Le Père Michel Viot répond à Hans Küng

Publié le 20 Nov 2009

Le 29 octobre dernier le théologien contestataire Hans Küng publiait dans Le Monde une Tribune dans laquelle il s’en prenait au Pape. Ancien « évêque luthérien », devenu prêtre de l’Église catholique, le Père Michel Viot lui répondait dans le texte que l’on va lire ci-dessous. Envoyé au Monde, ce texte n’a jamais paru. Il n’est pas trop tard pour le donner à lire. Nous remercions le Père Viot de sa confiance.

Le dépit, comme la colère n’élèvent pas la pensée humaine. L’un comme l’autre l’abaissent et cela est d’autant plus navrant quand il s’agit d’un esprit cultivé. Hans Küng, puisque c’est de lui qu’il est question, a écrit dans « Le Monde » du 29 octobre un article plus que déconcertant. Je passe sur les gros titres parce qu’ils ne sont peut-être pas de l’auteur, mais ils résument bien sa pensée. Je relève cependant que le qualificatif de moyenâgeux donné au Pape ne renvoie pas aux belles cathédrales, témoins d’une foi chrétienne vivante et brillante. Hans Küng se réfère à cette époque comme les philosophes des lumières qu’il doit sans doute préférer à Saint-Thomas d’Aquin. Pour certains intellectuels antichrétiens du XVIIIème siècle « moyen âge » était synonyme d’obscurantisme, de dogmes figés, d’esclavage, de domination de la raison par la superstition et pour le Pape, de pouvoir tyrannique. Quand on connaît l’œuvre de celui qui fut le Cardinal Joseph Ratzinger et ce qu’est et fait Benoît XVI depuis son élévation à la chaire de Pierre (et ce lors d’un conclave de moins de 48 heures ! L’élu étant très connu pour ses options théologiques) force est de constater qu’Hans Küng met à côté de la plaque. D’ailleurs pour donner quelque crédibilité à son propos, il est contraint d’utiliser dès la première phrase et en fait dans tout ce qui constitue sa première partie des mensonges énormes. Comment peut-on écrire quand on est un théologien de la culture d’Hans Küng que Benoît XVI a heurté de front les juifs, les musulmans, les protestants et les catholiques réformistes ? Pour les juifs, est-ce la prière du vendredi Saint dans sa forme extraordinaire qui évoque la possibilité de la conversion ? Qui pourrait sérieusement reprocher à un Pape de souhaiter un jour pareil que le Peuple Élu reconnaisse son Messie ? Pour les musulmans, est-ce encore l’affaire de Ratisbonne qui est remise sur le tapis ? La question du sens du jihad devait être posée, beaucoup de musulmans ont été reconnaissants au Pape de l’avoir fait après qu’il s’est expliqué. Dans un premier temps, en effet, l’information avait été déformée sans que le Saint Père y fût pour quelque chose ! En témoignent d’ailleurs le voyage triomphal fait quelques jours après en Turquie et la démarche des 150 intellectuels musulmans pour ouvrir un dialogue avec Rome, lequel se passe avec bonheur sous la direction du Cardinal Tauran. Quant aux protestants, je ne vois pas en quoi il a pu les offenser depuis qu’il est Pape ? Je rappelle de plus qu’avant son élection, il a travaillé efficacement à la signature de la Déclaration commune sur la justification par la foi. Restent les catholiques qu’Hans Küng appelle réformistes. Le conclave de 2005 a réglé la question en élisant le Cardinal Ratzinger. Et il y a eu un vote ! Ce qui devrait plaire à Hans Küng sur le principe, car bien évidemment sur le fond se sont ses idées qui ont été battues. Et là se trouve une des sources du dépit que j’évoquais au début de cet article, dépit qui réapparait quelques lignes plus loin quand il évoque la mise au placard de ses idées en matière d’œcuménisme avec les anglicans.

Mais je reviens au début, en évoquant « les rangs clairsemés de l’Église catholique ». Hans Küng ne se pose aucune question sur sa part de responsabilité par rapport à cette situation, car il a été une grande voix du catholicisme réformiste écoutée et suivie avec les résultats que l’on sait ! Non il préfère encore tirer à boulets rouges sur le Pape avec un mensonge encore plus énorme que les premiers : la « réintégration » des disciples de la fraternité Saint Pie X ! À qui fera-t-on croire qu’Hans Küng ignore la différence entre une levée d’excommunication et une réintégration, dont le moins qu’on puisse dire c’est qu’elle est mal engagée pour les évêques Tissier de Malleray et Williamson.

            Je me suis attardé sur les préliminaires de ce qui fait « le corps du délit » et a provoqué l’ire d’Hans Küng pour faire comprendre pourquoi je ne m’attarderai pas sur le rapprochement avec les anglicans qui est en train de s’opérer. Car la réponse est simple : Benoît XVI réussit là où Hans Küng a perdu. Voilà ce qui ne passe pas pour notre théologien contestataire d’où une façon de raconter l’affaire anglicane, de la même veine que son introduction, un mauvais roman policier où l’on voit un Pape machiavélique convertir de pauvres anglicans sans qu’ils s’en aperçoivent !

            Le fait que Rome ait accepté l’hymnologie anglicane, le prayer book dans sa dernière version révisée aux États-Unis et probablement la messe anglicane « haute église » avec quelques retouches, tout est passé sous silence, d’une part parce que cela montre l’ouverture d’esprit du Pape actuel et d’autre part l’authenticité du désir de certains anglicans de rejoindre l’Église catholique tout en conservant certaines de leurs traditions. C’est encore une belle et bonne œuvre à mettre à l’actif de Benoît XVI. En revanche, Hans Küng lance des accusations non fondées en faisant paraître l’Archevêque anglican de Canterbury comme un benêt qui se serait laisser duper par son collègue catholique de Westminster et affirme toujours sans preuve que les prêtres anglicans devenus catholiques seront toujours considérés comme de seconde zone, et tout est de la même encre… Aussi pour faire bref et ne pas donner à ce texte plus d’importance qu’il n’en a, je laisse Hans Küng avec sa dernière phrase où il se permet de juger ainsi son Église, car il en est prêtre tout de même ! « Le désir de pouvoir de Rome divise la chrétienté et nuit à l’Église ». Il ajoute « un vrai drame ! » Oui, c’est un vrai drame qu’un prêtre catholique, théologien de renom puisse porter sur son Pape et son Église un pareil jugement, litanie bien connue des anticatholiques de tout poil et de toutes les époques qui n’ont jamais accepté que dans la foi catholique et conformément à la promesse du Christ à Pierre : Rome soit Rome.

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