études en histoire de l’art, Sœur Cécile a beaucoup étudié Notre-Dame de Paris. « Le mardi matin, j’ai été très soulagée d’apprendre que la structure était sauvée, que la croix et la vierge du pilier étaient intactes. Au-delà de l’édifice, ce qui est pour moi le fondement de ma foi, c’est le Christ, qui est la pierre angulaire. C’est un appel à l’attachement à cette pierre-là. Et, puis, il y a, actuellement, quelques incendies dans l’Église, des choses doivent brûler. Enfin, je dois accueillir en moi, au niveau personnel et communautaire, ecclésial, cette purification du Seigneur. » Frère Grégoire, lui, n’est pas « enclin à spiritualiser les évènements. » Il souligne, cependant, l’importance de l’évènement. « Il y a un élément qui m’a beaucoup marqué : sur les quais, au moment de l’embrasement, il y avait un silence religieux. C’est comme si on assistait à quelque chose de sacré. C’était très étonnant. Car, dans la foule, il n’y avait pas que des chrétiens. Sans voir un signe dans l’évènement, je pense qu’il oriente vers Dieu. Quel autre monument, qui brûlerait, produirait une telle émotion ? C’est un cœur qui a pris feu lundi. Ce que je crois, c’est que l’incendie de Notre-Dame nous appelle à l’intériorisation, à un retour en soi, en Dieu. Spontanément, je me suis plongé dans la prière. » 

Au sujet de la reconstruction en cinq ans, annoncée par le Président de la République, Sœur Cécile pense qu’il faudra plus de temps : « au Moyen-Âge, il a fallu cinquante ans pour préparer les poutres ». Elle ajoute que « la flèche de Notre-Dame, c’est le doigt de Dieu qui indique le Ciel. Cette chute de la flèche, je la vois comme une kénose (NDLR Un dépouillement) de la Vierge. Car qui aujourd’hui veut regarder vers le Ciel ? C’est le message que je retiens : comment faire pour que notre Église soit signifiante ? Mercredi soir une jeune est venue dire à une sœur : “Ah, enfin, je vois des gens d’Église. Qu’est-ce que je peux faire ? Cela fait 10 ans que j’ai quitté toute pratique. Jésus m’a parlé, Il m’a montré tous mes péchés, qu’est-ce que je peux faire ? ” » 

Frère Grégoire est, lui aussi, « certain qu’il va falloir du temps. Cette reconstruction n’est pas seulement la reconstruction de la cathédrale, de l’Église. Notre-Dame est un symbole au-delà de son édifice. C’est la société qu’il faut reconstruire. La reconstruction de Notre-Dame va certainement fédérer la nation. »

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