L’euthanasie a soufflé ses dix bougies en Belgique

Publié le 19 Avr 2012
L'euthanasie a soufflé ses dix bougies en Belgique L'Homme Nouveau

L’argument dit de la pente glissante entraîne sur des sentiers difficiles. Il entend faire valoir l’application ou l’interdiction d’un principe en invoquant ses hypothétiques conséquences. Il consiste par exemple à dire qu’il ne faut pas légaliser l’euthanasie et le suicide assisté en France car les dérives seraient sans aucun doute inévitables et nombreuses, de la grand-tante piquée en douce au beau milieu de la nuit au jeune homme désespéré qu’une rupture amoureuse et la varicelle ont convaincu d’avaler quelques grammes de barbituriques. A moins d’être devin, d’hypothétiques conséquences peuvent être invoquées mais restent un bien faible argument. Par chance, le collectif promoteur des soins palliatifs Plus digne la vie a publié un bilan des 10 ans de légalisation de l’euthanasie en Belgique qui offre aux Français un aperçu de ce qui pourrait bien leur arriver. Car nos amis du grand Nord ont une civilisation semblable à la nôtre sur le plan des mœurs, à quelques kilos de frites et litres de bière près, et l’euthanasie à la française pourrait bien ressembler à l’euthanasie à la belge.

Des chiffres qui arrivent fort à propos en ces périodes électorales…

seringues euthanasie

Une vingtaine de médecins et infirmières favorables à l’euthanasie ont bien voulu répondre aux questions du Collectif, au regard des trois objectifs qui justifiaient à leurs yeux la légalisation de l’euthanasie : supprimer les euthanasies clandestines, réserver cette pratique au seul médecin et garantir la mise en œuvre de la volonté du patient.

Ce bilan donne un aperçu de l’état d’esprit belge sur la question plutôt que chiffres et statistiques qui suffisent trop souvent à satisfaire notre curiosité. Parmi les nombreux sujets abordés, plusieurs questions se posent, qui doivent retenir notre attention, à propos des euthanasies clandestines. Elles sont bien évidemment impossibles à chiffrer puisqu’elle sont, par définition, pratiquées plus ou moins secrètement. Les professionnels de santé interrogés sont malgré tout unanimes pour dire qu’elles n’ont pas disparu, quoiqu’elles soient beaucoup moins fréquentes. Pourquoi faire fi de la loi quand elle encadre de telles pratiques ? Le bilan indique plusieurs raisons parmi lesquelles l’envie de ne pas s’encombrer des paperasses requises pour injecter la dose mortelle, l’envie de faire vite… ou de se passer de la volonté d’un patient qui prendrait trop de temps pour passer l’arme à gauche.

Les réponses de certaines des personnes interrogées révèlent le bouleversement moral qui veut que le mal soit l’illégal. Ce qui serait criminel ne serait pas tant d’euthanasier que de le faire hors du cadre légal. Il en est même plusieurs pour expliquer que ce sont encore parfois des infirmiers et infirmières, plutôt que le médecin, qui pratiquent ces euthanasies et que c’est cela qui est criminel.

Nous sommes bien évidemment dans la logique qui avait conduit à la légalisation de l’avortement, encadré par la loi pour n’être plus pratiqué dans des conditions d’hygiène inacceptables.  En somme, il s’agit de tuer proprement et peut-être que nous aurons bientôt la chance de pouvoir violer proprement et légalement.

En attendant, l’euthanasie, fleuron de la revendication libertaire et de l’exaltation de la liberté du patient, se trouve paradoxalement être à la merci de l’Etat et de sa juridiction en même temps que du personnel soignant. La liberté chérie des « piqueurs » de mourants et des mourants « piquophiles » en a pris un sacré coup.

Adelaide Pouchol

Adelaide Pouchol

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