Notre-Dame de Chrétienté marchera cette année en méditant sur le thème de l’Eucharistie pour son pèlerinage de Pentecôte, dont les inscriptions sont encore ouvertes. Explications avec Jean de Tauriers, président de Notre-Dame de Chrétienté.
Pour la 41ème fois, les pèlerins de Notre-Dame de Chrétienté chemineront de Paris à Chartres les 27, 28 et 29 mai prochains. Pourquoi avoir choisi pour thème « L’Eucharistie, salut des âmes » ?
La particularité de notre pèlerinage est notre attachement à la messe traditionnelle, au rite tridentin. Il nous semblait intéressant, en ces moments où nous sommes attaqués, et précieux spirituellement pour les pèlerins, de méditer sur l’Eucharistie, la présence réelle, qui est au cœur de notre attachement à la messe traditionnelle. Nous ne comparons pas les messes ; nous choisissons simplement la forme extraordinaire, et ce pour une raison de Foi.
Je vois chaque jour monter les inscriptions au pèlerinage, nous devrions certainement dépasser les 15000 cette année. Ces jeunes (car la moitié a moins de 20 ans) viennent chercher un enseignement de Foi et voient dans cette messe l’affirmation de la sacralité, de la transcendance de Dieu, la certitude de la présence réelle. Cela devrait être une incitation pour l’Eglise à réfléchir : voir combien les pratiquants catholiques fervents (nos pèlerins sont essentiellement pratiquants, et aux deux tiers en forme extraordinaire) exigent cet enseignement de l’Eglise qu’ils obtiennent par nos prêtres.
L’interdiction des messes publiques en 2020 a-t-elle joué dans ce choix ?
Oui, cela a été un véritable choc pour nous. Notre-Dame de Chrétienté est un carrefour : on y retrouve le monde Ecclesia Dei, mais aussi des communautés non traditionnelles, beaucoup de prêtres diocésains qui suivent leurs paroissiens et qui sont très heureux de venir. La frange conservatrice, même si je n’aime pas ce mot-là, va bien au-delà des ex-Ecclesia Dei : nous sommes nombreux à avoir eu la même incompréhension de l’interdiction de la messe publique.
Notre-Dame de Chrétienté s’est associée à un référé pour que l’on revienne sur cette interdiction, et on nous a donné raison. Interdire la messe alors qu’on peut faire ses courses, c’est du laïcisme, la laïcité exagérée de notre république. On n’en est même plus à la neutralité ou l’ignorance ; c’est de l’hostilité. Mais cet épisode nous a valu une communion, une union dans une espèce de réaction : ce besoin de la messe, de se confesser, car on vit de l’Eucharistie.
Notre-Dame de Chrétienté est certes un mouvement traditionnel, mais il réunit beaucoup de gens qui ont cette même conviction. Ce pèlerinage qui date de toujours, d’une grande ferveur et d’une grande jeunesse, accueille tout le monde. Je suis persuadé que cette année, comme d’habitude, nous serons obligés de fermer certaines catégories car il y aura trop d’inscrits, d’autant que nous assistons au retour des étrangers.
Un certain nombre de pèlerinages se sont d’ailleurs créés à l’étranger comme aux USA et en Australie, où ils prennent même le nom de « pèlerinage de Chartres » ! Nous soutenons ces pèlerinages qui reprennent nos piliers : tradition, chrétienté et mission, et nous sommes très heureux de les voir se développer.
Vous parliez d’attaques… Quelles sont les pressions à l’égard de Notre-Dame de Chrétienté ?
Tout vient de Traditionis Custodes en 2021. Il ne faut pas faire de généralisation ; certains évêques sont très amicaux et tiennent les mêmes positions que nous. Mais il est vrai que nous subissons des pressions épiscopales : on nous demande de nous normaliser, d’utiliser la liturgie moderne.
Or, la liturgie traditionnelle fait partie de notre raison d’être, de notre vocation. Toute une pédagogie s’inscrit autour de cette seule liturgie, nous le montrons cette année avec notre thème, en s’appuyant sur les éléments qui caractérisent la messe traditionnelle : le sacrifice propitiatoire, le sacerdoce du prêtre… Nous insistons sur ces points du catéchisme et nous utilisons la messe traditionnelle pour éclairer tout ce qui caractérise la messe catholique.
Vouloir changer de liturgie, c’est supprimer un des charismes du pèlerinage de chrétienté. Pourtant, il existe d’autres pèlerinages, ce n’est pas la peine de changer ce qui fonctionne. On le voit au nombre de vocations qui fleurissent chaque année, il est très imprudent de vouloir mettre une telle pression. D’autant que cela embête les malheureux organisateurs…
Cette amitié de certains évêques se concrétise-t-elle cette année ?
Oui, nous avons obtenu l’autorisation de Mgr Ulrich, archevêque de Paris, pour que l’abbé Durodié, curé de Saint-Eugène à Paris, dise la messe à Saint-Sulpice le samedi à 6h45 du matin, le rendez-vous des pèlerins est à 6h du matin.
