> DOSSIER n° 1843 « L’homme transformé, l’illusion d’un salut sans Dieu »
Sous des formes nouvelles, le totalitarisme poursuit son œuvre de domination. Né du rejet de l’héritage chrétien et de la volonté de refonder l’homme, il s’est recomposé dans les sociétés libérales contemporaines. Sans violence apparente, mais par l’idéologie, le contrôle social et le déracinement, il impose désormais une version de lui-même d’allure douce.
De nombreux auteurs se sont essayés à donner les traits caractéristiques du totalitarisme. Malgré des divergences, ils s’accordent généralement sur quelques points saillants. Le régime est révolutionnaire dans le sens où il rejette l’héritage civilisationnel traditionnel pour construire une société nouvelle où s’afficherait un homme régénéré. Il s’empare de tous les pouvoirs de telle manière que l’État contrôle les activités des citoyens ; il cherche donc à exercer une étroite surveillance de l’économie et à mettre sous tutelle les moyens de communication. Exaltant la force, il n’hésite pas à utiliser la violence policière. Enfin, il met en place une idéologie globalisante qu’il inculque à la population par l’éducation et la propagande. Cela lui permet d’obtenir le soutien de la masse dont l’adhésion repose cependant moins sur la conviction que sur son incapacité à se forger une opinion dissidente.
La Révolution française, matrice du totalitarisme
Quels régimes concrets peuvent être considérés comme totalitaires ? Si Hannah Arendt range le communisme et le nazisme dans cette catégorie, elle en exclut, contrairement à d’autres auteurs, le fascisme. Cela dit, peu d’analystes osent reconnaître que la première expérience du totalitarisme fut la Révolution française. Puisqu’elle consistait à mettre en place un nouvel ordre politique, la patrie fut assimilée au régime et le bien commun à l’intérêt de l’État. Le pouvoir chercha à diriger la vie économique en atomisant la société de telle manière qu’il n’y eût plus de corps intermédiaires capables de lui résister : spoliation de l’Église (novembre 1789) et des opposants au régime (février-mars 1794), suppression des communautés de métier (mars 1791), prohibition des coalitions dont la grève (juin 1791), vente des communaux (juin 1793), lois sur le maximum (en mai et septembre 1793)… La décision de détruire les tombes royales dans « toute l’étendue de la République » (août 1793) illustre parfaitement la volonté de déracinement de l’héritage civilisationnel. La Révolution chercha à détruire le catholicisme : interdiction des vœux monastiques et dissolution de la plupart des ordres religieux réguliers (février 1790), inféodation du clergé séculier par sa constitution…








