Pendant la messe chrismale du Jeudi Saint, le Pape a prononcé son homélie sur les différents échanges de regards de l’évangile, entre Jésus et les Juifs dans la Synagogue puis entre Jésus et Pierre. C’est par ce regard que le disciple comprend sa trahison et qu’il verse des larmes de componction.
Outre le rappel de l’institution de la divine Eucharistie, le Jeudi saint commémore la trahison de Judas, ainsi que celle de Pierre. Nous sommes tous des pécheurs et il est bon pour nous de méditer souvent sur ces deux trahisons, car chacun de nous peut être tenté par l’une ou l’autre de ces tentations, sinon par les deux.
Judas a été un déçu de Jésus. Il s’attendait, comme d’ailleurs tous les Apôtres, à un Messie royal rétablissant enfin le Royaume d’Israël par la force et la puissance. Il a été déçu par Jésus, mais il est surtout tombé sous l’emprise d’un autre. C’est une grande leçon pour nous. Si nous ne laissons pas la place à Jésus dans notre cœur, un autre la prendra : Satan. Dans son Évangile, saint Jean le note par un fait : quand Judas a quitté le Cénacle, il faisait nuit. Par là, il indique certes la nuit naturelle, mais il veut aussi indiquer la nuit ténébreuse de l’âme de Judas livrée au diable.
Dans son second tome sur Jésus, Benoît XVI explique cela magnifiquement : « celui qui brise l’amitié avec Jésus, celui qui se débarrasse de son joug aisé, n’arrive pas à la liberté, mais il devient au contraire l’esclave d’autres puissances. » C’est pour cette raison qu’il n’a pas pu croire au pardon. Son remords ne l’a pas conduit, comme Pierre, à la conversion, mais au désespoir.
Quant à Pierre, il aimait Jésus et son amour était sincère, mais il a péché par présomption. Son héroïsme s’est effondré devant le soupçon d’une servante. Tirons pour nous-mêmes les leçons de ces deux trahisons et ne disons jamais qu’elles ne nous arriveront jamais !
Le Pape ne commence pourtant pas son homélie de la messe du Jeudi saint ce 28 mars par la trahison de Pierre qui le conduira ensuite au repentir, mais par l’épisode de Jésus à Nazareth rejeté par les siens, lorsque tous dans la Synagogue avaient les yeux fixés sur lui, avec un mélange d’étonnement et de méfiance virant ensuite à la haine. Pourquoi les Juifs n’ont-ils pas reçu le Messie, alors qu’ils connaissaient les Écritures ? Comme Judas et comme Pierre, ils ont été déçus. Le Messie davidique ne pouvait pas être pour eux le Serviteur souffrant annoncé par Isaïe.
Ils devinrent furieux et chassèrent Jésus au dehors de la ville. Leurs yeux s’étaient pourtant bien fixés sur Jésus, mais leurs cœurs restaient loin de lui. Comme pour Judas, un autre avait pris la place. Oui, c’est ou Jésus qui régnera dans notre âme, ou Satan. Réfléchissons bien à cela. Pierre lui-même fit cette affreuse expérience. Il renia son maître : « je ne le connais pas ». En un sens, il n’avait pas tort, car il ne connaissait pas pleinement Jésus.
Il comprendra plus tard. Mais avant même son martyre, lorsque Jésus le regarda et que coulèrent de ses yeux les larmes de la honte après que le coq eut chanté, il connut mieux Jésus, et il le connaîtra mieux encore après la Résurrection, lorsque, près du lac de Tibériade, Jésus lui aura demandé par trois fois s’il l’aimait.
Pierre nous apprend à redécouvrir la vraie componction, mot qui évoque la piqûre, mais la piqûre du cœur, celle qui blesse, car, comme le disait sainte Teresa de Calcutta, l’amour véritable fait toujours mal. La componction véritable n’est pas seulement un sentiment de culpabilité qui abat et conduit au désespoir, ce qu’a eu Judas ; elle est une piqûre salutaire qui brûle et guérit.
Pour cela, il faut la grâce du Saint-Esprit qui accorde l’humilité d’avouer sa faute et de se précipiter ensuite, comme l’enfant prodigue, dans les bras de son Père miséricordieux. Pleurer sur nous-mêmes, n’est pas tomber dans la jalousie ou le désespoir. C’est se repentir et demander pardon. C’est confesser sa faute avec larmes et gémissements, avec l’assurance d’être pardonné.
Demandons à Marie qui a pleuré à La Salette, à Syracuse ou à Akita, la grâce de la vraie componction. Que nos larmes nous lavent, sans nous abattre sous l’ouragan démoniaque qui nous ferait accomplir l’irréparable.
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