Figurer Jeanne d’Arc à Orléans

Publié le 10 Fév 2024
jeanne d'arc

La candidate choisit deux « pages » qui l'accompagnent partout (Fêtes Johanniques 2013). © CC BY 2.0 DEED / Claas Augner

À l’occasion de la sortie de notre dernier hors-série Jeanne d’Arc, une jeune sainte pour notre temps (n°54-55), nous donnons la parole à Bénédicte Baranger, présidente du comité Jeanne d’Arc d’Orléans, et ancienne Jeanne 1975. Elle nous raconte le rôle de la Jeanne et l’importance de cette figuration pour le public et la jeune fille désignée. La Jeanne 2024 sera présentée le 12 février prochain.

 

Il s’agit d’une aventure qui interpelle bien au-delà de notre ville. Comment, en 2024, une jeune fille peut-elle être sensible à cette héroïne d’un autre âge ?

La figuration est devenue un pilier des Fêtes, et cela se manifeste de plus en plus au-delà de l’intérêt médiatique porté à la jeune fille, par le fait que la France a besoin d’une représentation humaine, d’un visage d’unité, d’un médiateur hors « système » qui rassemble et s’engage. Et de façon plus ou moins consciente le public trouve en elle ces dimensions.

 

Une figuration désuète ?

Est-ce ringard ou désuet, comme l’exprimait un journaliste de FR3 récemment ? Non, bien au contraire ! Ne serait-ce pas aller de l’avant et offrir une autre proposition à une société qui a perdu ses repères historiques, religieux et moraux ? Et cela sans tomber dans l’anachronisme historique. La figuration ne confond pas le contexte du XVe siècle avec celui du XXIe. La jeune fille doit être bien formée, solide et entourée de sa famille pour pouvoir vivre cela paisiblement, avec une éducation « complète ».

Le principe de la figuration régulière date de 1945. À la sortie de la guerre, le responsable des scouts souhaitait que la jeunesse catholique qui avait été empêchée de se réunir puisse de nouveau honorer celle qui est un exemple, une référence : la sainte de la Nation.

Sa première sortie se fait dans les ruines, au son des cloches de la Libération. Elle est bien un signe de victoire, un symbole d’unité.

Avant cette date il y a eu quelques figurations pour les grands anniversaires, par des jeunes filles de bonnes familles réputées de bonne moralité.

Passons vite sur l’idée du « puceau ».

Non, il n’y a jamais eu de Jeanne garçon. Comme la religion catholique n’aimait pas trop les représentations de saints, il s’agissait donc d’un étendard pour « personnifier », si l’on peut dire, la Pucelle. Cet étendard était gardé par un jeune garçon qui devait s’obliger à respecter des jours de purification, de prière, pour être digne de cette mission de protection.

Nous sommes loin d’une interprétation à la mode Woke de 2023.

 

La candidature de la Jeanne

Aujourd’hui l’appel à candidature est public. Nous contactons tous les lycées privés et publics. Relayé par la presse locale et les réseaux sociaux, le dossier est téléchargeable. Pour information, nous avons eu 500 vues. Les candidates ont un mois et demi pour le constituer ; nous en avons toujours une douzaine.

Jeanne ne laisse donc pas indifférent, puisque nous avons sur notre compte Facebook ; 5 600 vues, 6 700 comptes touchés ; 1 000 followers sur Instagram.

Remplir le dossier de candidature est déjà un premier engagement.

Pour candidater il faut remplir les critères suivants :

