L’évangile de la Miséricorde dans toute l’Église

Publié le 13 Avr 2016
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Depuis Jean-Paul II, le dimanche dans l’octave de Pâques, déjà connu sous le nom de Quasimodo ou in albis, s’appelle dimanche de la miséricorde, selon la demande du Seigneur lui-même à sainte Faustine. Traditionnellement, l’Église fait lire en ce jour l’épisode de l’apôtre Thomas, qui se conclut par la phrase bien connue : « Il y a beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre ». C’est justement par elle que le Pape commence son homélie de ce dimanche 3 avril pour préciser que l’Évangile est par essence le livre de la miséricorde. Jésus est l’Incarnation même de la Miséricorde. Tout l’Ancien Testament l’annonçait en ce sens et c’est aussi la grande affirmation du Nouveau Testament. Jésus est en effet le bon Samaritain qui accomplit les œuvres de miséricorde envers l’humanité profondément blessée depuis le péché originel. En lisant saint Jean, on pourrait croire que Jésus n’a pratiqué que les sept œuvres de miséricorde corporelle. Ce serait gravement oublier l’importance de la prière et du pardon chez Jésus. Ce serait oublier aussi les sept paroles de Jésus en croix qui regardent d’abord les œuvres de miséricorde spirituelle.

Les œuvres de miséricorde cachées

Saint Jean remarque donc que tout n’a pas été écrit. Cela est vrai aussi pour ce qui concerne la miséricorde. Comme le remarque le Pape, l’Évangile de la Miséricorde s’accomplit en réalité sans cesse dans le Corps mystique du Christ, dans chacun de ses membres. Les saints l’ont pratiqué à merveille. Il serait bon à ce sujet de faire une mention spéciale de ce que l’on peut appeler la « sainteté blanche », celle qui ne paie pas de mine bien qu’elle pratique toutes les œuvres de miséricorde jusqu’à l’héroïsme. Nous en souvenir nous permet de nous approprier l’appel à l’universalité de la sainteté lancé par le dernier Concile et voir qu’il ne s’agit pas d’une utopie. Tous, nous devons pratiquer les œuvres de miséricorde, au moins en esprit. Ainsi, si les moines n’ensevelissent pas tous les jours des morts, ils peuvent prier pour les âmes des marins morts en mer et qui ne recevront jamais de sépulture.

À cet Évangile de Thomas est associée l’annonce du pardon par l’institution du sacrement de pénitence. C’est la mission essentielle des prêtres qui, comme le Christ et parce qu’ils agissent en son nom, traversent les portes closes du péché et de la mort pour ouvrir celles de la miséricorde. Il n’y a qu’un chemin possible pour l’Église : celui de la miséricorde. Il y a pour nous un devoir de témoigner, à un monde malade et craintif, de la puissance de la guérison qui se trouve dans le pardon des péchés. La Miséricorde divine ne s’arrête devant rien. Elle est toujours efficace, même à distance, si du moins nous ne mettons pas d’obstacle volontaire à ses effets. Le premier effet de la miséricorde, c’est la paix, le salut juif par excellence, repris dans notre Évangile par Jésus en présence de ses disciples. Mais ce n’est pas une paix négociée, c’est une paix rédemptrice. Comme le dit l’Apocalypse, il faut se laver dans le sang de l’Agneau. Cette paix qui lave, qui efface le péché, restaure entre tous les hommes qui participent de la même miséricorde, l’unité brisée par le diable, le grand diviseur. Sachons remercier Jésus par Marie de l’octroi du pardon divin, de l’amour sans fin et jusqu’au bout du Christ qui s’est livré pour nous. Supplions le Seigneur, par Marie également, d’être nous-mêmes comme une incarnation de la miséricorde, sans nous fatiguer de puiser les premiers à ces sources de miséricorde que sont les Cœurs de Jésus et de Marie.

L’homélie du Pape

« Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre » (Jn 20, 30). L’Évangile est le livre de la miséricorde de Dieu, à lire et à relire, parce que tout ce que Jésus a dit et accompli est une expression de la miséricorde du Père. Toutefois, tout n’a pas été écrit ; l’Évangile de la miséricorde demeure un livre ouvert, où continuer à écrire les signes des disciples du Christ, gestes concrets d’amour, qui sont le meilleur témoignage de la miséricorde. Nous sommes tous appelés à devenir écrivains vivants de l’Évangile, porteurs de la Bonne Nouvelle à tout homme et à toute femme d’aujourd’hui. Nous pouvons le faire en mettant en pratique les œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles, qui sont le style de vie du chrétien. Par ces gestes simples et forts, parfois même invisibles, nous pouvons visiter tous ceux qui sont dans le besoin, portant la tendresse et la consolation de Dieu. On poursuit ainsi ce que Jésus a accompli le jour de Pâques, quand il a répandu dans les cœurs des disciples effrayés la miséricorde du Père, soufflant sur eux l’Esprit Saint qui pardonne les péchés et donne la joie.

