1ers samedis de Fatima (6/9) | La dévotion ignorée

Publié le 10 Sep 2025
dévotion cœur immaculé Maire Fatima Russie

La consécration de la Russie au Cœur immaculé de Marie, demandée dès 1917 à Fatima, n’eut lieu qu’en 1984. © Vladimir, CC BY-SA 4.0

> 1925-2025 : Jubilé des 1ers samedis de Fatima | Cœur immaculé
Pour ce sixième article de notre série sur la dévotion au Cœur immaculé de Marie demandée aux enfants de Fatima, le chanoine Mesureur développe les difficultés rencontrées par sœur Lucie pour propager cette dévotion dans l’Église et le monde, qui devait pourtant leur apporter la paix.

 

817hGsJEZRL. SL1376 dévotionYves de Lassus, grand connaisseur des apparitions de la Vierge à Fatima et fondateur du site fatima100.fr, nous a offert, sous son nom de plume Joseph de Belfont, un livre très fouillé intitulé Mystères et vérités cachées du troisième secret de Fatima (paru aux Nouvelles Éditions Latines).

Après avoir rappelé le récit des apparitions et ce qu’était la dévotion au Cœur immaculé de Marie, il se concentre sur ce sujet qui a déjà fait coulé tellement d’encre : la troisième partie du secret de Fatima. Et pour se faire, il intitule ainsi les chapitres 5 à 9 : Le secret ignoré / Le secret refusé / Le secret rejeté / Le secret méprisé / Le secret enterré.

En une centaine de pages, minutieusement mais très pédagogiquement aussi, il nous conduit de Benoît XV à Jean-Paul II, et explore les méandres ecclésiastiques de cette période allant de 1917 (année des apparitions) au 25 mars 1984 (date du renouvellement de la consécration du monde faite à Fatima). Les dernières années, de 1984 à la révélation officielle de la fin du secret le 26 juin 2000, sont étudiées dans la troisième partie du livre.

Pour raconter le développement de l’histoire de la dévotion au Cœur immaculé de Marie, nous aimerions reprendre l’expression d’Yves de Lassus. Car, avant que le secret soit ignoré puis refusé, rejeté, méprisé et, enfin, enterré, on tenta de faire de même pour la dévotion des premiers samedis. À partir de 1925, date de la communication par le Ciel de cette dévotion salvatrice, nous assistons à une longue série de refus, de tractations, de silences… totalement inexplicable pour les cœurs simples et attachés à la volonté de Dieu et à l’honneur de sa mère. 

Comme tant de saints avant elle, sœur Lucie avait dû immédiatement sentir la difficulté de sa mission car elle hésita plusieurs semaines avant de s’en ouvrir à ses supérieurs. En 1929, par exemple, Mgr Da Silva, évêque de Leiria-Fatima écrivit au père Aparicio, confesseur de sœur Lucie :

« La dévotion des premiers samedis du mois est bonne, mais elle n’est pas encore à son heure [sic], ce qui ne veut pas dire qu’on ne puisse pas la propager dans les maisons et les collèges religieux. »

En effet, Mgr da Silva souhaitait voir se développer d’abord la dévotion à Notre-Dame de Fatima.

Pope John XXIII 1958–1963 dévotion

Ce fut un coup très dur pour sœur Lucie. Cette réponse fait bien sûr penser à la phrase que prononcera Jean XXIII (pape de 1958 à 1963), trente ans plus tard, à la lecture du secret de Fatima : « Cela ne concerne pas les années de mon pontificat. » Alors que, depuis plus de quinze ans déjà, sœur Lucie avait fait promettre à Mgr Da Silva « qu’il serait ouvert définitivement et lu au monde à sa mort à elle, Lucie, ou en 1960, selon ce qui se produirait d’abord ». Pourquoi ? « Parce que la Sainte Vierge le veut ainsi » et parce que « en 1960, ce sera plus clair ».

Tout Rome attendait cette révélation, des prélats pressaient le pape… mais rien n’y fit. Jean XXIII se mura dans son silence et interdit qu’on lui parla du secret.

Enfin, quelques années plus tard, ce sera à la consécration de la Russie que sera réservé le même traitement : on interdira à sœur Lucie et à quelques autres personnes (comme l’abbé Pierre Caillon, grand connaisseur des apparitions) d’aborder le sujet. Comment ne pas aussi penser au refus de consacrer la France, en pleine crise, alors que plus de vingt pays recevaient cette grâce (1) ?

On semble oublier que cette dévotion a pour but explicite la paix dans le monde, et pas seulement la sainteté personnelle de ceux qui la pratiqueront !

