> Carte blanche d’Yves Chiron
Le cardinal Rampolla (1843-1913), qui fut secrétaire d’État de Léon XIII pendant plus de quinze ans, a eu, dès son vivant, une mauvaise réputation dans certains milieux. Certains l’ont accusé d’être l’inspirateur du Ralliement (ce qui est faux). D’autres l’ont accusé, mais seulement à partir de 1929, c’est-à-dire quinze ans après sa mort, d’être franc-maçon. Ce qui n’est aucunement établi d’un point de vue historique (témoignages circonstanciés et documents authentiques). En revanche, il est bien établi que l’Autriche-Hongrie a empêché qu’il soit élu lors du conclave de 1903, ce qui a permis l’accession au pontificat du cardinal Sarto, devenu Pie X. Jean-Marc Ticchi, spécialiste de l’histoire de l’Église au tournant des XIXᵉ et XXᵉ siècles, offre la première biographie historique du cardinal Rampolla, centrant son propos « sur le personnage lui-même, sur son parcours personnel et non pas exclusivement sur sa contribution à l’exercice du magistère pontifical ».
Parcours dans la Curie
Le parcours de Rampolla dans la Curie, commencé sous Pie IX, n’a rien que de très classique, mais il fut « fulgurant » : conseiller de nonciature à Madrid en 1875, secrétaire de l’importante Congrégation pour les Affaires ecclésiastiques extraordinaires en 1880, nonce à Madrid en 1883, créé cardinal en mars 1887 (à 43 ans) et secrétaire d’État la même année, fonction qu’il occupera jusqu’à la fin du pontificat de Léon XIII. Ce qui ressort de cette étude scrupuleuse, c’est que Rampolla fut un toujours fidèle exécutant de la politique de Léon XIII. Il n’a jamais eu de conflit majeur avec le Pape qu’il a servi. Certains même l’accusaient d’être en tout soumis à la politique du souverain pontife. Le catholique républicain Étienne Lamy dira qu’il fut le « ministre des rancunes ecclésiastiques contre l’unité italienne ». Il est certain que, comme Léon XIII, il ne renonça jamais à la restauration d’un pouvoir temporel pour le Pape, garant et condition de l’indépendance du Siège apostolique. Il fut aussi, selon l’expression de Jean-Marc Ticchi, « un promoteur de la démocratie chrétienne » ; non pas un soutien de ce qu’en France on appelait les « abbés démocrates » (de gauche), mais l’acceptation de « la démocratie comme forme de gouvernement possible » dans lequel l’Église pourrait exercer librement sa mission et les catholiques prendre part à l’action publique. La présentation de la pensée du cardinal Rampolla serait incomplète si on ne relevait son opposition à l’influence maçonnique. Jean-Marc Ticchi en énumère, tout au…