> Carte blanche d’Yves Chiron
Les groupes chrétiens issus de l’immigration, dont il va être question ici, sont nombreux et en forte croissance. Ils n’appartiennent ni à l’Église catholique ni aux Églises orthodoxes ni aux grandes confessions protestantes. Jadis, on les aurait qualifiés de « sectes ». Plus récemment, on les aurait placés parmi les « nouveaux mouvements religieux ». Aujourd’hui, le centre d’études œcuméniques Istina, dirigé par les Dominicains, les qualifie d’« Églises “Delta” ». Ce néologisme est doublement problématique. D’une part parce que, selon la théologie catholique, ces groupes religieux ne peuvent, en aucun cas, être qualifiés d’« Églises » ; il ne s’agit pas de communautés ecclésiales ayant conservé un épiscopat et une eucharistie valides. D’autre part, l’appellation « Delta » ne correspond à aucune réalité concrète. Le choix a été fait d’un terme neutre, qui « présente l’avantage de n’avoir aucun caractère dépréciatif », disent les auteurs. Il fait référence au langage mathématique où le delta évoque « une variation ou une différence » et au langage géographique où le delta est « une zone de confluence ». Si le qualificatif, donc, est très contestable et inapproprié au regard de la doctrine catholique, plus objectives sont les caractéristiques retenues pour regrouper dans un même ensemble ces « Églises “Delta” » : « avoir été fondées de manière (relativement) récente, avoir de nombreux marqueurs typiques des Églises évangéliques ou pentecôtistes, réunir surtout des personnes venues d’autres continents et leurs descendants, être plutôt absentes des réseaux inter-ecclésiaux qui relient des Églises plus anciennes en France ». L’enquête menée par le centre Istina montre une grande diversité de ces « Églises “Delta” », indépendantes les unes des autres, avec parfois des « rapports concurrentiels », mais aussi des points communs. Fondées par un « leader », souvent autodidacte, ou un pasteur autoproclamé, elles sont généralement constituées de groupes ethniquement homogènes (elles sont très rarement « marbrées », c’est-à-dire composées de Noirs et de Blancs). Elles sont sans doute plusieurs centaines, regroupant chacune quelques dizaines ou centaines de fidèles, établies principalement à Paris, en banlieue parisienne et dans quelques grandes villes de province. La prière, le chant, la prédication (« habituellement un discours enflammé ») constituent l’essentiel du culte. Ces « Églises “Delta” » ont les dénominations les plus diverses : l’Armée de Victoire, Espace vie chrétienne, le Temple de la Parole, etc. Elles sont parfois éphémères ou se reconstituent sous un autre nom ou par dissidence. Elles naissent parmi des populations d’origine étrangère en quête de réponses religieuses qu’elles ne trouvent pas, à tort ou à raison, dans les communautés…