En effet, Notre-Dame a promis : « À ceux qui l’adopteront je promets le salut » et « si l’on fait ce que je vais vous dire, beaucoup d’âmes seront sauvées » (juillet 1917). Mais elle ajoute : 

« Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé. […] La guerre va finir. Mais si l’on ne cesse d’offenser Dieu, sous le règne de Pie XI en commencera une autre pire. […] Pour l’empêcher, je viendrai demander la consécration de la Russie à mon Cœur Immaculé et la communion réparatrice des premiers samedis du mois. Si l’on écoute mes demandes, la Russie se convertira et l’on aura la paix. Sinon elle répandra ses erreurs à travers le monde, provoquant des guerres et des persécutions contre l’Église. »

En 1930, sœur Lucie écrira à son confesseur toute une série de détails, et notamment : 

« Si je ne me trompe, le bon Dieu promet de mettre fin à la persécution en Russie, si le Saint-Père daigne faire, et ordonne aux évêques du monde catholique de faire également, un acte solennel et public de réparation et de consécration de la Russie aux Saints Cœurs de Jésus et de Marie, et si sa Sainteté promet, moyennant la fin de cette persécution, d’approuver et de recommander la pratique de la dévotion réparatrice indiquée ci-dessus. »

Malgré tout, neuf ans plus tard, les résultats sont toujours trop faibles. 

Pere Aparicio02 dévotion

Père Aparicio

Le jour de la fête de saint Joseph, le 19 mars, elle insiste donc et écrit de nouveau au père Aparicio, envoyé depuis peu au Brésil : 

« De la pratique de cette dévotion, unie à la consécration au Cœur Immaculé de Marie, dépendent pour le monde la paix ou la guerre. C’est pourquoi j’ai tant désiré sa propagation ; et surtout parce que telle est la volonté de notre bon Dieu et de notre si chère Mère du Ciel. »

Et le 20 juin : 

« Notre-Dame a promis de retarder le fléau de la guerre si l’on propageait et pratiquait cette dévotion. Nous la voyons repousser ce châtiment dans la mesure où l’on fait des efforts pour la propager. Mais je crains que nous ne puissions faire davantage que ce que nous faisons, et que Dieu, mécontent, lève le bras de sa miséricorde et laisse le monde être ravagé par ce châtiment qui sera comme il n’y en a jamais eu, horrible, horrible. »

Ses avertissements redonnèrent du courage au père Aparicio et la dévotion fut beaucoup diffusée au Brésil grâce à son zèle. 

Malheureusement, celle-ci ne rencontra aucun écho de la part des autorités de l’Église. Or, c’était bien elles qui pouvaient opérer le changement attendu ! D’abord, par leur capacité à se faire entendre, à une époque où la voix de l’Église comptait encore énormément, et où les progrès techniques avaient facilité la diffusion de son message ; ensuite, parce que le Seigneur fait grand cas de la hiérarchie qu’il a lui-même divinement instituée et qu’il transmet ses grâces plus abondamment dès lors qu’on se soumet à son autorité. 

Le 1er septembre 1939, l’Allemagne déclarait la guerre à la Pologne et déclenchait de facto le second conflit mondial. Treize jours plus tard, l’évêque de Leiria-Fatima rendait publique la dévotion au Cœur immaculé. Mais comme annoncé par Notre-Seigneur, il était tard, bien tard…

Une fois encore, on voit que le châtiment (la guerre) est source de conversion et de salut : à partir de 1939, il y eut un grand effort pour faire connaître la dévotion, qui fut diffusée en premier lieu au Portugal, en Espagne (où se trouvait alors sœur Lucie) et au Brésil, puis petit à petit dans les différents pays catholiques.

Enfin, comme cela n’était toujours pas suffisant, elle écrivit au pape Pie XII, en octobre 1940.

C’est ce que nous étudierons le mois prochain.

 


56f0bfc9 da1e 4f07 84d0 9fcdef26eed5 dévotionChanoine Adrien Mesureur,
ancien aumônier de l’école Notre-Dame-de-Fatima (près de Lille)
et responsable des retraites spirituelles de l’ICRSP à Loisy (près de Paris).

 


1. https://www.fatima100.fr/501 : Les consécrations du 25 mars 2020, par Yves de Lassus.

 

 

Retrouvez les premiers articles de cette série sur la dévotion au Cœur immaculé de Marie les 1ers samedis du mois : 

  1. Le Cœur immaculé de Marie : un remède pour notre temps
  2. Une dévotion qui plonge dans la Tradition
  3. Notre-Dame des Victoires
  4. Pourquoi cinq premiers samedis ?
  5. Cinq samedis pour réparer cinq outrages !

 

>> à lire également : Les 100 premiers jours de Léon XIV

 

Chanoine Adrien Mesureur

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