La psychologue Isabelle Chartier Siben a publié un ouvrage rappelant la souffrance dévastatrice des victimes d’abus sexuels. Ces derniers ne peuvent être passés sous silence ou minimisés, parce qu’ils touchent au plus intime. Et pourtant le sujet est le plus souvent mal traité, instrumentalisé contre l’Église, dénoncé d’abondance mais sans effet.
Parler des abus sexuels et spirituels dans l’Église, c’est s’exposer à des objections fondées sur des présupposés en partie pertinents, mais seulement en partie, justement. Ainsi certains se plaindront que « le crime a changé de camp » [1] en constatant que l’hérésie est aujourd’hui moins répréhensible dans l’Église que « la moindre chute d’ordre affectif et sexuel ». D’autres, ayant de bonnes raisons de critiquer tel ou tel aspect du rapport de la Ciase (sa méthodologie, le calcul du nombre des victimes ou des abuseurs, etc.) ou l’utilisation qui en a été faite pour remettre en cause le sacerdoce, considéreront qu’on en fait décidément trop pour les victimes d’abus. L’Église se serait laissé piéger par la logique de la victimisation omniprésente dans notre société.
Des abus dévastateurs
La psychologue Isabelle Chartier Siben [2] permet de remettre ces discours à leur juste proportion en affirmant, forte de son expérience clinique, que les abus sont toujours profondément dévastateurs pour les victimes. Son préfacier, dom Dysmas de Lassus, prieur de la Grande Chartreuse et également auteur d’un livre important sur le sujet [3], ajoute : « On a beaucoup exploré les causes, c’est bien, mais où sont les recherches sur les remèdes ? » Parler des abus est un moyen essentiel de lutter contre. Car l’ignorance de la spécificité de ce type d’actes est le meilleur terreau de sa minoration voire de son invisibilisation. Un abus sexuel est un acte par lequel une personne utilise sa position de supériorité morale envers une autre personne pour lui extorquer des faveurs sexuelles assouvissant ses propres pulsions. Dans le cadre ecclésial, l’abus sexuel implique presque toujours l’instrumentalisation de la dimension spirituelle inscrite dans cette relation asymétrique. Un abus n’est donc pas une simple agression car il est perpétré dans le cadre d’une relation de confiance relevant de l’intime.
Détournement
Les vertus et les trésors de la vie spirituelle sont ainsi détournés de leur vraie finalité pour justifier des actes intrinsèquement injustes. Tel ce prêtre invoquant la très belle méditation de saint Jean-Paul II « Dieu t’a donné à moi » [4] pour manipuler…