Foi et art : rencontre avec Claire S2C, une illustratrice catholique

Publié le 02 Juin 2025
À l’occasion de la sortie de ses nouvelles cartes postales intitulées « Qui sème du love… », Claire S2C, illustratrice, auteur de BD et graphiste, nous livre ici son parcours d’artiste en tant que chrétienne. Avec plus de 21 000 abonnés sur Instagram, cette jeune trentenaire parvient à toucher les cœurs en mettant son art au service du sacré. 

 

| Quel a été votre parcours professionnel ? 

Depuis toute petite, le dessin est une évidence. Au lycée, j’ai suivi la filière littéraire et pris comme option art plastique. Ensuite, je suis allée en école d’art, mais la façon d’enseigner ne m’a pas plu. On rabaisse les gens afin qu’ils donnent le meilleur d’eux-même. Plutôt que de m’encourager, cela m’a davantage démotivée. J’ai poursuivi mes études en école de négociation de l’art. Adorant les salles de vente, je pensais en faire mon métier, mais il se trouve qu’après je n’ai pas trouvé de travail directement. Je me suis aperçue que pour œuvrer dans les galeries, il fallait savoir parler anglais, je suis donc partie en Angleterre pour apprendre à parler la langue, j’y ai passé deux ans.

En rentrant en France, j’ai trouvé du travail à Lyon, pour le site Artprice, un site qui recense tous les codes et indices des artistes dans le marché de l’art. C’était captivant, j’y suis restée trois ans. Je suis ensuite remontée sur Paris pour me marier et ai trouvé un travail dans la mode. L’expérience a été difficile, marquée par le harcèlement. Tous les soirs, je pleurais à l’idée de retourner travailler. Je ne suis pas partie tout de suite parce que je ne voulais pas laisser mon mari assumer un loyer parisien à sa seule charge. J’ai donc continué à travailler et j’ai fait un mini burn-out.

Je passais mon temps à dessiner au travail pour aller mieux : comme quoi, ce qui vous anime revient naturellement. Puis une fois la période d’essai terminée, je me suis dit qu’aucune occupation au monde ne méritait pas qu’on y sacrifie sa santé. Je suis partie, et j’ai commencé à alimenter un blog sur internet, ce nouveau projet a été couronné de succès. 

| Qu’est-ce qui vous anime dans l’art ? 

Ce qui est amusant, c’est que les artistes sont tous très différents, on a chacun notre façon de procéder. Pour ma part, j’aime bien que ma pratique soit porteuse de sens. J’aime bien avoir un art militant, dans le sens où j’aime transmettre des messages forts. Je cherche à provoquer quelque chose chez les autres : un rire, une réflexion… C’est d’ailleurs pour cette raison que je me suis retrouvée à travailler sur mon projet de carte postale, « Qui sème du love… ». J’aime toutes les illustrations que je produis, mais j’ai décidé, aussi pour l’aspect commercial, de vendre celles qui ont été le plus appréciées sur les réseaux sociaux. 

| Comment en êtes-vous venu à produire un contenu exclusivement catholique ? 

À la base, je voulais justement ne pas être étiquetée « catholique », parce que dans le milieu professionnel, ce n’est pas forcément ce qui plaît. Je faisais donc des illustrations assez neutres. Puis, chassez le naturel et il revient au galop. J’aime partager ce que j’aime, c’est donc spontanément que j’ai commencé à produire des contenus religieux. Je me suis dit, à juste titre, que si des gens ne voulaient pas travailler avec moi à cause de ma religion, je n’avais pas envie de travailler avec eux non plus, donc au final, on est tous gagnants.

J’ai remarqué que ces dernières années, il y a eu un réel tournant, peut-être avec le pape François. C’est presque devenu fashion d’être chrétien. Avant, vous postiez un contenu catholique, vous passiez pour quelqu’un de ringard. Maintenant, notamment avec des posts sur la Sainte Vierge, vous êtes grandement apprécié. Je pense que beaucoup de personnes sont en souffrance et recherchent ce côté très maternel dans la Sainte Vierge. Mon contenu qui a le plus été apprécié jusqu’ici est le post sur les dizaines. J’ai fait un simple tutoriel pour prier le chapelet, étape par étape, et ça a étonnamment beaucoup plu.

Je trouve que les gens sont d’ailleurs de plus en plus en recherche de sens. L’être humain est un être spirituel, il a besoin d’un cadre dans lequel exercer sa spiritualité. Je pense que tout le monde s’est aperçu que les promesses de mai 68 ne menaient pas au bonheur. 

 

| Comment en êtes-vous venu à illustrer des citations bibliques ? 

Fut une période où c’était à la mode de faire des calendriers de l’Avent pour faire gagner des cadeaux. Je me suis fait la réflexion selon laquelle cette tendance n’avait en fait aucun sens. Logiquement, c’est nous qui sommes supposés faire un cadeau à Jésus, et pas l’inverse. On fait des cadeaux parce que justement on se réjouit de sa naissance.

