Sainte Jeanne d’Arc : un message de liberté pour notre époque

Publié le 20 Fév 2024
jeanne d'arc
Professeur d’histoire, animateur de radio, en charge des Nuits de l’Histoire à l’Institut catholique de Vendée (Ices), Éric Picard a dirigé le nouveau hors-série des éditions de L’Homme Nouveau qui vient de paraître. Il revient sur le choix du personnage de Jeanne d’Arc comme thème de ce hors-série.

 

 

L’Homme Nouveau a déjà publié un hors-série Ils ont écrit sur Jeanne d’Arc. Que vient ajouter celui que vous avez dirigé ?

En effet, j’ai d’ailleurs beaucoup utilisé cet ancien hors-série constitué de textes sur le personnage de Jeanne d’Arc, du XVe au XXe siècle, choisis selon une certaine logique. Ce nouveau hors-série apporte tout le contexte historique mais aussi la dimension religieuse, politique et militaire de Jeanne d’Arc. Il y a d’autres éléments que la postérité littéraire : nous nous attardons sur le cinéma et nous reprenons dans le détail le dossier Thérèse de Lisieux-Jeanne d’Arc et ajoutons bien sûr l’immense Péguy, auquel nous consacrerons notre Nuit de l’Histoire en avril 2024. 

 

Ce hors-série n’est pas votre premier travail sur le personnage, vous avez notamment organisé une Nuit de l’Histoire à l’Ices… Pourquoi vous intéressez-vous à cette jeune sainte ? 

Pour commencer, je suis lorrain et vosgien, comme Jeanne d’Arc. À l’université de Nancy, beaucoup de gens remarquables travaillent sur elle. Je suis très sensible à son personnage, j’aime marcher sur ses pas lors du pèlerinage Domrémy-Vaucouleurs. 

Ensuite, comme prolongement naturel de cette attirance, j’ai organisé une Nuit de l’Histoire sur la Pucelle à l’Ices, où je suis professeur. L’Ices me demande chaque année depuis plusieurs années une Nuit de l’Histoire sur un personnage remarquable qui a eu un rôle dans l’histoire. Nous proposons ainsi à nos étudiants des héros positifs comme Jean-Paul II, Soljenitsyne… et Jeanne d’Arc. Nous avions choisi cette figure car sa vie publique commence à 17 ans, jusqu’à sa mort à 19 ans ; elle a donc l’âge de nos étudiants. De plus, c’est une jeune fille, et une laïque qui a eu un rôle très important au nom de sa foi. 

 

Que faut-il retenir de ce personnage hors norme ? 

Je diviserais sa vie en trois étapes : sa vie cachée d’abord, dans sa famille, lorsqu’elle entend les Voix. Puis son départ : la chevauchée de Jeanne chef de guerre en 1429-1430. Elle cherche avant tout la paix dans sa mission de faire sacrer le dauphin Charles VII à Reims pour qu’il devienne roi légitime par la grâce de Dieu. Enfin, en 1431, sa capture à Compiègne et son procès admirable. Je l’ai relu dans ses trois versions (ancien français, latin et français) : ce procès permet d’entendre Jeanne d’Arc car ce sont vraiment ses paroles ! Qui ont d’ailleurs inspiré la littérature. Il se termine par une condamnation à mourir sur le bûcher.

HS jeanne jeanne d'arc

Le sous-titre du hors-série est Une jeune sainte pour notre temps. Quelle est l’actualité de Jeanne d’Arc après six cents ans ? Et quel exemple peut-elle être pour la jeunesse ?

Jeanne est toujours très actuelle et peut parler aux jeunes. Notre Nuit de l’Histoire fut un remarquable succès car faire découvrir Jeanne d’Arc dans ce qu’elle a de merveilleux et fantastique a suscité l’enthousiasme des étudiants. La devise de l’Ices est « le courage d’être libre ». Or, s’il est indéniable que Jeanne d’Arc est très courageuse, elle est aussi d’une liberté extraordinaire que l’on pourrait appeler la liberté des enfants de Dieu : elle est libre par rapport à sa famille (elle a désobéi à son père), elle n’a pas peur des seigneurs et même du roi ! Et son procès montre une véritable liberté de parole. 