Mgr Christory, l’évêque de Chartres assistera à la messe célébrée dans sa cathédrale le lundi par Mgr Gullickson, ancien nonce apostolique américain en Ukraine et en Suisse.
Mgr Rougé nous fait l’amitié d’accueillir les pèlerins comme chaque année le samedi sur son diocèse des Hauts-de-Seine. C’est lui qui nous a célébré la messe de préparation au pèlerinage.
Ce sont des gestes très amicaux.
Comment s’organise l’aumônerie du pèlerinage ? Qui prépare les méditations ?
Notre aumônier général est l’abbé de Massia, de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre. Il chapote un réseau d’aumôniers régionaux qui correspondent aux régions de Notre-Dame de Chrétienté. C’est une sorte de binôme entre le temporel et le spirituel : le chef de région et l’aumônier chef de région. NDC est une association de laïcs, avec une aumônerie. Nous faisons ainsi une distinction, comme la relation entre l’Eglise et l’État : ni séparation, ni fusion. C’est une organisation qui fonctionne bien. Les prêtres sont nombreux à nous accompagner.
Pour les méditations, ce sont les communautés ex-Ecclesia Dei qui nous suivent et nous accompagnent spirituellement, sous la baguette de l’abbé de Massia. On répartit les thèmes et les contributions plus d’un an à l’avance : nous avons déjà demandé aux communautés pour l’année prochaine.
Il y a ensuite tout un travail de réécriture pour adapter la méditation à la situation du pèlerinage. Les chefs de chapitre doivent s’approprier les méditations, ils peuvent les lire sur un ton adapté à la marche : on est là pour travailler, physiquement et intellectuellement. Les textes sont alternés avec des temps de silence, des chants et des temps d’amitié. Pour préparer les chefs de chapitre à cette mission, nous organisons des récollections en début d’année afin de leur présenter le thème et de les former.
L’année du pèlerin commence d’ailleurs même en octobre à Fontgombault, puis nous avons une journée d’amitié chrétienne (cette année le colloque sur la messe traditionnelle du 24 septembre), et enfin les récollections de préparation au thème.
C’est tout un cursus qui fait que le chapitre peut rester mobilisé toute l’année comme celui de Saint-Lazare, Missio, Sainte Madeleine et tant d’autres (il y a plus de 300 chapitres !) C’est ainsi qu’on garde le rythme de la marche du pèlerin toute l’année.
Certains chapitres de Notre-Dame de Chrétienté sont spécifiques… Comment chacun est-il appelé à vivre le thème de cette année ?
Nous avons en effet le chapitre des Anges gardiens qui sont unis au pèlerinage. Il s’agit de personnes qui ne peuvent marcher avec nous, de malades, de prisonniers, qui forment une grande chaîne de prière pendant le pèlerinage dans le monde entier (nous avons même un chapitre à l’Ile-Maurice !) Ils ont exactement les mêmes méditations que les marcheurs.
Un autre chapitre qui a une vocation particulière et auquel je tiens beaucoup est celui des pèlerins d’Emmaüs. Ils sont une trentaine de personnes, et ont pour rôle d’aller vers les gens qui nous voient passer dans leurs villes et villages afin d’évangéliser, de leur expliquer ce qu’on fait, de prier avec eux, de les inviter à marcher avec nous… Ils sortent donc du pèlerinage pour former une bulle autour de la colonne, et aller voir les gens, notamment pendant la messe à Chartres.
Ces pèlerins du chapitre Emmaüs ont été formés sur le thème du pèlerinage mais l’exercice particulier qui est le leur les oblige à aborder avec les gens qu’ils rencontrent les principales questions que ces derniers se posent : l’existence de Dieu, les mystères de la sainte Trinité, de l’Incarnation… Ils ont donc un aumônier spécial pour eux, ils sont bien préparés, choyés et encouragés.
Je trouve ce chapitre très important pour parler du Bon Dieu à ceux qui nous voient marcher, et je pense qu’il faudrait que les cadres de NDC puissent tous faire un passage à Emmaüs et avoir cette expérience difficile d’aller aborder les gens. Cet entraînement missionnaire est au cœur du grand objectif de NDC.
Notre-Dame de Chrétienté a produit une vidéo pour expliquer la spécificité de la messe traditionnelle. Le pèlerinage est-il l’occasion pour certains de la découvrir ?
Nous avons une équipe d’ambassadeurs qui nous représentent dans les médias, qui aiment parler de leur histoire au pèlerinage. Ils ont environ 20 ans et ils expliquent pourquoi ils sont là. C’est la meilleure façon de présenter ce que l’on fait : ces pèlerins en parlent avec leurs mots. C’est très intéressant, et très représentatif !
Grâce à eux, nous avons environ un tiers des pèlerins qui viennent découvrir, et qui reviennent les années suivantes. Beaucoup sont de tous récents convertis, ou des revenants à l’Eglise. Nos 300 chapitres représentent une très grande variété de profils.
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