En décembre dernier, la Confédération helvétique a légalisé, à son tour, les unions homosexuelles, les mettant sur le même plan que le mariage traditionnel. Le bimensuel La Nation, journal vaudois (15 janvier), de Lausanne donne une analyse de ce que révèle ce processus. Une analyse qui vaut bien au-delà des frontières du pays. Mais l’éditorialiste, Olivier Delacrétaz, l’affirme aussi : le combat n’est pas terminé.
Un homme et une femme s’aiment et se marient. Ils fondent une famille, élèvent leurs enfants. Ce mariage modifie leur vie en profondeur. Il décentre leur individualité dans la perspective du bien commun familial ; il prolonge la lignée autour du nom du père ; il crée un milieu propice à l’éducation des enfants. Il rend lisible le renouvellement de la société. Dans un monde chrétien, la stabilité et l’unité du mariage se renforcent de son rôle symbolique et des mœurs qu’il inspire. Certains contestent l’institution en invoquant les séparations et les divorces, les mères dures ou indifférentes, les pères faibles ou absents, les parents indignes, les adolescents révoltés. Par un curieux contresens, ils attribuent à l’institution les fautes, faiblesses et vices humains qu’elle s’attache, avec plus ou moins de réussite, à contenir. D’autres ont jugé que l’institution était bonne, mais trop exclusive : il importait de l’étendre aux couples homosexuels. On commença avec le partenariat enregistré entre personnes du même sexe, qui fut accepté par le peuple le 5 juin 2005. C’était une reprise du mariage traditionnel, sauf qu’il excluait l’adoption et la procréation médicalement assistée. Ces deux réserves essentielles disparaissent avec la loi sur le « mariage pour tous » : les couples de même sexe seront désormais légitimés à fonder une famille. (…)
Beaucoup ont voulu ces révisions dans un esprit de justice : il faut, disent-ils, défendre les droits de la femme par rapport à l’homme et ceux de l’enfant par rapport aux parents. De même, ils estiment que les sentiments réciproques sincères que nourrissent deux personnes de même sexe leur donnent le droit, à elles aussi, de fonder une famille. L’erreur, toujours la même, est d’aborder une réalité communautaire dans une perspective individuelle. Dès lors, à chaque étape de la révision, le mariage perd de sa substance et ressemble davantage à un non-mariage. Le modèle vers lequel nous tendons est celui de deux individus égaux, pourvus de droits égaux, conservant l’entier de leur liberté individuelle dans le cadre toujours plus léger d’un engagement dénonçable en tout temps pour n’importe quel motif. (…) Les formes du mariage diffèrent d’une civilisation à l’autre, mais dans toutes, il y a un homme et une femme qui s’unissent dans la perspective d’avoir des enfants. Ce constat universel constitue un argument de poids contre l’évolution de notre droit matrimonial. Et l’argument est d’autant plus décisif que notre époque, sans unité ni référence supérieure, est la plus mal outillée de toutes pour aborder cette question fondamentale. (…)
La vision transhumaniste d’un homme augmenté et les revendications des mouvances LGBTQIA esquissent les prochaines étapes possibles : le « trouple » – relation amoureuse à trois –, la famille à parents multiples, le mariage entre frère et sœur, le mariage à terme, les unions tournantes, sans parler des versions matrimoniales « bi », « trans » ou queer. Une partie de la gauche dénonce d’ailleurs depuis longtemps l’institution familiale comme fermée, hiérarchique, opaque, fondement de la division du travail, formatant l’enfant à subir ou exercer toute forme de discrimination et d’oppression. Les partis bourgeois suivent en trottinant et scrutinant. Nous reprochera-t-on de perdre notre temps et notre peine à nous opposer à une débâcle qui semble tout emporter ? Nous croyons simplement que l’avenir n’est pas fait. A chaque heure suffit sa peine. Et, pour l’heure, il vous suffira de signer et de faire signer la feuille de référendum.
PS : une erreur technique ne nous a pas permis de vous proposer votre rubrique « Au quotidien » vendredi dernier. Nous vous prions de nous en excuser.