La mélodie de cet alléluia a bien le calme et le caractère paisible et pacifiant des mélodies du premier mode, sans éclat, mais très tranquilles et très fermes. On peut noter la courbe ascendante de la première vocalise faite de petites montées assez légères entrecoupées de discrètes descentes. L’ensemble monte et un crescendo doit se faire sentir à mesure que l’on s’achemine vers le sol (*) à partir duquel va se développer le jubilus (vocalise sur la syllabe a). Ce jubilus est tout à fait remarquable par son fondu le plus absolu. Sur les deux premières incises qui nous font redescendre jusqu’au do grave, seuls deux intervalles de tierce apparaissent (1, 2). Tout le reste de la vocalise procède par degrés conjoints. Mais cette mélodie très liée doit être aussi très ardente et assez vive. Après la seconde demi-barre, un intervalle de quarte provoque un petit rebond bien énergique avant le retour au grand legato très paisible du début. La cadence finale est belle avec son double intervalle répété mi-fa (*), qui précède, sous la forme d’un balancement binaire très heureux, la déposition toute douce du ré. On a là un petit exemple du génie grégorien qui avec trois fois rien n’a pas son pareil pour établir les âmes dans une atmosphère recueillie et paisible. En chantant ce jubilus, l’âme semble se perdre déjà dans la contemplation de la scène sublime décrite dans le verset : « Le vieillard portait l’enfant, mais l’enfant gouvernait le vieillard. » Puisse notre société vieillie se laisser inspirer et guider, elle aussi, dans la même lumière et vers le même bonheur par la grâce de l’Enfant.
Pour écouter cet Alleluia chanté par les chanoines de la Mère de Dieu de Lagrasse.
Ce billet est extrait du dernier numéro de L’Homme Nouveau que vous pouvez commander à nos bureaux (10 rue Rosenwald, 75015 Paris. Tél. : 01 53 68 99 77, au prix de 4 euros), ou télécharger directement sur ce site en cliquant sur le lien ci-dessous.