  • Vivre à Orléans ou dans des communes limitrophes depuis au moins dix ans. Les candidates résident à Orléans ou dans une des villes suivantes depuis au moins dix ans : Ardon, Fleury-les-Aubrais, Olivet, Saint-Cyr-en-Val, Saint-Denis-en-Val, Saint-Jean-de-Braye, Saint-Jean-de-la-Ruelle, Saint-Jean-le-Blanc, Saint-Pryvé-Saint-Mesmin, Saran, Semoy.
  • Être lycéenne. Les candidates sont scolarisées dans un lycée d’Orléans.
  • Être catholique pratiquante. Jeanne est envoyée de Dieu et elle recevait les sacrements. Jeanne d’Arc n’est pas qu’une figure militaire ou civile, elle est pour les catholiques une sainte. La spiritualité de Jeanne est également commémorée lors des fêtes à travers des temps religieux et diverses rencontres.
  • Donner de son temps pour les autres. Jeanne a donné sa vie ! Les candidates sont personnellement engagées dans une ou plusieurs associations au service d’autrui dans le domaine de la jeunesse, de la culture, du sport, de la religion catholique, du troisième âge, etc.
  • Et… ne pas avoir un lien familial avec un élu. De plus, ni les parents, frères, sœurs, ni les grands-parents des candidates ne doivent détenir de mandat électif politique sur l’ensemble de la région ou n’en avoir détenu depuis moins de trois ans.

 

Un engagement spécifique

La jeune fille s’engage déjà lorsqu’elle remplit le dossier de candidature, avant même d’être désignée :

  • à rencontrer la présidente, l’aumônier d’Orléans Jeanne d’Arc (OJA) et un de ses membres afin de s’entretenir avec eux de sa candidature. Le but est de se rendre compte de la capacité de la jeune à transmettre un message, de ses convictions, de sa foi.
  • à être présente lors de la présentation à la presse à l’hôtel Groslot, mairie d’Orléans.
  • à effectuer le pèlerinage sur les lieux johanniques (Domrémy, Vaucouleurs, Reims, Compiègne et Rouen).
  • à suivre les cours d’équitation au 12e cuirassiers à Olivet, quelles que soient ses compétences équestres.
  • à ne pas se prévaloir de la figuration de Jeanne d’Arc pour obtenir un poste ou un avantage quel qu’il soit.

Chaque année, le comité de désignation se réunit pour « désigner » et non pas élire la jeune fille qui figurera Jeanne d’Arc. Il est composé du maire et du délégué aux Fêtes de Jeanne d’Arc, du colonel commandant de la place d’armes, du colonel commandant le 12e régiment de cuirassiers, de l’évêque et du prêtre qui accompagne l’association, de trois membres de l’association OJA et de deux anciennes « Jeanne », soit 11 personnes.

Il est bien l’expression du triptyque de « l’exception orléanaise » : des fêtes tout à la fois civiles, militaires et religieuses.

Les « débats » sont à la hauteur de ce que nous voulons donner du message de Jeanne. Tous les participants, y compris les nouveaux, qui changent tous les deux ans pour les militaires, font preuve d’un bel esprit. Tous ont à cœur de désigner celle qui va porter ce bel idéal.

En effet, cette jeune fille sera aux yeux des Orléanais et de leurs hôtes, la représentation de Jeanne d’Arc et de ses valeurs. Elle a pour mission de rencontrer tous les interlocuteurs qui se posent des questions sur Jeanne.

Elle participera tant aux manifestations « protocolaires » qu’à des rencontres avec des écoles, collèges ou lycées. La jeune fille rencontrera également des associations, des personnes âgées.

 

Jeanne d’Arc, femme, militaire et catholique

Elle est très sollicitée par les médias ; accompagnée et initiée elle a pour mission de donner de Jeanne d’Arc, de sainte Jeanne d’Arc, une image fidèle sans tomber dans une quelconque idéologie. Jeanne était tout à la fois : femme, militaire et catholique. C’est donc un exercice d’équilibrisme que toutes assument parfaitement dans la mesure où le choix se fait sur leurs capacités à exprimer ces valeurs.

Les manifestations s’étalent du 29 avril au 8 mai, mais les sollicitations se font à partir de leur désignation en février jusqu’à la remise de l’épée l’année suivante.

Deux garçons choisis par la candidate et validés lors de la désignation vont constituer l’équipe Jeanne d’Arc. Ils seront « pages », comme l’étaient Louis de Coûtes et Raymond pour Jeanne d’Arc lors de son épopée.