J’ai donc pris le contrepied de ce qui était fait. Je me suis mise à dessiner pour le carême. Néanmoins, un dessin par jour, c’est une tâche très ardue, j’ai donc fini par illustrer des citations inspirantes. Cela doit faire maintenant 7 ans que j’ai commencé à illustrer de cette façon. 

 

| Y a-t-il des figures qui nourrissent votre foi au quotidien ? 

J’aime énormément plein de saints, mais il y en a deux qui me viennent spontanément à l’esprit. D’un côté, il y a le saint Curé d’Ars. J’admire le fait que malgré sa pauvreté, tout ce qui était pour le bon Dieu était magnifique. Le diable lui a aussi rendu visite pas mal de fois, ce que je trouve impressionnant. Être tellement saint que le diable, n’ayant plus d’autre prise, est contraint d’aller molester physiquement, tandis que nous, un rien peut nous faire tomber. Il passait son temps à confesser les gens jusqu’au bord de l’épuisement. J’ai beaucoup d’affection pour lui.

D’un autre côté, il y a saint Jean Bosco. Ce qui m’a beaucoup touché, c’est qu’il s’occupait beaucoup de jeunes. Il a essayé de récupérer tous les jeunes qui étaient dans la rue pour en faire des personnes honnêtes et travailleuses. Il s’abandonnait beaucoup à la Providence. À l’époque, il avait besoin de 300 000 livres pour construire une école, mais lui, il n’avait que 2 livres en poche. Il rassurait son maître d’œuvre en lui disant de ne pas s’inquiéter car l’Esprit Saint pourvoira. Et ce fut le cas. Cette histoire me touche particulièrement parce que je trouve que c’est de cette façon qu’on devrait vivre, en s’abandonnant réellement à la Providence de Dieu. 

 

| Comment votre foi habite votre travail ? 

J’essaie toujours de commencer ma journée de travail en récitant mon chapelet. Je suis aussi dans une relation où je m’abandonne réellement à l’Esprit Saint. Si quelque chose d’important doit passer, l’Esprit Saint saura le faire passer.

Il y a un dessin en particulier qui est le fruit de ma prière, c’est celui du Christ en Croix avec une petite dame sur un escabeau qui dit « merci… pardon… ». Celui-là a été particulièrement apprécié. En fait, j’étais en train de prier l’évangile du jour, qui était sur la souffrance, et j’ai vraiment eu cette image-là en tête. À la fin de ma prière, j’avais une urgence à dessiner. J’avais peur que ce dessin soit un peu irrévérencieux puisqu’il m’illustre dans les bras du bon Dieu. Mais au contraire, ce dessin a beaucoup plu.

Je ne me dis pas que c’est mon génie, mais, au contraire, je me dis que c’est l’Esprit Saint qui s’est servi de mon pinceau pour faire passer un message. Et cela arrive souvent. À l’image de Mère Teresa qui essaie d’être un tuyau pour laisser passer les grâces. Je pense qu’on est d’ailleurs, chacun à notre façon, un genre d’intermédiaire, et que par nos talents différents, on peut laisser passer le Souffle divin. La beauté n’en est que renforcée. En tant que chrétienne, je pars du principe que les talents sont donnés par le Seigneur.

D’ailleurs, ma plus grande peur, c’est de ne pas me servir du talent que Dieu m’a donné pour le mettre à son service. Je me suis beaucoup questionnée sur le chemin que je devais prendre pour me mettre au mieux au service de l’Éternel. Aujourd’hui, je suis sereine par rapport à cela. 

 

| Est-ce qu’il y a des peintres qui vous inspirent ? 

Joseph Mallord William Turner (1775-1851) est mon peintre préféré. Il arrive à faire passer l’émotion par la couleur, et il en est un des précurseurs. J’ai aussi toujours adoré les impressionnistes. Il y a eu une période où j’aimais beaucoup Pierre Soulages (1919-2022), un peintre contemporain qui fait du noir. Ce qui est curieux chez lui, c’est qu’on arrive presque à voir les couleurs. En fait, en général, j’aime quand on essaie de faire passer des choses par son art, par des biais originaux.

J’ai aussi une passion pour les dessins d’animation d’Hayao Miyazaki. C’est un des rares qui continue à faire les clichés à la main. Les asiatiques sont animistes, donc ils ont une façon poétique de représenter les lieux, la nature. Il y a aussi Margaux Motin. Je m’étais dit que je voulais être la Margaux Motin version catholique. On retrouve aussi plein d’artistes chrétiens sur les réseaux sociaux, comme Augustin Frison-Roche. 

 


Qui sème du love…, Claire S2C, Éditions de l’Emmanuel, avril 2025, 19,90 €.

11 CARTES QUI SEME 3D 2 1719x2048 1 Claire S2C

 

>> à lire également : Corentin Dugast : une mission numérique inattendue 

 

Nora Feilman

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