Dans ses conférences sur la vieillesse et lors de l’audience de ce 25 mai, le Pape aborde un personnage que la Tradition identifie à Salomon : l’Ecclésiaste ou Qohèleth. Ce vieux sage écrit à son fils Roboam pour le mettre en garde sur la vanité des choses de ce monde. On connaît bien le refrain de ce livre : « Tout est vanité ».
En bon sage, Qohèleth veut que nous employions bien notre vie, sans se laisser abattre par l’inconstance, l’ennui engendrant l’acédie, l’inquiétude, l’angoisse, en un mot la vanité de tout ce qui est humain. Ne pas céder aux philosophies du désespoir, ni à la lassitude et la paresse, sous l’influence du démon de midi. Ne pas céder non plus à la médiocrité ou au plaisir. Qohèleth nous donne le vrai sens du détachement qui nous conduira à Dieu.
Malgré les répétitions nombreuses des : Qui sait ?, nous voyons donc bien que Qohèleth ne possède rien du sceptique. Il croit en Dieu et donne des consignes éclairantes qui en font preuve. Il croit en un Dieu juste, mais surtout miséricordieux. Il faut savoir dépasser le mystérieux, pour découvrir la sagesse véritable qui y est contenue et qui doit nous conduire au véritable bonheur, lequel ne peut provenir ni du pouvoir ni de l’argent, mais uniquement de Dieu, qui chassera de nous tout désespoir, en faisant de nous des « sentinelles de l’invisible ». Fils d’Israël, espérant avec son peuple, dans la miséricorde de Dieu et dans la venue du Messie, conscient des promesses faites à son peuple devenu, par grâce, le peuple saint, Qohèleth nous livre un message des plus spirituels et non pas un essai philosophique qui se contenterait de décrire l’absurde de la vie. En aucun cas, le Livre de Qohèleth ne doit nous apparaître comme un spleen romantique ou une désillusion de l’âme sujette à l’acédie, au dégoût, à la pesanteur de la vie spirituelle. Il ne s’agit pas de vide malsain, mais au contraire d’une soif et d’une faim de la vraie richesse, de la vraie nourriture qui n’est que Dieu. Qohèleth rejoint ici l’expérience des saints face à la misère de la créature au regard du Créateur. « Je suis Celui qui suis et tu es celle qui n’est pas ». La créature, en dehors de Dieu, ne trouve que vide, vanité, tristesse et nostalgie. Nostalgie qui peut se transformer en désir : désir de Dieu, désir du vrai bonheur qui ne réside qu’en Dieu, désir du Tout, alors que le reste n’est rien, désir de combler ce vide que tout homme ressent. Loin donc d’être un livre de désespoir, Qohèleth se présente à nous comme le livre de l’espérance.
Sans faire un traité de philosophie, Qohèlethh médite sur le double rôle de Dieu et de l’homme par rapport à la destinée humaine. Sa foi en Dieu lui permet d’éviter tout fatalisme, mais aussi toute banalité. Il apporte un regard de foi, regard qui lui permet de ne pas sombrer dans le pessimisme. Le monde n’est pas beau sans Dieu. Pas à pas, mais par de libres propos, il relève tout à la fois la vanité et le sérieux de la vie ; la fugacité voire l’absurde, mais en même temps l’intérêt, de toute existence humaine. La connaissance qui nous exonère de la moralité semble de prime abord une source de liberté, d’énergie, mais elle se transforme bien vite en une paralysie de l’âme. C’est le grave danger de l’acédie, souvent appelée le démon de midi, tant redoutée par les premiers moines, car elle leur faisait quitter la cellule pour retourner aux vanités du monde et aux séductions de la bagatelle, surtout dans le monde de la connaissance. Le Pape met particulièrement en garde à ce sujet contre les dangers des moyens modernes de communication. Que Marie nous aide à être vigilants en ce domaine !