Mgr Borys Gudziak, de l’Église ukrainienne de Paris, s’envole pour Philadelphie

Publié le 29 Mai 2019
Mgr Borys Gudziak, de l’Église ukrainienne de Paris, s’envole pour Philadelphie L'Homme Nouveau

Il est arrivé en France en 2012. Et, il va retrouver son pays natal : les Etats-Unis. Le 18 février dernier, le pape François venait de le nommer Métropolitain et Archevêque de l’Archiéparchie catholique ukrainienne de Philadelphie. Pendant ces 7 dernières années, il aura accompli un devoir presqu’hors norme : celui de servir les Ukrainiens de rite byzantin qui vivent en France, au Bénélux et en Suisse. 

L’éparchie actuelle (l’équivalent de notre diocèse) de Mgr Gudziak, composée de ces 5 pays, est une petite Europe dans l’Europe. Il l’a administrée, servie et développée de façon considérable. « Travailleur infatigable », selon ses proches, il était aussi membre de la Conférence des Evêques de France, au même titre que les autres évêques. Quand vous le rencontrez pour la première fois, il vous marque par sa courtoisie. Grand, le visage fin et le sourire aux lèvres, qui se dessine à travers sa barbe blanche finement taillée, Mgr Borys Gudziak parle parfaitement le français. Ses dernières semaines n’ont pas été de tout repos. A quelques jours du départ, l’heure est au bilan, aux remerciements, aux actions de grâces, et aux cérémonies d’adieu. Lors de ces cérémonies nous croisons plusieurs personnalités religieuses, associatives et politiques : Mgr Denis Jachiet, Mgr Michel Santier, l’ancien ambassadeur de France à Kiev, Jacques Faure, le diacre Didier Rance, Marc Fromager, de l’Aide à l’Eglise en Détresse, et des représentants de L’Œuvre d’Orient, de Foi et Lumière, de l’OCH, etc.

Quand on demande à Didier Rance, intarissable sur l’Eglise gréco-catholique, de parler de Mgr Borys Gudziak, il répond spontanément : « Ce qui m’a marqué, c’est sa vision et son travail considérable sur l’Eglise. C’est un historien. Je vous invite à lire sa thèse de doctorat qui a permis d’avoir un regard neuf sur cette Eglise gréco-catholique qui se considère comme étant l’Eglise orthodoxe en communion avec Rome… » S’il fallait se risquer à synthétiser sa pensée et à résumer toute sa pastorale, il faudrait y passer des heures, tant ses œuvres sont nombreuses. Avant tout, c’est un homme de prière, de collaboration et d’action. 

 L’Ukraine martyre raisonne en lui dès sa naissance

Mgr Borys Gudziak n’est pas né en Ukraine. Il est né aux Etats-Unis, à Syracuse, en 1960. Ses parents ont dû fuir le régime totalitaire communiste qui frappait les communautés religieuses et décimait les populations. « A la fin des années 40, comme il le raconte, mes futurs parents se sont réfugiés d’abord en Europe. Puis, ils sont partis aux Etats-Unis. Ils ont fui les déportations et les persécutions. En Ukraine, quelques dizaines de kilomètres seulement les séparaient, mais ils ne se connaissaient pas. Ils ont dû faire plusieurs milliers de kilomètres pour se rencontrer. Le lieu de leur rencontre a été l’Eglise gréco-catholique de New-York. » 

Au sortir de la seconde guerre mondiale, des millions d’Ukrainiens sont déportés. Déjà, dans les années 20 et 30, de terribles famines avaient décimé la population. Les chrétiens ne sont pas épargnés. L’Ukraine devient martyre. Cependant, la religion ne se gomme pas au fil des persécutions, elle survit « dans les catacombes ». En juin 2001, lors de son 94e voyage, le Pape Jean-Paul II béatifie à Lviv des martyrs de rite gréco-catholique et de rite latin. En 2014, l’Ukraine est de nouveau martyre : à Kiev son président, Viktor Ianoukovitch, fait tirer sur les manifestants qui réclament la ratification des accords d’association de l’Ukraine avec l’Union Européenne, qu’il vient de refuser de signer. Puis, l’histoire s’accélère : la Russie annexe la Crimée, et le Donbass fait sécession. Aujourd’hui, l’Eglise orthodoxe, qui est majoritaire, et l’Eglise gréco-catholique appellent à la Paix. Malgré plus de 70 ans de communisme l’Eglise reste toujours vivante. « Elle n’a pas été éradiquée, insiste Mgr Gudziak, mais l’Ukraine est un pays martyr et très convoité. » Et, l’histoire de ce peuple martyr semble se répéter. 

