Rite de la chandeleur : du flambeau des lupercales à la lumière du Christ

Publié le 02 Fév 2023
chandeleur

Le 2 février, en commémorant la double solennité des relevailles de Notre-Dame et de la présentation de l’Enfant-Jésus au Temple, l’Église conclut liturgiquement la contemplation prolongée des mystères joyeux de l’enfance et de la vie cachée du Sauveur à Bethléem. La quarantaine de Noël, pleine de douceur et d’innocence, s’éteint peu à peu pour laisser place à la quarantaine austère et revigorante du carême, qui nous conduira bientôt de la crèche à la croix.

Plus communément, la solennité du 2 février reçoit le nom de Chandeleur, emprunté au latin, festa candelarum, et qui se réfère explicitement au vénérable usage de la bénédiction publique des cierges, en amont de la sainte messe.

Si l’on suit le rapprochement esquissé par de doctes écrivains, tels que le Cardinal César Baronius, le canoniste Louis Thomassin ou le théologien Adrien Baillet, cette pieuse tradition s’enracinerait dans une coutume païenne fort ancienne, les lupercales, dont on attribuait jadis l’institution à Évandre, roi légendaire de Pallantium quelque treize siècles avant notre ère.

Ces festivités se déroulaient au milieu du mois de février ; elles avaient pour mission principale de solenniser la fin de l’année civile et d’annoncer le nouvel an, alors fixé au 1er mars. Le peuple romain vouait en ce jour un culte pittoresque au dieu Faune, maître de la nature, et à ses émanations, nommées les luperques. Chacun était invité à accomplir une purification intérieure, matérialisée par un rite figurant, en des termes très rudimentaires, la mort et la renaissance de la nature.

Les prêtres sacrifiaient un bouc dans la grotte du Lupercal, située au pied du Mont Palatin, là même, croyait on, où la louve avait allaité Romulus et Rémus aux origines de Rome. Plusieurs mythes concurrents, tels que l’enlèvement de Proserpine ou le culte de l’ours, importé plus tardivement de la lointaine Scandinavie, venaient épaissir de mœurs licencieuses la liesse débridée des foules accourues. Enfin, au cours des lupercales, Rome, ses autorités et son peuple réalisaient le traditionnel Amburbium, tour complet des murailles de la cité qui visait à conjurer les menaces extérieures et les calamités du ciel.

Devant cette multitude désarticulée de croyances et de pratiques superstitieuses, considérant le danger objectif auquel était exposée la foi de l’Église naissante, le pape Gélase Ier interdit en 494 aux chrétiens de célébrer les lupercales ; il ordonna que le cortège gesticulant et sanguinolent des prêtres païens, fût remplacé par une procession annuelle, digne et fervente, qui, la nuit venue, sillonnerait désormais la capitale de la chrétienté à la lueur de simples flambeaux.

La distribution des cierges à laquelle le prêtre procède en ce jour constitue un discret rappel de ce fond mythologique et culturel extrêmement intense. Depuis le VII° siècle, les auteurs ecclésiastiques ont également rapproché les composantes du cierge du mystère de la maternité virginale de Notre-Dame. Ainsi, dans ses Narrations sur saint Luc, saint Anselme explique que la cire, ouvrage de l’abeille virginale, représente la chair du Christ ; la mèche, contenue dans la cire, l’âme immaculée du Sauveur ; la flamme qui la couronne, sa divinité.

L’Église ne manquant jamais d’associer la vie domestique aux grands moments de son cycle liturgique, la lumière figurant le Christ, d’abord portée par nos cierges, est ensuite symbolisée par les crêpes que l’on offre traditionnellement aux convives, en souvenir de la distribution qu’en fit le pape Gélase aux pèlerins et aux mendiants de la Ville Éternelle.

Telle la lumière fragile et vacillante de nos chandelles, le Christ, venu en plein cœur de la nuit sous les voiles de sa sainte enfance, s’avance à présent vers l’heure fatidique de sa manifestation au monde. Dans quelques semaines, nous l’entendrons proclamer la grandeur de sa mission au milieu des hommes, revendiquer à la face de la terre sa divinité et l’autorité indiscutable qu’il détient de toute éternité sur les êtres animés et inanimés de la création.

Il est la lumière qui illumine le monde ; il possède l’incessible pouvoir de nous arracher au sommeil de l’ignorance, de la mort et du péché qui semble avoir recouvert la terre de son ombre lugubre.

Puissions-nous en ce jour de la chandeleur, accueillir la lumière véritable et la conserver avec ferveur dans notre âme, pour qu’elle illumine notre intelligence et réchauffe notre cœur. Les cierges bénis aujourd’hui seront avec grand profit exposés dans nos maisons, où ils rappelleront la présence du Christ, s’ils ne sont offerts aux malades et aux mourants, comme une délicate consolation du Ciel.

A lire également : La chandeleur : le sens d’une fête

Chanoine de Guillebon +

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