Hasard des dates, trois événements touchant à l’Église viennent de se télescoper. Il n’est peut-être pas inintéressant de les évoquer, d’autant qu’ils ont un rapport avec la Tradition de l’Église.
Le premier concerne une rencontre qui a eu lieu le 19 mai dernier au Vatican au sujet de l’encyclique Humanae vitae de Paul VI. Ce texte pontifical, publié en 1968, rappelait avec clarté la doctrine de l’Église concernant les relations conjugales. Dans le contexte de l’époque, celui de la « libération » sexuelle, il était apparu comme particulièrement provocateur en soulignant le lien intrinsèque entre sexualité et procréation.
Vider la Tradition de son contenu
Où en est-on aujourd’hui ? Comme pour beaucoup d’autres aspects liés à la doctrine traditionnelle, l’enseignement d’Humanae Vitae n’est pas nié frontalement. Il est relativisé par le droit donné à des opinions contraires, de la part de ceux même qui, par état et par devoir, sont censés l’expliquer, le répandre et, au besoin, le défendre.
C’est ainsi que le vendredi 19 mai dernier, Mgr Paglia, président de l’Académie pontificale pour la Vie, a estimé que si la pilule apparaissait comme « le mal absolu » dans les années 1960 :
« aujourd’hui, nous sommes confrontés à des défis encore plus grands : la vie de l’humanité entière est en danger si nous n’arrêtons pas la spirale des conflits, des armes, si nous ne désamorçons pas la destruction de l’environnement. »
Avec l’assurance sucrée d’une bonne conscience cléricale dans le plus mauvais sens du terme, le président de l’Académie pontificale pour la Vie met sur le même plan deux réalités différentes.
Il s’exprime par ailleurs comme si hier, en pleine guerre froide, les théologiens ne s’intéressaient pas aux problèmes liés aux conflits (je pense ici notamment aux travaux en théologie morale sur l’arme nucléaire).
Et, comme si aujourd’hui, la pilule, installée dans les pratiques et répandue bien plus que dans les années 1960, ne restait pas un mal au regard de la nature humaine et de la vérité des relations conjugales.
Déclassement du catholicisme et abandon de sa Tradition
Le deuxième des faits portés à notre attention ressort d’une analyse de l’historien Guillaume Cuchet, publiée dans La Croix du 22 mai dernier. S’appuyant sur l’enquête Trajectoire et origine de l’Insee, il remarque le déclin du catholicisme au sein de la population des 18-59 ans.
Seulement 25 % d’entre eux se déclarent aujourd’hui catholiques contre 43 % il y a douze ans. Dans le même temps, les « sans-religion déclarés » sont passés de 45 à 53 % et les protestants évangéliques continuent de progresser.
Même chose d’ailleurs du côté de l’islam (de 8 à 11 %), « moins par conversion d’éléments extérieurs, explique encore Cuchet, que par reproduction de l’identité et de la ferveur à l’intérieur du monde musulman. »
Cette enquête comporte bien d’autres enseignements, notamment sur le poids religieux de l’immigration, sur la ferveur et la tendance de plus en plus identitaire du monde juif français ou sur l’efficacité du prosélytisme.
Guillaume Cuchet tire aussi un constat à propos du catholicisme français : « un déclassement annoncé qui, étrangement, suscite peu de commentaires dans l’Église, comme si les évêques, sonnés par la crise des abus sexuels, ne savaient qu’assister, muets et impuissants, à l’effondrement. »
La jeunesse de la Tradition
Au relativisme doctrinal, au manque de transmission des vérités de la foi et des pratiques qui vont avec, ce que la sociologie traduit par le qualificatif d’« identitaire », au doute qui ronge et qui assèche, à la tiédeur qui bloque l’ardeur missionnaire, un troisième élément apporte une réponse de fond et de fait.
Un peu plus d’une semaine avant qu’il ne se déroule, le traditionnel pèlerinage de Notre-Dame de Chrétienté a dû fermer les inscriptions pour la première fois depuis quarante ans.
La raison ? 16 000 personnes avaient été enregistrées, atteignant la limite raisonnable en termes d’accueil des pèlerins et de respect des mesures de sécurité. On a vu devant ce chiffre une réponse directe à Traditionis Custodes qui tend à limiter drastiquement l’accès à la liturgie traditionnelle.
Il y a plus ! Il y a notamment l’expression d’une soif pleine et entière de la vérité catholique, des supports de celle-ci, de la volonté, dans un monde devenu a-catholique, de retrouver les fondements permettant de relancer la mission.
Il y a peut-être ailleurs des regroupements de jeunes catholiques aussi importants. Il n’y en a pas qui s’appuient ainsi sur trois piliers qui semblent aujourd’hui indispensables pour l’Église entière : Tradition, chrétienté, mission.