Toutefois, dans le récit que nous avons écouté émerge un contraste évident : il y a la crainte des disciples, qui ferment les portes de la maison ; de l’autre, il y a la mission de la part de Jésus, qui les envoie dans le monde porter l’annonce du pardon. Il peut y avoir aussi en nous ce contraste, une lutte intérieure entre la fermeture du cœur et l’appel de l’amour à ouvrir les portes closes et à sortir de nous-mêmes. Le Christ, qui par amour est passé à travers les portes closes du péché, de la mort et des enfers, désire entrer aussi chez chacun pour ouvrir tout grand les portes closes du cœur. Lui, qui par la résurrection a vaincu la peur et la crainte qui nous emprisonnent, veut ouvrir tout grand nos portes closes et nous envoyer. La route que le Maître ressuscité nous indique est à sens unique, elle avance dans une seule direction : sortir de nous-mêmes, sortir pour témoigner de la force de guérison de l’amour qui nous a conquis. Nous voyons devant nous une humanité souvent blessée et craintive, qui porte les cicatrices de la douleur et de l’incertitude. Face à l’imploration douloureuse de miséricorde et de paix, nous entendons, aujourd’hui adressée à chacun de nous, l’invitation confiante de Jésus : « De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie » (v. 21).

Chaque infirmité peut trouver dans la miséricorde de Dieu un secours efficace. Sa miséricorde, en effet, ne s’arrête pas à distance : il désire venir à la rencontre de toutes les pauvretés et libérer des nombreuses formes d’esclavage qui affligent notre monde. Il veut rejoindre les blessures de chacun, pour les soigner. Être apôtres de miséricorde signifie toucher et caresser ses plaies, présentes aussi aujourd’hui dans le corps et dans l’âme de tant de ses frères et sœurs. En soignant ces plaies nous professons Jésus, nous le rendons présent et vivant ; nous permettons à d’autres, de toucher de la main sa miséricorde, de le reconnaître « Seigneur et Dieu » (cf. v. 28), comme fit l’Apôtre Thomas. C’est cela la mission qui nous a été confiée. Tant de personnes demandent d’être écoutées et comprises. L’Évangile de la miséricorde, à annoncer et à écrire dans la vie, cherche des personnes au cœur patient et ouvert, « bons samaritains » qui connaissent la compassion et le silence face au mystère du frère et de la sœur ; il demande des serviteurs généreux et joyeux, qui aiment gratuitement sans rien exiger en échange.

Le salut de paix

« La paix soit avec vous ! » (v. 21) : c’est le salut que le Christ adresse à ses disciples ; c’est la même paix qu’attendent les hommes de notre temps. Ce n’est pas une paix négociée, ce n’est pas l’arrêt de quelque chose qui ne va pas : c’est sa paix, la paix qui vient du cœur du Ressuscité, la paix qui a vaincu le péché, la mort et la peur. C’est la paix qui ne divise pas, mais unit ; c’est la paix qui ne laisse pas seuls, mais nous fait sentir accueillis et aimés ; c’est la paix qui demeure dans la douleur et fait fleurir l’espérance. Cette paix, comme le jour de Pâques, naît et renaît toujours du pardon de Dieu, qui enlève l’inquiétude du cœur. Être porteuse de sa paix : c’est la mission confiée à l’Église le jour de Pâques. Nous sommes nés dans le Christ comme instruments de réconciliation, pour porter à tous le pardon du Père, pour révéler son visage de seul amour dans les signes de la miséricorde.

Dans le Psaume responsorial il a été proclamé : « Son amour est pour toujours » (117/118, 2). C’est vrai, la miséricorde de Dieu est éternelle ; elle ne finit pas, elle ne s’épuise pas, elle ne se rend pas face aux fermetures, et elle ne se fatigue jamais. Dans ce « pour toujours » nous trouvons un soutien dans les moments d’épreuve et de faiblesse, parce que nous sommes certains que Dieu ne nous abandonne pas : il demeure avec nous pour toujours. Remercions pour son si grand amour, qu’il nous est impossible de comprendre : il est si grand ! Demandons la grâce de ne jamais nous fatiguer de puiser la miséricorde du Père et de la porter dans le monde : demandons d’être nous-mêmes miséricordieux, pour répandre partout la force de l’Évangile, pour écrire ces pages de l’Évangile que l’apôtre Jean n’a pas écrites.

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