En ce 8 novembre, Journée Mondiale de la Radiologie, une radioscopie de l’incroyable vie du professeur Takashi Nagai prend tout son sens. Il y a les flashs des projecteurs et les rayons X des radiations, comment ne pas utiliser les premiers pour mettre en lumière les seconds ? Occasion de s’émerveiller devant le travail de Dieu dans l’âme de ce radiologue japonais hors du commun.
Le 8 novembre 1895, le physicien allemand Wilhelm Conrad Röntgen (1845-1923) découvrait l’existence des rayons X, ouvrant à la science contemporaine un nouveau domaine de prospection : celui de la radiologie. L’événement fut salué par la totalité de la communauté scientifique internationale et valut au chercheur méritant de recevoir, six années plus tard, le Prix Nobel de Physique.
De Maximilien Kolbe à la bombe A
La Journée Mondiale de la Radiologie nous donne aujourd’hui l’occasion de saluer un radiologue peut-être moins connu du grand public, dont l’histoire se révèle pourtant riche d’enseignements, tant moraux que spirituels. Les 6 et 9 août 1945, l’aviation américaine largua deux bombes atomiques sur les villes d’Hiroshima et de Nagasaki. Ces bombardements stratégiques, qui avaient pour fin première de précipiter la reddition sans condition du Japon, touchèrent soit intentionnellement, soit par malheur (les avis des historiens divergent à ce sujet), les deux plus vénérables chrétientés de ce pays évangélisé par les Jésuites dès 1549.
Or, à Nagasaki vivait un radiologue qui, par éducation familiale et compromis social, avait initialement établi sa vision du monde et de l’histoire humaine dans un mélange de médecine occidentale, de confucianisme, de shintoïsme et de culture traditionnelle, avant qu’un athéisme militant et pugnace ne synthétisât cet héritage dans un refus froid et conscient de toute transcendance.
Pourtant, à partir de 1928, Takashi Nagai (1908-1951) avait arpenté les sentiers escarpés de la conversion qui, au fil des deuils familiaux, de ses rencontres avec saint Maximilien Kolbe, de ses propres déceptions, de l’expérience de la surdité, de ses lectures de Blaise Pascal et de la divine liturgie, l’avaient conduit, le 9 juin 1934, aux sources régénératrices du baptême, et, par après, à un engagement sans limite au service des pauvres et des démunis.
Don de soi et recherche de Dieu
Au cours de la guerre, la quête philosophique et spirituelle de Takashi Nagai ne cessa de s’approfondir. Dans un monde en proie à la cruauté des hommes, la noblesse de cette âme toute habitée de Dieu resplendit. Le 26 avril 1945, un raid aérien sema la mort à Nagasaki et remplit les hôpitaux d’innombrables victimes ; jour et nuit, Takashi Nagai opéra, souffrant des rayonnements dont il connaissait la nocivité, volontairement, par amour de Dieu et du prochain. Cette exposition provoqua une leucémie qui lui coûterait la vie. Le 9 août 1945, lorsque la
bombe atomique tomba sur Nagasaki, il fut grièvement blessé mais continua avec une endurance héroïque son ministère auprès des victimes qui affluaient. Le 11 août, il retrouva l’emplacement de sa maison et les restes calcinés de son épouse. Le cœur débordant d’une puissante force surnaturelle, Takashi Nagai dédia alors sa vie à la prière, à la pénitence et au continuel renouvellement d’un pardon, fervent de tendresse et de confiance.
Quand la poésie japonaise se sublime au contact de l’évangile
« Pour notre humanité, héritière du péché d’Adam et du sang de Caïn, écrirait notre radiologue, pour notre humanité qui s’est tournée vers les idoles en oubliant sa filiation divine, pour que finissent toutes ces horreurs, ces haines et que fleurissent à nouveau les bénédictions de paix, il ne suffisait pas du repentir, il fallait un sacrifice extraordinaire afin d’obtenir le pardon de Dieu. (…)
Ce 9 août, en voyant les flammes détruire la Cathédrale, nous savions que dans ce sublime holocauste montaient déjà les premières lueurs d’espoir d’un nouveau monde de paix. Huit mille catholiques, dont les prêtres de la cathédrale, ont été sacrifiés. Tous généreux et fidèles dans leur foi. Combien sont-ils heureux d’avoir quitté la vie, l’âme pure, sans connaître la défaite ! »
La vie de Takashi Nagai, retracée avec une grande poésie par le mariste et écrivain australien Paul Glynn dans Requiem pour Nagasaki (1988), fut un vibrant témoignage des vertus chrétiennes de charité, de force et de générosité.
L’héroïque sacrifice du radiologue doit être interprété à la lumière de la mort ignominieuse du Christ sur la croix, merveilleuse réponse de l’infinie charité de Dieu au déferlement de la haine et de l’ingratitude. La radiologie a permis de mieux sonder le réalisme de cette sublime munificence, en dévoilant quelques secrets contenus dans le linceul de Turin, image très éloquente de la passion du Christ : la science ne produirait qu’une vaine illusion de connaissance si elle ne suggérait également un surcroit d’amour.