Un prêtre a rendu son âme à Dieu le 14 mars dernier. La nouvelle n’a pas fait la Une des journaux, ni bouleversé le cours du monde. Pourtant, l’Église en France n’a pas été indifférente à ce retour à Dieu de l’un de ses serviteurs. L’abbé Cyril Gordien était curé de la paroisse Saint-Dominique à Paris.
Son testament spirituel a été largement diffusé et se trouve aisément sur la Toile. Il révèle une âme éminemment sacerdotale, entièrement tournée vers Dieu, non pas spécialement en raison d’une spontanéité naturelle, mais comme le fruit de la prière, de la méditation et de la souffrance.
Dans l’homélie de la messe d’inhumation, le père de Menthière semble avoir parfaitement résumé le prêtre qu’était son ami :
« ce n’est pas par les habits seulement que Cyril ressemblait à Jean-Marie Vianney, ni même principalement par une certaine assimilation physique, chevelure en moins, mais d’abord et avant tout par cette volonté d’être prêtre intégralement. Pas prêtre pour de faux, comme un fonctionnaire ecclésiastique, mais viscéralement prêtre, c’est-à-dire avide d’être pleinement à Dieu et aux âmes. »
Un prêtre à l’image du curé d’Ars
Nous avions donc un curé d’Ars au cœur même d’une ville qui ressemble plus à Sodome qu’à Jérusalem et nous l’ignorions. Pas tous, bien sûr, comme le prouve la foule présente à ses obsèques. Ainsi se vérifie une fois encore la parole de saint François de Sales sur « le bien qui ne fait pas de bruit ».
Et de fait, combien sont-ils en France ces prêtres que nous ne connaissons pas, dont personne ne parle et qui offrent chaque jour le sacrifice à Dieu et qui s’offrent eux-mêmes pour le salut des âmes qui leur sont confiées ?
Ils sont le reflet de Jésus souverain prêtre et quand on attaque le sacerdoce, comme c’est tellement le cas aujourd’hui au sein même de l’Église, c’est bien le Christ qui est à nouveau flagellé, moqué, persécuté, crucifié.
Faut-il s’en étonner ? Le père de Menthière répond en quelque sorte à cette question dans son homélie en citant le père Clérissac :
« Il faut savoir souffrir non seulement pour l’Église, mais par l’Église. »
Reste que derrière chaque souffrance il y a l’espérance de la Résurrection, comme nous le rappelle fort opportunément ces jours-ci le calendrier liturgique.
Mariage des prêtres
Parmi les nombreuses ruptures avec la Tradition de l’Église, les conclusions du synode allemand ont avancé une nouvelle fois la possibilité du mariage des prêtres. Comme un serpent de mer, cette idée hétérodoxe ne cesse d’être proposée comme devant résoudre la crise des vocations.
Jusqu’à la fin du monde, il faudra certainement rappeler qu’il n’y a pas d’autre prêtre possible que configuré au Christ.
Mais, à côté de ce rappel et de toutes ses conséquences, il n’est pas inutile de se plonger aussi dans… la littérature anglaise. Je relisais récemment l’un des volumes des Chroniques du Barsetshire, ce comté imaginaire né sous la plume d’Anthony Trollope (1815-1882).
Dans le roman intitulé Les Tours de Barchester, Trollope met en scène un ensemble de personnages de l’Église anglicane, depuis l’évêque Proudie jusqu’à son chapelain, M. Slope, en passant par l’archidiacre Grantly et d’autres membres du clergé. Comme il se doit, tous ces ecclésiastiques sont mariés ou comptent bien l’être un jour ou l’autre.
Et c’est ainsi que sans le vouloir, l’auteur met en lumière bien des aspects négatifs du mariage des prêtres, que l’on s’évertue à nous proposer comme une solution, par négation de la Tradition de l’Église, mais sans même voir les aspects strictement humains de cette proposition.
L’évêque Proudie est en effet sous la domination de son épouse qui assume pleinement à sa place le rôle de tête du diocèse. Son chapelain, pour entrer dans les bonnes grâces d’une femme convoitée, n’hésite pas à intriguer pour qu’un poste échoie au père, ecclésiastique lui aussi, de celle-ci. Enfin, à peine nommé à la tête d’une paroisse, un jeune clerc vit le drame intérieur d’un amoureux qui n’ose déclarer sa flamme plutôt que de s’occuper de ses ouailles.
Des situations très terre à terre et qui éloignent toujours plus des réalités spirituelles des hommes normalement dévoués à Dieu et aux âmes.
Seigneur, à qui irions-nous ?
La crise du sacerdoce n’est au fond qu’une crise de foi. La nôtre, trop tiède, trop mondanisée, pas assez tournée vers le Christ.
En ces jours où nous célébrons sa Résurrection, et alors que le testament spirituel de l’abbé Gordien nous rappelle la réalité profonde du sacerdoce catholique, nous ne pouvons que faire monter la prière « Seigneur, donnez-nous des prêtres, donnez-nous beaucoup de saints prêtres ». Sainte fête de Pâques à tous les lecteurs de L’Homme Nouveau.