Quel meilleur moyen pour situer un écrivain que de connaître ses ouvrages de prédilection? Le passionnant tome II du Dictionnaire Chateaubriand, paru aux éditions Honoré Champion, offre un superbe panorama des lectures qui ont nourri l’Enchanteur, et de celles qu’il a offertes à ses successeurs.
Nul ne s’étonnera des liens de Chateaubriand avec les grands classiques, parmi lesquels, en tout premier lieu, Virgile dont les textes, à ses yeux, loin de rester un modèle figé, demeurent éternellement vivants, particulièrement l’Énéide. L’auteur de la notice à ce propos parle même de « l’intériorisation d’une mémoire antique venant se joindre avec les souvenirs intimes du narrateur ». Selon le fameux principe de l’imitation originale, Chateaubriand entretient une connivence intime avec Virgile, auquel il fait de nombreuses allusions tout au long de son œuvre. Le Malouin peut ainsi s’interroger : « Mon ombre pourra-t-elle dire comme celle de Virgile à Dante : Poeta fui et cantai, “Je fus poète, et je chantai” ? »
Ses maîtres
Homère se révèle un autre auteur dont Chateaubriand parsème de citations ses ouvrages. Quant à saint Augustin, il joue un rôle essentiel pour l’auteur du Génie du christianisme. Leurs itinéraires similaires – de l’oubli de la religion maternelle à une illumination soudaine venue du fond du cœur – le rapprochent de lui. Quel portrait en fait-il ?
« Un jeune homme ardent et plein d’esprit s’abandonne à ses passions ; il épuise bientôt les voluptés, et s’étonne que les amours de la terre ne puissent remplir le vide de son cœur. Il tourne son âme inquiète vers le Ciel : quelque chose lui dit que c’est là qu’habite cette souveraine beauté à laquelle il aspire. »
Quels auteurs français l’ayant précédé Chateaubriand apprécie-t-il tout particulièrement ? On retiendra que les liens avec Pascal sont évidents, surtout dans Le Génie du christianisme mais également dans les Mémoires d’outre-tombe et La Vie de Rancé. Il apprécie le style de madame de Sévigné – qu’il englobe même dans les écrivains bretons – tout en lui reprochant de « pousser trop loin l’agréable langage de cour » lorsqu’elle parle des pendaisons de paysans bretons (le 24 novembre 1675), « avec la même grâce » que Barère de la guillotine. On ne compte pas ses allusions aux textes de La Fontaine. « Je suis, écrit-il à madame Récamier en 1843, persécuté et enchanté des fables de La Fontaine…