Les hôteliers et Pilate, les bergers et saint Paul à Damas

Publié le 25 Nov 2016
Les hôteliers et Pilate, les bergers et saint Paul à Damas L'Homme Nouveau

Dans peu de jours, ce sera Noël. Une heureuse fois encore. Notre petit Roi d’humilité vient nous sauver et nous apprendre à vivre dans l’humilité. À l’inverse des bergers, les hôteliers n’ont pas reçu la leçon. À l’inverse de Pilate, Paul, sur le chemin de Damas, s’est laissé subjuguer.

À dire vrai, les hôteliers de Bethléem sont plus myopes que méchants. Quant à Pilate, à la suite d’Origène, les Pères anciens lui attribuent un ton ironique au procès du Seigneur (Origène in Mt. N° 118 ; Theoph. in Luc) ; mais comme saint Jean l’évangéliste, le pape émérite Benoît XVI voit en Pilate un diplomate soucieux avant tout d’imprimer la force pacifiante du droit romain, pax romana, et le voilà déconcerté et bousculé (Jésus de Nazareth, III, p, 217). Si Jean attribue aux Juifs la mort de Jésus, il pense pour l’essentiel à l’aristocratie du Temple : nulle connotation raciste d’antisémitisme chez lui, il est lui-même fier de sa race juive, celle de Jésus et de Marie. Donc, il convient de laisser à Pilate, avec sa prudence romaine, une certaine droiture d’intention mêlée même de candeur dans son dialogue avec le Seigneur. Pareillement, laissons les hôteliers à leurs comptes d’apothicaire qui rendent myopes vis-à-vis de l’imprévu.

Bethléem attendait le Messie prophétisé et l’a raté. Quant à Pilate, il interroge Jésus sur sa royauté, puisque les Juifs présentent ce chef d’accusation. La réponse de Jésus le met dans une étrange situation : l’accusé reconnaît ce qu’on lui reproche, tout en soulignant la totale originalité de sa royauté, règne non-violent et sans aucune menace contre les règlements romains (op. cit. III, p. 218). Pilate est tenté de voir en ce roi minable quelque chose d’irréel, un pur fantasme. Et comme ceux de Bethléem, il rate le rendez-vous.

Il en va de même pour notre époque. En quoi ce roi nous concerne-t-il ? « Jésus fait reposer son concept de royauté et de règne sur la vérité comme catégorie fondamentale », répond avec netteté Benoît XVI. Malheureusement, l’humble vérité est inaperçue des hôteliers fébriles et affairés, ridiculisée par le ton désabusé du sceptique et pragmatique Pilate. Notre temps en reste officiellement à ces non-réponses. La conception moderne du grand commerce, celle de l’État, durcie et fragilisée, refuse le dialogue qui garde plus que jamais toute sa pertinence. Pie XI fut bien inspiré d’instituer la fête du Christ-Roi en l’entre-deux-guerres symptomatique de l’évanescence où se meurt le politique ancré dans le bien commun.

La question de la vérité

Mais voilà saint Paul sur le chemin de Damas : comme les bergers, il ne refuse pas la question sur la vérité révélée, sur la vérité en son entier pour « éclairer tout homme venu en ce monde ». Aux Colossiens, il répond avec zèle ce qu’auraient dû dire les hôteliers ou Pilate, dépassés par la situation. Il faut avec simplicité et ferveur rendre « grâces à Dieu le Père, qui en nous éclairant de sa lumière, nous a rendus dignes d’avoir part au sort et à l’héritage des saints. » Car « Il est l’image du Dieu invisible, et qui est né avant toutes les créatures… nous arrachant à la puissance des ténèbres, et nous faisant passer dans le royaume de son Fils bien-aimé, par le sang qui nous a rachetés : c’est par Lui que nous avons reçu la rémission de nos péchés. Tout a été créé par lui et pour lui » (Col 1, 12-16). À Pilate, Jésus dit avec une solennité simple et déconcertante : « Je suis né pour ceci » (Jn 18, 37). Saint Jérôme voit ici que Jésus « laisse entendre qu’il préexistait à sa naissance temporelle, et que sa naissance » à Noël jusqu’à sa mort au Calvaire « était l’exécution d’un dessein auquel il coopérait lui-même : Je suis ici dans le monde pour rendre témoignage à la vérité » (Hom 84, 1).

Devant Timothée, Paul, heureux vaincu du chemin de Damas, manifeste son admiration pour l’attitude de Jésus à Noël ou devant Pilate : « Jésus-Christ a rendu sous Ponce Pilate une si belle confession à la vérité » (I Tim 6, 13). Notre-Dame garde cette « si belle confession » en son Cœur Immaculé, depuis l’Annonciation, depuis Noël jusqu’au dernier soupir au Calvaire. Salve porta ex qua mundo lux est orta : Vous êtes la porte qui a attiré les bergers et subjugué Paul. Par vous, nous faisons connaissance avec la lumière véritable venue éclairer tout homme en ce monde, nous laissant joyeusement subjuguer à notre tour.

Ce contenu pourrait vous intéresser

A la uneEgliseChrétiens dans le monde

Le Vietnam catholique après Diên Biên Phu (1/3) : Que sont devenus les catholiques ?

Dossier « Le Vietnam catholique après Diên Biên Phu » (1/3) | Dans un pays passé des mains de la France à une partition violente puis à l’écrasant joug communiste, la minorité catholique, née au XVIIe siècle, subira les persécutions les plus extrêmes, malgré d’éminents représentants, très lucides sur ce qui l’attendait, et sur l’héroïque résistance d’humbles populations paysannes.

+

vietnam
EglisePatrimoine

Une famille finance un calvaire en Haute-Loire

Focus | Une famille d'Auvergne projette la construction d'un calvaire sur un petit terrain privé du côté de Saint-Vincent, à la croisée de plusieurs routes, notamment celle du Puy-en-Velay. L'idée est de pouvoir ensuite mettre ce lieu à disposition de groupes, paroisses et organisations catholiques. Le projet devrait aboutir en avril 2025.

+

calvaire
EgliseLettre Reconstruire

Les papes et le principe de subsidiarité (V)

« Question de Principe » | Comment évoquer le principe de subsidiarité dans l’enseignement pontifical sans parler du magistère de Jean-Paul II sur la question ? Auteur de trois encycliques sociales, il est aussi à l’origine du Compendium de la doctrine sociale de l’Église. Paru dans la Lettre Reconstruire n°35 (avril 2024).

+

principe de subsidiarité
EgliseSpiritualité

« Le sang des martyrs est semence de chrétiens » : pèlerinage annuel aux Lucs-sur-Boulogne

« Le sang des martyrs est semence de chrétiens. C’est particulièrement vrai en Vendée », s’exclame ainsi celui qui co-organise un pèlerinage annuel aux Lucs-sur-Boulogne, le 27 avril prochain. Cet événement en mémoire des martyrs de Vendée, vise en particulier à soutenir la cause de béatification des enfants des Luc-sur-Boulogne, massacrés en haine de la foi, le 28 février 1794. Entretien avec Adrien Renouard qui nous fait découvrir cet événement lancé il y a une vingtaine d’années par le père Argouarc’h et quelques laïcs.

+

pèlerinage des Lucs-Sur-Boulogne