Carte blanche à Yves Chiron
Le titre de l’ouvrage, Alain de Benoist à l’endroit, laissait espérer une biographie ou une présentation de son œuvre. Le sous-titre, « Un demi-siècle de Nouvelle Droite », résume davantage le propos du livre. François Bousquet, rédacteur en chef d’Éléments (une des revues créées par Alain de Benoist), s’accroche à cette appellation de « Nouvelle Droite » que l’intellectuel a récusée depuis plusieurs décennies. Ce n’est pas le seul paradoxe de ce livre. Dans le chapitre consacré à la religion (p. 141-151), on s’attendait à un exposé sur les positions d’Alain de Benoist en matière religieuse et à au moins une tentative d’expliquer les origines de son antichristianisme. Au lieu de cela, on a des pages plutôt confuses où l’auteur présente ses propres conceptions : « cela fait longtemps que j’ai choisi l’athéisme », écrit-il, tout en confiant sa « crainte » des « dieux », « divinités toutes-puissantes, maléfiques ou bénéfiques ». Tout en affirmant que le refus du « monothéisme » est constitutif de la Nouvelle Droite, François Bousquet termine son chapitre par une attente : « Seul un Dieu pourra nous sauver, ou bien nous continuerons de décliner à la face du dieu absent, selon les mots de Heidegger. » La façon dont l’auteur présente les idées d’Alain de Benoist frise le simplisme : « valeurs de droite, idées de gauche ; révolution mais conservatrice ; populisme aristocratique ». On passera sur les éloges dithyrambiques qui lui sont adressés : il est comparé successivement à Socrate, à « un moraliste français du grand siècle », à un « encyclopédiste du XVIIIe siècle ». L’ouvrage finalement est décevant. On comprend bien comment Alain de Benoist a été amené à fonder trois revues : Nouvelle École, Éléments, Krisis, qui ne se sont pas succédé mais ont poursuivi et poursuivent des buts différents. Mais on voit mal comment la Nouvelle Droite peut être comparée à l’Action française (chapitre 12). La Nouvelle Droite a certes attiré, à différents moments de son histoire, des écrivains, des intellectuels prestigieux, comme l’Action française l’avait fait en son temps ; mais à la différence du mouvement monarchiste, elle n’a pas constitué une école de pensée, Alain de Benoist n’a pas de disciples ou de continuateurs, il a eu des collaborateurs et des admirateurs mais aucun qui ait engagé une œuvre personnelle, originale. L’œuvre d’Alain de Benoist est imposante (plus de 120 livres). On ne le lit jamais sans profit, même si pour un catholique les désaccords surgissent toujours à un moment ou à un autre. Il méritait mieux que…