La jeune fille accompagnée de ses deux pages part en février pour un pèlerinage historique et spirituel de six jours : Domrémy, Vaucouleurs, Reims Compiègne et Rouen.

À chaque étape les municipalités organisent une réception officielle en mairie, des guides présentent les lieux johanniques : maison de Jeanne d’Arc et centre d’interprétation à Domrémy ; porte de France et musée de la statuaire à Vaucouleurs ; à Reims la cathédrale, la basilique de Saint-Remi et le palais du Thau sous la houlette experte du professeur Demouy ; à Compiègne l’évocation des lieux et de la capture de Jeanne avec une incursion à Pierrefonds pour appréhender un château fort. Puis à Rouen les lieux de son martyre et la visite de l’Historial.

Durant ce périple l’aumônier de l’association est présent et donne une messe tous les jours. En avril c’est à Sainte-Catherine-de-Fierbois, où Jeanne d’Arc fit prendre son épée, et à Chinon, que son initiation sera complétée.

À partir du mois de mars, elle prendra des leçons d’équitation au 12e régiment de cuirassiers. Ce cadeau de l’armée démontre le lien entre Jeanne et les militaires. Elle sera reçue par les armées de terre et de l’air de la place au cours de réceptions officielles et amicales.

L’évêque invite Jeanne et ses pages à une soirée de prière avant un dîner partagé à l’évêché.

Puis ce sont tous les préparatifs pratiques avec les costumes et les répétitions.

Une vie chamboulée durant un an pour la plus belle cause qui soit : porter l’histoire de Jeanne d’Arc à tous. En effet, la jeune fille n’incarne pas, mais elle est l’image de l’héroïne et elle permet d’ouvrir des discussions.

Le texte de l’engagement prononcé lors de la remise de l’épée donne la dimension de cette figuration.

Ancienne « Jeanne » :

« Puisque tu seras Jeanne d’Arc aux fêtes de cette année, je te confie l’épée aux cinq croix, rappel de celle que Jeanne d’Arc fit prendre à Sainte-Catherine-de-Fierbois, et qu’elle porta dans les combats sans jamais la souiller de sang.

Que ce soit la Fierté de ta vie de l’avoir reçue pour représenter Jeanne aux yeux des Orléanais et de leurs hôtes !

Qu’elle te garde de la vaine gloire, et t’aide à reporter à celle qui nous vint “de par Dieu” les applaudissements et les vivats dont tu seras entourée !

Et que cette figuration d’un jour dans la fidélité te mérite la protection de la sainte Pucelle pendant toute ta vie ! »

Nouvelle « Jeanne » :

« Je reçois cette épée avec ferveur sachant bien que l’avoir au côté me constitue dans un rôle qui me dépasse.

Puisse Jeanne d’Arc m’aider à être d’elle-même, durant ces jours, une image fidèle !

Et puissè-je l’an prochain, comme tu le fais cette année, remettre, à celle qui me succèdera, cette épée aussi nette et aussi pure, mais plus riche de la fierté avec laquelle je l’aurai portée et des hommages qu’une fois encore elle aura reçus ! »

Figurer Jeanne d’Arc, marque durablement toutes les jeunes femmes. Toutes différentes, avec des approches personnelles, elles se retrouvent au sein d’une association « Jeanne un jour, Jeanne toujours ». Avec émotion elles revivent tous les ans ces jours où l’histoire de notre ville et donc celle de la France est portée à un public varié, enthousiaste et fidèle.

Cette figuration, hors du temps au regard des déclarations sur les préoccupations de la jeunesse, est essentielle. Avec elle Jeanne est devant chaque participant, vivante et réelle ; elle ouvre la porte à des débats essentiels : l’histoire de France, les valeurs à tenir pour nos jeunes et la France, la place de la foi dans l’action, l’engagement, la persévérance.

Jeanne habite intimement chaque jeune fille à partir de la figuration. Quelle amie, quelle force, quel roc ! Fidélité oblige !

 

>> à lire également : Enseignement catholique (4/4) : Héritages et trésors de l’éducation chrétienne

Bénédicte Baranger

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