Né dans une famille très croyante, quand on lui pose la question de sa vocation, il y répond en nous faisant entrer dans l’intimité de son histoire familiale. « Ma mère avait 34 ans quand je suis né. Cela faisait 9 ans que mes parents étaient mariés. Et, ils n’arrivaient pas à avoir d’enfants. Ils avaient commencé une démarche d’adoption. En 1960, quand elle est tombée enceinte, elle a fait une promesse au Seigneur de lui consacrer son enfant si c’était un garçon. Par la suite, j’ai eu l’appel à l’âge de 15-16 ans. A Syracuse, je me rappelle qu’il y avait un sanctuaire dans la forêt, près de notre maison, où je me rendais à vélo pour vivre des moments de prières, et, où en quelque sorte je faisais retraite. Je suis rentré au séminaire à l’âge de 19 ans. J’en suis sorti à l’âge de 22 ans. J’ai vécu un long temps en tant que laïc, puisque j’ai été ordonné prêtre en 1998, en Ukraine, à Lviv. » Monseigneur foule pour la première fois les terres Ukrainiennes en 1992, avec un triple doctorat en poche (en biologie, en philosophie et en théologie). En 1994, il participe à la réouverture de l’académie de théologie de Lviv. Puis, avec une équipe locale et internationale (l’un de ses amis américains quittera tout pour le rejoindre), il fonde l’Université Catholique Ukrainienne de Lviv. Il en est, encore aujourd’hui, le Président. Pendant ces vingt années, de 1992 à 2012, il n’a eu de cesse de redonner à l’Ukraine sa colonne vertébrale humaniste, universitaire et religieuse. Il sera le premier, en Europe de l’Est, à ouvrir l’Université aux personnes handicapées.

Le père Henri Nouwen et Jean Vanier comme amis

Le 16 mai 2019, Mgr Borys Gudziak participe aux obsèques de son grand et vieil ami : Jean Vanier, le fondateur de l’Arche – association internationale qui regroupe en communautés de vie des personnes handicapées. Ils se sont rencontrés pour la première fois en 1986, à Trosly. C’est le père Henri Nouwen qui est à l’origine de cette rencontre. Le père est le conseiller spirituel du jeune Borys. En 1985, lors de la venue de Jean Vanier aux Etats-Unis, ce-dernier dit à Henri : « si vous continuez comme cela vous cesserez d’être prêtre…Il faut que vous veniez chez nous, à l’Arche, à Trosly en France. », comme le raconte avec précision, une de leurs amies. « Henri passait son temps dans les avions. Il sortait un bouquin chaque année et donnait des conférences dans le monde entier…Il a, donc, suivi le conseil de Jean Vanier. Il a même passé une année sabbatique à Trosly. En mai 1986, à leur invitation, Borys vient les rejoindre en France. Lors d’un déjeuner organisé par Pauline, la maman de Jean, Borys qui vient d’être diplômé d’Harvard fait cette réponse étonnante sur ce qu’il envisage de faire :  » Quand l’Ukraine sera indépendante, je dis bien quand et pas si, j’irai à Lviv et je serai ordonné prêtre à la cathédrale Saint Georges de Lviv… » » Leur amitié était née. Ce qui les a rapprochés, c’est l’amour qu’ils ont pour les plus faibles. Ils ont, aussi, la tendresse en commun, et, le fait d’être ajusté à la volonté de Dieu. Le 26 novembre 1998, Borys est ordonné prêtre à Lviv. 

De 2012 à 2019 : un pasteur en action et des chiffres clés !

Le diocèse qu’il va bientôt quitter s’étend sur 5 pays, avec 40 000 gréco-catholiques qui y vivent. Le nombre de paroisses est passé de 13 à 39. Le nombre de prêtres a été multiplié par 2,5, pour passer de 9 à 23. Infatigable, Mgr Borys Gudziak a semé sur toutes ces terres d’Europe de l’Ouest. Il explique cette croissance : « en 2014, la guerre en Ukraine nous a apporté beaucoup de réfugiés. La guerre n’étant pas terminée, nous accueillons toujours des réfugiés. La Russie n’a pas accepté que l’Ukraine retrouve sa liberté. Elle n’accepte pas notre liberté, notre culture et notre vie politique. Au moment où l’Ukraine allait s’associer à l’Union Européenne, la Russie a occupé la Crimée et a déclenché la guerre au Donbass. Nous avons élu dernièrement notre 6è Président de la République, depuis 1991. Notre démocratie reste fragile. Mais elle avance. Le peuple ukrainien est un peuple courageux et patient. »

Lors de sa dernière messe dominicale, où il a prié pour la paix, à la cathédrale Saint Volodymir le Grand, à Paris, le 26 mai, les fidèles sont plus de 500 à venir saluer une dernière fois l’évêque qui sera intronisé le 4 juin dans la cathédrale de l’Immaculée Conception de Philadelphie. Il laisse derrière-lui une œuvre importante qui continue à passer les frontières. Il y a quelques jours, lors du 8e Prix académique de L’Œuvre d’Orient, le prix spécial du jury a été décerné à l’Université catholique de Lviv pour son livre : Persécutés pour la vérité. Les gréco-catholiques Ukrainiens derrière le rideau de fer. Mgr Borys Gudziak a suivi de près les travaux de cet ouvrage encyclopédique considérable et en a rédigé la préface. En guise de conclusion, il adresse, aux fidèles qu’il quitte et à ceux qu’il va rencontrer pour la première fois à Philadelphie, ses mots : « Regardez comme ils s’aiment ! »    

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