> Dossier : « Carmélites de Compiègne, 230 ans après, un témoignage universel »
La canonisation toute récente des carmélites de Compiègne est une exception. En effet, un seul martyr de la Révolution, Salomon Leclercq, avait jusqu’alors été ainsi honoré par l’Église. Une réticence étonnante quand on connaît les nombreuses exécutions de victimes inspirées par la haine de la foi.
L’Église de France, même sous la Restauration, a toujours manifesté une certaine gêne vis-à-vis des catholiques, prêtres, religieux, laïcs, mis à mort en haine de la foi durant la Révolution. Alors que tous les diocèses ou presque ont compté des victimes, parfois nombreuses, et sans tenir compte du cas particulier des provinces de la Vendée militaire, il y eut finalement peu d’évêques désireux d’ouvrir et pousser ces causes de béatifications ; ceux qui s’y résolurent le firent souvent sous la pression du peuple, attaché à la mémoire de gens restés familiers dont la réputation de sainteté, voire les miracles, étaient bien établis.
Volonté de réconciliation
Les motifs de ces réticences étaient en apparence honorables : volonté de réconciliation nationale, pardon des offenses, désir de ne pas porter atteinte aux réputations des familles des bourreaux, étrangères à leurs crimes… Les convulsions politiques du XIXe siècle, la crainte de s’aliéner des régimes qui se tenaient peu ou prou pour les héritiers des persécuteurs allaient inciter l’épiscopat français à toujours plus de prudence, de sorte qu’il y eut finalement peu de causes ouvertes et moins encore à aboutir, faute de zèle. Ces causes, on les compte sur les doigts des deux mains : carmélites de Compiègne béatifiées par saint Pie X le 27 mai 1906, martyres de Cambrai en 1920, martyres d’Orange en 1925, l’abbé Noël Pinot, dont la béatification en 1926 annonce celle, plus controversée, en 1984, à l’approche des commémorations du bicentenaire de la Révolution, des martyrs d’Angers et d’Avrillé, prêtres, religieux et séminaristes victimes des massacres parisiens des 2 et 3 septembre 1792, béatifiés en 1926, Pierre-René Rogue, lazariste guillotiné à Vannes en 1796 et béatifié en 1934, martyrs de Laval en 1955, martyrs de Rochefort en 1995. Il y aurait dû en avoir beaucoup plus, à commencer par celle des 110 enfants de moins de 7 ans, « les saints innocents de la Vendée », massacrés aux Lucs-sur-Boulogne en février 1794 par les Colonnes infernales, sans parler de toutes celles qui ne furent jamais ouvertes, et…