Les deux fils de Zébédée posent à Jésus, dans le récit selon saint Marc que commente le Pape dans son angélus du 17 octobre, une double demande qui prouve qu’ils n’avaient pas encore compris les exigences véritables pour rentrer dans le Royaume éternel.
Dans le texte selon saint Matthieu, c’est la mère des apôtres elle-même qui pose la question, en s’y prenant d’ailleurs fort bien et en ne livrant pas aussitôt le secret de sa demande, spéculant sur l’espoir que le Seigneur, dans un mouvement d’affection et de reconnaissance, lui accordera, d’avance, tout ce qu’elle pourra demander. Dans ces deux versions et dans d’autres textes évangéliques, on découvre que les Apôtres, qui n’ont pas encore reçu l’Esprit de Pentecôte, ne songent qu’à la grandeur et à la domination extérieure. Le Seigneur leur répond au sujet de la grandeur intérieure et surnaturelle, la vraie grandeur sur laquelle pourra s’exercer la rivalité des disciples du Christ. Cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas une autorité dans l’Église, mais cela veut dire en quel esprit cette autorité s’exercera : que la collation de cette autorité vient de Dieu et de ses dispositions et qu’enfin le point vers lequel se doivent porter les désirs et les rivalités des chrétiens, c’est la grandeur intérieure faite d’humilité, de service et de simplicité en même temps que de loyauté, à l’exemple de Jésus qui n’est pas venu en ce monde pour être servi mais pour servir. Dans ce passage évangélique Jésus nous montre donc que la vraie gloire ne s’obtient pas en s’élevant au-dessus des autres, mais bien en prenant la dernière place, d’ailleurs au dire du bienheureux Charles de Foucauld cette place reste pour toujours attachée au Christ. Prendre la dernière place, c’est prendre sa croix. Tel est bien le sens du baptême qui est un plongeon, une immersion dans la mort du Christ, pour ressusciter ensuite avec lui. En effet, par sa Passion, Jésus s’est plongé dans la mort, offrant sa vie pour sauver le monde pécheur.
Ce passage évangélique nous met en présence de deux logiques totalement opposées. Les disciples veulent émerger, tandis que Jésus au contraire veut s’immerger. Arrêtons-nous avec le Pape sur ces deux verbes. Émerger exprime la mentalité mondaine qui nourrit notre ambition de fils d’Adam. Cette mentalité cherche avant tout succès et place d’honneur. C’est l’arrivisme si souvent dénoncé par le Pape. Cette maladie de l’esprit qu’est le prestige personnel peut se cacher sous une apparence de bien. On le voit bien dans la question posée par les deux disciples. N’essayons donc pas de gravir les échelons. Restons petits dans le service et la pureté de cœur. Et pour cela nous avons besoin de nous immerger. Jésus nous le demande. Mais comment peut-on s’immerger ? Tout simplement avec compassion dans le terrible quotidien, en présence de ceux que la Providence nous fait rencontrer. Cette attitude de service et d’abaissement qui nous fait immerger pour les autres nous fera grandir en charité. Nous devons donc nous immerger avec compassion et service. Pour cela, nous devons regarder Jésus crucifié, immergé jusqu’au bout dans notre histoire blessée. Il l’a prouvé sur la Croix et auparavant en lavant les pieds de ses disciples. Et Pierre justement ne voulait pas s’immerger et il a trahi. Regardons aussi Marie, l’humble servante du Seigneur et entièrement immergée dans notre service pour nous aider à rencontrer Jésus et, quand nous serons arrivés au port de l’éternité, à le voir. Marie est l’Épouse de l’Esprit Saint. Qu’elle nous obtienne de voguer avec ses voiles, pour qu’Il renouvelle en nous la grâce de notre baptême et que nous restions jusqu’à notre mort des serviteurs, sans mondanité aucune.