Ensuite, la Pucelle peut répondre à des jeunes assoiffés d’idéal. Elle sert sa patrie, son Dieu, sa foi, jusqu’au don suprême d’elle-même. C’est ce qui la rend héroïque à travers les siècles, elle est une figure qui traverse le temps et l’espace. C’est très surprenant de constater qu’elle est célèbre dans le monde entier. Nicolas Sarkozy a d’ailleurs dit d’elle qu’elle était la « plus belle image de la France dans le monde ». Elle lance un message universel de liberté et de courage. 

 

Guillaume Bernard est l’auteur d’un article sur la déformation laïque que l’État a faite de la sainte. Que doit-elle représenter pour la France ? 

Oui, ce sont tous les débats qu’il y a eu autour de la fête nationale et de la canonisation de Jeanne d’Arc, qui sont arrivées en même temps, en 1920. Nous le disions, cette jeune fille parle à tout le monde, de l’Action française au parti communiste. Victime du pouvoir politique et de l’Église, elle a intéressé cléricaux comme anticléricaux. Personnellement, cette récupération ne me gêne pas : Jeanne d’Arc appartient à tout le monde. 

Pour nous chrétiens, Jeanne est patronne secondaire de la France, elle nous rappelle que celle-ci est la fille aînée de l’Église pour nous aider à répondre positivement à l’appel de Jean-Paul II à notre pays, quand il est venu nous visiter en 1980 : « France, fille aînée de l’Église, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ? » 

 

Jeanne d’Arc reste très populaire à Orléans, grâce aux fêtes johanniques… 

Oui ! À Orléans, on a toujours fêté Jeanne jusqu’à aujourd’hui. Lors des fêtes johanniques, on assiste à une laïcité intelligente : les autorités civiles et religieuses collaborent ensemble pour l’honorer. Dans le hors-série, nous avons des articles de Blandine Veillon, qui témoigne de cette expérience d’être Jeanne d’Arc pendant un an, et de Bénédicte Baranger, ancienne Jeanne elle aussi, et désormais membre du comité de sélection des Jeanne pour préparer les fêtes johanniques. 

 

Comment avez-vous construit le plan de ce numéro et quels sont les autres intervenants ? 

La construction des hors-série de L’Homme Nouveau consacrés à un personnage se présente souvent ainsi : 1. sa biographie, 2. sa postérité, 3. son actualité.

Quant aux intervenants, ce sont tous ceux de la Nuit de l’Histoire sur Jeanne d’Arc : la plupart sont des professeurs de l’Ices. Nous avons également quelques intervenants extérieurs, spécialistes de Jeanne d’Arc : l’abbé Jacques Olivier qui a consacré sa thèse de théologie à la Pucelle, et Catherine Guyon, maître de conférences à l’université de Lorraine, qui a beaucoup écrit sur Jeanne d’Arc et qui fait partie des historiens convoqués par Nicolas Sarkozy en 2012 pour le 6e centenaire de sa naissance à Domrémy.

 

Nous entrons dans la deuxième année de la neuvaine à sainte Jeanne d’Arc. Quelle est l’urgence de prier sainte Jeanne d’Arc aujourd’hui ?  

C’est une initiative admirable de Thibaud Collin. En effet, Jeanne d’Arc est sainte, il faut donc la prier dans sa double dimension : pour la France et pour l’Église qui ont tant besoin de sa prière et de la nôtre. C’est une urgence qui profite du calendrier : cette neuvaine commencée en 2022 se terminera en 2031, pour le 6e centenaire de son entrée au Ciel. Il est très important de prier pro Deo et Patria. 

 

>> à lire également : L’argument central de Fiducia supplicans est-il recevable ? 

Marguerite Aubry

Marguerite Aubry

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