[Extrait] Médecine en temps de crise et ambivalence des désirs : la vie quoi qu’il en coûte ?

Publié le 14 Oct 2020
[Extrait] Médecine en temps de crise et ambivalence des désirs : la vie quoi qu'il en coûte ? L'Homme Nouveau

Pour notre dossier de l’HN n°1720 consacré à la médecine, nous avons interrogé le docteur Anne-Laure Boch. Docteur en médecine et en philosophie, neurochirurgien à l’hôpital de la Pitié-Salpétrière, elle a bien voulu répondre à nos questions sur les enjeux d’une médecine de plus en plus technique dans un contexte social et politique marqué par un transhumanisme qui promet la mort de la mort. Alors que nous sommes encore plongés dans la crise de la Covid-19, ce désir d’une médecine toute-puissante prend une intensité particulière.

Retrouvez l’intégralité de notre entretien avec le Dr Anne-Laure Boch dans l’HN n°1720 du 10 octobre 2020

« Les gens demandent tout et son contraire. La vie « quoi qu’il en coûte » et l’absence de handicap, par exemple. Prenons ce qui s’est passé au pire de la crise de la ­Covid-19, au printemps dernier. Les services de réanimation étaient en forte tension du fait du grand nombre de malades graves à leur porte, et, parmi ces malades, des personnes âgées et très âgées. Ces patients très fragiles ne peuvent pas faire les frais de la réanimation lourde et, en cas de forme grave, leur pronostic est clair : soit ils meurent rapidement, soit ils sont admis en réanimation où ils finissent par mourir ; les rares qui survivent sont dans un état épouvantable dont ils ne se relèvent jamais. Compte tenu de la lourdeur des soins en réanimation, entreprendre un tel traitement sans espoir de guérison relève de l’acharnement thérapeutique. 

Au cœur de la crise, la Société française d’anesthésie et de réanimation (SFAR) a édité un document pour aider les médecins à déterminer quels malades pouvaient ou non bénéficier de la réanimation, recommandant bien sûr d’accompagner jusqu’au bout les personnes qui ne devaient pas être réanimées, en leur prodiguant des soins palliatifs de qualité. La presse et le grand public, notamment dans les milieux catholiques, ont dénoncé à grands cris un « tri » et réclamé que tous les vieillards aient accès à la réanimation… comme s’il s’agissait d’un bonbon sucré dont on voudrait priver les personnes âgées pour faire des économies sur leur dos !

C’est l’exemple même de l’ambivalence d’une société qui se contente de s’abandonner à la possibilité technoscientifique, alternant ainsi demande forcenée d’obstination déraisonnable et demande forcenée d’une alternative à l’obstination déraisonnable, l’euthanasie. À cet égard, le mouvement transhumaniste est catastrophique car il promet des choses irréalisables (la fin de la vieillesse et de la mort) qui engendreront une déception monumentale. »

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